Jusqu’au 7 septembre 2025
Musée de l’Homme, Place du Trocadéro, Paris 16e
Si je vous dis wax, vous pensez aussitôt pagne africain ? En réalité, ce morceau de coton coloré aux motifs codés est une adaptation du batik indonésien commercialisé par les Européens. Le musée de l’Homme propose de revenir sur l’histoire et les enjeux contemporains de ce tissu, vieux de plus de 120 ans, à la croisée de l’Asie, de l’Europe, et de l’Afrique.

Le wax est un morceau de coton imprimé sur les deux faces utilisant la technique de la cire pour délimiter les plages d’impression des motifs.
Les premiers morceaux sont fabriqués par les colons néerlandais, qui s’inspirent des traditionnels batiks, à destination du marché indonésien. Au XIXe siècle, des soldats ghanéens envoyés à Java rapportent à leur retour en Côte-de-l’Or (actuel Ghana) ces tissus, qui vont connaître un grand succès.

Les Européens décident alors de s’orienter vers le marché de l’Afrique de l’Ouest, où le tissu va être produit progressivement au Nigéra, Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire. Au XIXe siècle, le procédé est mécanisé par l’entreprise néerlandaise leader du marché Vlisco et sa succursale ivoirienne Uniwax. La popularité du tissu va inciter les compagnies asiatiques, chinoises en premier lieu, à imiter le wax, qui va devenir meilleur marché mais de moindre qualité.
Le parcours revient sur ces différentes étapes, avec des sections thématiques qui mettent en avant les différentes qualités de wax, la notoriété des businesswomen togolaises « Nana Benz » (devenues suffisamment riches pour rouler en Mercedes). Ou encore la richesse iconographique des motifs, essentiellement animaliers, végétaux, et géométriques, dont la popularité est à l’image de la mode : traversant les siècles ou vite éphémère.

Une section s’intéresse au rôle des femmes – en tant que couturières, vendeuses, clientes – et aux valeurs symboliques attribuées au tissu (pour le mariage, les fêtes religieuses, les actions diplomatiques).

La seconde partie du parcours est axée sur l’appropriation des artistes de ce morceau de tissu, autant décrié en raison de son histoire coloniale, qu’assumé et participant à l’affirmation d’un style artistique avec des photographies et des installations qui utilisent le wax pour évoquer les enjeux actuels (réchauffement climatique, accumulation des déchets, migrations…).

« C’est bien plus qu’une exposition de mode », commente Marie Merlin, une des commissaires de l’exposition. L’angle choisi apporte une réflexion sur la place de l’Afrique dans le monde au niveau économique et artistique.
Mention spéciale à Gombo pour ses illustrations digitales imprimées sur textile sur l’histoire du wax ; Oumy Ndour pour ses photos mettant en scène des femmes africaines modernes et urbaines ; Lamyne M pour sa robe médiévale « Marguerite d’Artois » et ses ventilateurs recouverts de wax pour dénoncer le réchauffement climatique ; Samuel Nnorom pour son installation où chaque bulle de tissu réinvente le concept de tissu social ; et Thandiwe Muriu pour ses photographies où les modèles recouvertes d’imprimés wax se confondent avec le fond et sont vecteurs de la notion anglaise d’empowerment.

Pour compléter cette visite captivante, je vous recommande la BD Wax Paradoxe (Bayard Graphic’, 136pages, 22€), qui a été imaginée par Justine Sow (journaliste à la télévision belge), en relation avec l’exposition. Le récit conte l’histoire et l’appropriation du wax par les femmes africaines de ce tissu commercialisé initialement par des Européens, à travers la vie de la jeune métisse Sofia, étudiante en design. Très bien écrite et dessinée, cette BD évoque également les problèmes d’intégration et de clichés sur « l’exotisme » des êtres. Elle se lit d’une traite !
