Le blanc selon Martin Margiela

La Suite ELLE Décoration par Maison Martin Margiela (c) Marie-Pierre Morel pour ELLE DécorationLa Suite ELLE Décoration par Maison Martin Margiela

Jusqu’au 1er février 2010
Cité de l’architecture & du patrimoine, 4e étage, 1, place du Trocadéro 75116, 3€

Pour sa seconde édition, la Suite ELLE Décoration, perchée au faîte de la Cité de l’architecture & du patrimoine, accueille la Maison Martin Margiela. Après les couleurs chatoyantes de Christian Lacroix, place à la blancheur argentée d’un autre ponte de la mode, Martin Margiela. Changement de décor, changement d’ambiance. La galerie-atelier comme l’avait pensée C. Lacroix se transforme en appartement haussmannien d’un lendemain de fête…


Désorientation. Tel est le premier mot qui vient à l’esprit lorsque le visiteur pénètre dans l’ancien appartement de l’architecte Jacques Carlu, réaménagé par l’artiste franco-belge Martin Margiela (né à Louvain, Belgique, à la fin des années 1950). A l’image de sa mode à la fois délurée – un sac se transforme en corsage – et basique – dominante des blancs -, la Suite ELLE déco est empreinte de sage fantaisie.

L’entrée est drapée de lamé argent sous un plafond réfléchissant. Drôle de lubie d’inciter le visiteur à se mirer alors que Martin Margiela est réputé pour n’avoir jamais accordé une seule interview à la presse, ni même s’être laissé photographier. Un homme fantôme qui préfère s’occuper de sa production que de monopoliser les unes des magazines people. Tout en faisant autant parler de lui, la classe en somme!
Vue d'ensemble sur la salle de bal. Suite ELLE Décoration par Maison Martin Margiela (c) Marie-Pierre Morel pour ELLE DécorationCet esprit détourné et insaisissable se retrouve dans l’atmosphère qu’il confère à la Suite: le visiteur arpente un appartement dont les habitants/invités ont fui les lieux. Seules subsistent les traces de leur présence – des flûtes à champagnes vides dans la salle de bal, des confettis blancs au sol, des écrans de télévision allumés, un piano qui continue à émettre du son bien qu’il soit fermé.

Le vestibule. Suite ELLE Décoration par Maison Martin Margiela (c) Marie-Pierre Morel pour ELLE DécorationVestige d’un temps passé, supposé heureux, l’appartement vidé n’en est pas moins animé d’une présence mystérieuse. Des fantômes semblent rôder dans les pièces et animent les meubles recouverts d’une housse de coton blanc. Un escabot, recouvert de tâches de peinture, est planté au milieu du vestibule, comme s’il venait d’être abandonné; un plastique recouvre encore la fenêtre, signe qu’une présence ne saurait tarder pour achever les travaux.

Martin Margiela s’amuse avec les trompe l’oeil: les photocopies en noir et blanc imitent ici une porte, là un tableau. La moquette reprend les rainures d’un parquet; dehors, la terrasse est recouverte d’un gazon blanc comme tapissé de flocons de neige. Une vue panoramique de Paris émerge entre deux brumes. On imagine la vue féérique de la veillée nocturne, éclairée par des bougies maintenues sur la rambarde.

La salle mystérieuse. Suite ELLE Décoration par Maison Martin Margiela (c) Marie-Pierre Morel pour ELLE DécorationAvant d’atteindre la salle des fêtes, une curieuse pièce capitonnée – réminescence des oreillers gonflés à l’hélium d’Andy Warhol – abrite un réfrigérateur enchaîné dans lequel repose, tel un trophée, une paire de bottines Tabi, tout droit sorties de la collection personnelle de l’artiste.

La salle du festin. Suite ELLE Décoration par Maison Martin Margiela (c) Marie-Pierre Morel pour ELLE DécorationApothéose du spectacle, la salle du festin. La table des convives n’a pas été desservie. Des glaçons ont oublié de fondre. Des chandeliers en argent débordent de cire fondue. Des assiettes immaculées trônent sur une table d’apparat.

Ici, le temps est distordu – la fête est-elle vraiment finie ? continue-t-elle ailleurs? – tout comme l’espace, lié aux effets de fausse perspective. Martin Margiela a introduit son univers de mode fantasmagorique au sein d’un espace de vie, dont il ne reste que des effluves cendrées. L’artiste a pris l’expression « carte blanche » aux pieds de la lettre. Pour incarner le temps qui passe par une blancheur lumineuse toute nordique.

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