Maître Corbeau sur un arbre perché…

Harold de Louis-Stéphane Ulysse
Editions Le Serpent à plumes, août 2010, 341p., 19€

Truculent, fantaisiste, tout en retraçant le contexte historique du tournage des Oiseaux d’A. Hitchcock, Harold de Louis-Stéphane Ulysse est une pure merveille.

Pourtant, le résumé de quatrième de couverture ne laisse pas présager d’un tel trésor. On se dit que ça va être sérieux et ranplanplan: « L’histoire d’un corbeau et d’une actrice. Autour d’eux, Alfred Hitchcock, Eva Beaumont, Lew Wasserman, Mickey Cohen, les redoutables frères Gianelli, Abraham Zapruder, s’affrontent et se croisent dans un récit qui flirte avec le roman noir et le technicolor ».

Or, Louis-Stéphane Ulysse tisse une trame narrative tout en finesse entre ces différents personnages auxquels il mêle des héros fictonnels tel Chase Lindsey.

L’auteur décrit non seulement le tournage du film Les Oiseaux, avec pour actrice principale Nathalie Kay dite ‘Tpippi’ Hedren, et sa relation compliquée avec le brillant bien que perturbé réalisateur Hitchcock.

« Le dernier soir de cette semaine de travail, les studios étaient déjà désertés, et Chase n’aperçut pas le coupé de Tippi devant la caravane. Sans doute l’actrice avait-elle déjà filé. Néanmoins, la porte de sa loge était ouverte. Hitch était là. Et tout de suite Chase comprit que quelque chose ne cadrait pas. Hitch lui faisait face, debout, un regard sans surprise, fumant son cigare, un verre à la main, bras de chemise et bretelles, un ‘Ah, c’est vous, Chase…’ seulement pour la forme. Il y avait une bouteille de porto sur la table, largement entamée. ‘Vous venez chercher votre corbeau, n’est-ce pas?’ L’élocution était pâteuse: ‘Oui, monsieur, mais je ne le vois pas… – Je crains fort qu’il se soit envolé. Finalement, il n’avait pas grand chose à faire ici, il était plus intelligent que nous… Toute cette histoire, je le crains, est devenue particulièrement ridicule. Nous autres, les hommes, sommes prêts à tout pour la princesse [Tippi] mais la princesse n’a d’yeux que pour le corbeau! Tout ça n’a aucun sens… Voulez-vous trinquer à notre défaite, Chase? – Oh, non, monsieur, je ne crois pas que cela soit une bonne idée… – Ah, bon, parce que les ploucs ont des idées, maintenant? Ouvrez les yeux, mon jeune ami, ouvrez-les bien grands et dites-moi ce que vous pensez de ce naufrage. Je lui ai tout donné, tout offert, sans moi elle ne serait qu’une mère célibataire, un mannequin sur le déclin, demain elle sera une star, la nouvelle blonde d’Hitch! […] Un échec… J’ai capturé ses traits mais son âme n’y est pas… A-t-elle une âme au moins? Regardez ses vêtements, ses fourrures, ses chaussures… Tout est à elle, mais elle n’est pas là…’ (pp.120-121).

Mais L.-S. Ulysse parvient en plus à évoquer les événements historiques du début des années 1960 qui ont marqué l’Amérique: la baie des Cochons, l’assassinat de Kennedy, la guerre du Viêt-Nam, etc. Mêlant toujours réalité et fiction.
Le style est limpide, ni trop sec ni enrobé de tournures pédantes. Ll’écrivain tire les ficelles de son récit avec une grande ingénuosité.
Bref, c’est un véritable coup de coeur, qui figure parmi les meilleurs livres de ma pile « rentrée littéraire ». A découvrir d’urgence!

Pour marque-pages : Permaliens.

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