Figuration narrative, Paris, 1960-1972
Jusqu’au 13 juillet 2008
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-FIGURATION-NARRATIVE-FIGNA.htm]
Galeries Nationales du Grand Palais, Entrée Clémenceau 75008, 01 44 13 17 17 (serveur vocal), 10€
Les Galeries Nationales du Grand Palais continuent leur décryptage de l’histoire de l’art en proposant une exposition sur le mouvement de la Figuration Narrative (1960- 1972). Si les artistes du Nouveau Réalisme (fin des années 1950 – début des années 1960) n’étaient qu’une succession de noms connus (Arman, César, Klein, Niki de Saint-Phalle, Tinguely, etc.), ceux représentant la Figuration Narrative ne parleront qu’aux initiés (Arroyo, Bertholo, Bertini, Fahlström, Kasen, Voss, etc.). L’occasion de découvrir des artistes, violemment critiqués à leur époque, qui ont pourtant joué un rôle primordial dans le maitien de Paris sur la scène de l’art moderne.
Alors que la mouvance artistique se déplace de Paris à New York, avec la consécration du Pop Art américain – Rauschenberg reçoit le Grand Prix de peinture à la Biennale de Venise de 1964; il est le premier Américain à le recevoir -, le critique d’art Gérald Gassiot-Talabot, les peintres Bernard Rancillac et Hervé Télémaque organisent au Musée d’art moderne de la Ville de Paris l’exposition « Mythologies quotidiennes » (d’après le titre d’un essai de Roland Barthes). Organisée au sous-sol du Musée, en marge de la programmation officielle, l’exposition signe l’acte de naissance de la Nouvelle Figuration, appelée ensuite Figuration Critique et finalement Figuration Narrative. Non pas sous l’impulsion de la rédaction d’un manifeste (à l’instar du mouvement Surréaliste). Mais par la prise de conscience des 34 artistes présents de leurs préoccupations communes.
Ces artistes, parmi lesquels l’Espagnol Eduardo Arroyo, le Portugais René Bertholo, l’Islandais Erro, l’Italien Antonio Recalcati, l’Américain Peter Saul, le Suisse Peter Stämpfli, le Haïtien Hervé Télémaque, l’Allemand Jan Voss, placent la société de consommation, saturée d’images, au sein de leurs oeuvres.
Par ailleurs, ils fuient l’art abstrait dominant après guerre, comme leurs homologue américains. Ce pourquoi les critiques de l’époque les accusent de « singer New York ».
Sauf, que les artistes américains du Pop Art se contentent de faire un constat statique, formel, des dérives des « Trente Glorieuses ». Tandis que les peintres « parisiens » martèlent haut et fort leur engagement, leur dénonciation du système, à travers le grotesque, l’humour, puis la politique.
Ainsi, les peintres de la Figuration Narrative introduisent du récit dans leurs oeuvres. Utilisant les mêmes images populaires qu’ils dénoncent – issues de la bande dessinée (comics subversifs de la revue Mad pour Öyvind Fahlström, Saul, H. Télémaque, ou grand public avec Hergé pour Télémaque, Walt Disney pour Erro et Bernard Rancillac) -, ils confrontent leurs oeuvres visuelles à celles produites en masse par la société. Pour autant, leurs tableaux n’offrent pas une narration linéaire, à lecture simple. Bien au contraire.
Ces artistes européens pratiquent avec brio l’art du détournement. Ils visent la peinture des grands maîtres dont ils assimilent la domination à une dictature artistique. Rembrandt, Velasquez, Matisse, Picasso, Miro en prennent tous pour leur grade! Henri Cueco, par exemple, s’empare de la Danaé de Rembrandt en esquissant à peine ses traits du visage et la place dans une chambre à papier peint fleuri de mauvais goût. E. Arroyo, Gilles Aillaud et A. Recaltati imaginent à travers huit tableaux la fin tragique de Marcel Duchamp (1965).
Si les salles de l’étage inférieur des Galeries Nationales offrent un parcours aux couleurs explosives et à l’espace aéré, celles du premier étage se referment sur le passage du visiteur et restituent l’ambiance sombre des policiers et romans noirs.
Après la bande dessinée, le roman policier constitue la seconde référence littéraire des artistes de la Figuration Narrative. Ces artistes, tous cinéphiles, s’imprègnent des films projetés dans les salles de cinéma du Quartier latin ou de la cinémathèque. Ils rendent sur toiles les fantasmes véhiculés par cette littérature considérée de seconde zone, synthétisée en trois mots par B. Rancillac: « des filles, des fusils, des bagnoles ». Les peintures deviennent froides et traduisent des atmosphères glauques, angoissantes. Jacques Monory se met en scène en tant que tueur et réalise à des huiles criblées de balles.
Les années 1968 marquent l’engagement politique des artistes, souvent à l’extrême gauche. Ils imprègnent leurs peintures du rouge politique, dénoncent la guerre du Viêt-Nam, la tentative avortée d’invasion de Cuba, etc.. Ils posent la question du rôle de l’artiste dans la société, « quel est le pouvoir de l’art aujourd’hui dans le devenir du monde? », résume G. Aillaud, porte-parole du Salon de la Jeune Peinture.
La pratique collective s’implante. En 1972, lorsque Georges Pompidou organise une exposition sur les douze dernières années de création en France, beaucoup d’artistes boycottent l’événement et décrochent leurs oeuvres…Scandale assuré!
L’exposition s’attache à décrypter les sources d’inspiration de la Figuration Narrative, dans une mise en scène réussie qui colle aux idées du mouvement. Lors du vernissage presse, pour une fois, un grand silence régnait tant les oeuvres déconcertent et obligent à lire chacun des cartels pour en saisir toute la portée. La scénographie se termine par des extraits d’entretiens de quelques artistes, tel un générique de fin de film. Dommage qu’il n’y ait pas assez d’écouteurs!
Merci pour cet article très intéreressant,
mais sans image j’ai du mal à suivre !
et des images de l’expo Figuration Narrative, il y en sur http://www.almanart.com
qui a fait un « zoom » la-dessus »…
Malheureusement le nombre de visuels m’est imposé par l’Adagp. Seuls les deux premiers sont libres de droit. Au-delà, il faut s’acquitter d’un droit d’auteur…