La Fontaine des Innocents

Histoires d’un chef-d’oeuvre parisien

Jusqu’au 25 août 2024

Musée Carnavalet, 23 rue de Sévigné, Paris 3e

Monument phare du quartier des Halles, la fontaine des Innocents (actuellement place Joachim-du-Bellay, Paris 1er) est mise à l’honneur au musée Carnavalet – Histoire de Paris. Tout comme son fondateur, le sculpteur Jean Goujon (1510-1560), oublié des mémoires contemporaines.

John James Chalon, Le Marché et la fontaine des Innocents, 1822 © Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris Carnavalet

Le parcours revient sur les oeuvres majeures de Jean Goujon, sculpteur de la Renaissance française, né en Normandie et mort à Bologne. Sa vie reste mystérieuse, peu documentée mais emplie de mythes. Seules quelques-unes de ses réalisations sont archivées comme le jubé de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, le décor sculpté de l’aile du Louvre commandée par Henri II, et la fontaine des Innocents, en cours de restauration (jusqu’à juin 2024).

En 1548, Jean Goujon débute la construction de la fontaine qui jouxte l’église et le cimetière des Saints-Innocents (actuelle place des Halles). Elle est terminée pour le passage d’Henri II dans Paris en 1549, dont le cortège royal traverse la porte Saint-Denis jusqu’au palais de la Cité.

Jean Goujon, Nymphe et Triton entourés de deux petits génies, relief du soubassement de la fontaine des Innocents, 1548-1549 © Grand-Palais-Rmn (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

Son décor aquatique illustre les divinités mythologiques et les créatures marines des sources de Ménilmontant et Romainville : triton, divinité à buste d’homme et queue de poisson, nymphes dénudées, petits génies chevauchant des monstres marins.

La fontaine s’organise autour de trois arcades, deux sur la rue aux Fers, une sur la rue Saint-Denis, pour former une loggia, à laquelle on accède par un escalier. Cinq nymphes verticales tiennent un vase tenu par un bras passant au-dessus de la tête – figure décorative qui sera maintes fois reprise, d’Ingres (La Source, 1856) à Jean-Paul Goude (publicité pour Coco Chanel avec Vanessa Paradis). L’eau s’écoule en minces filets grâce à des robinets insérés dans les mufles de lions. La fontaine devient rapidement un monument célébré par le peuple et les artistes tel Bernini au XVIIe siècle.

Augustin Pajou, L’Eau, sculpture conçue pour orner une niche du vestibule de l’hôtel de Voyer d’Argenson, années 1760 © Grand-Palais- Rmn / René-Gabriel Ojeda

Pour des raisons d’hygiène, le cimetière des Innocents est fermé en 1765. La fontaine, reconnue comme chef-d’oeuvre patrimonial, est démontée et déplacée au centre de la nouvelle place. On lui ajoute une quatrième face, dont les sculptures sont confiées à Augustin Pajou (1730-1809). Son débit est considérablement augmenté lorsqu’elle est raccordée au canal de l’Ourcq (1809). Au point de menacer les reliefs en partie basse. Ils sont alors retirés pour entrer dans les collections du musée du Louvre.

Au XIXe siècle, la fontaine devient l’effigie de nombreuses reproductions d’arts décoratifs et industriels. Son image se diffuse sur les textiles comme la toile de Jouy, le papier et la céramique ; elle devient un monument touristique au moment où Paris s’impose comme capitale culturelle.

G. Durand, Marché des Innocents, vers 1855-58 © Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris

La fontaine anime le marché des Innocents, avant qu’il ne soit détruit pour devenir les halles couvertes conçues par Victor Baltard (1858). Les gens aiment y manger à ses pieds dans des bouillons surnommés « aux pieds mouillés », tant la fontaine fait gicler de l’eau par-dessus bord !

Cerise sur le gâteau : dans la dernière partie de l’exposition, les mercredis, jeudis et samedis, les visiteurs peuvent assister en direct à la restauration des nymphes originales sur des éditions en plâtre, moulées au XIXe siècle.

Une exposition édifiante, qui permet d’apprécier les sculptures de Jean Goujon, tout en drapés et sensualité, et sa contribution à la renommée de la Renaissance française.

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