Faut-il voyager pour être heureux ?

Prolongation jusqu’au 2 avril 2023

Espace Fondation EDF, 7 rue Récamier, Paris 7e
Entrée libre sur réservation.

En plein confinement, les commissaires de la Fondation EDF se pose la question du voyage. S’il est un besoin impératif pour certains, il ne faut pas nier le désastre écologique qu’il engendre. L’exposition « Faut-il voyager pour être heureux ? » ne prétend pas faire la morale aux uns, ni donner les clés d’un voyage écolo-bobo aux autres. Mais elle permet de prendre du recul sur un sujet crucial pour le devenir de la planète.


Ange Leccia, Arrangement. Globes terrestres, 1990-2021 © Ange Leccia et Galerie Jousse Entreprise, Paris /Adagp, Paris, 2022

Le parcours se divise en quatre parties : le voyage pour les populations nanties occidentales ; ses revers écologiques, économiques et sociaux ; les déplacements forcés (exils, migrations en raison des conditions climatiques) ; le voyage du futur : les nouvelles frontières spatiales et technologiques, le choix d’un voyage immobile (depuis son ordinateur) ou du moins plus lent (choix de la marche par exemple).

L’entrée de l’exposition donne sur la vidéo de Mark Wallinger qui a filmé l’arrivée internationale de l’aéroport de Londres-City (Threshold to the Kingdom, 2000), diffusée en ralenti sur le Misere de Gregorio Allegri. Passage symbolique et spirituel sur un territoire.

Le convoyeur à bagages circulaire de la plasticienne palestinienne Émily Jacir incarne l’entre-deux, l’espace d’attente avant de franchir le seuil des arrivées, qui peut-être un retour chez soi comme un premier pas vers un territoire inconnu.

Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon capturent des scènes de crises, trouvées sur internet, exacerbées par les mesures renforcées liées à la crise du Covid-19. Les scènes de « pétage de plomb » sont assez violentes et renvoient l’image d’une humanité peu flatteuse !


Mali Arun, Paradisus, 2016, Capture d’écran vidéo © Mali Arun / Thomas Ozoux

Mali Arun introduit la critique du tourisme de masse avec la projection d’une vidéo en noir et blanc pour évoquer un coin de paradis, tel que l’indique un guide touristique en Croatie. Qui devient sous l’effet du nombre de millions de visiteurs un enfer ! L’artiste accompagne le film d’un texte à la finalité percutante : ce sera l’Homme ou la Nature (Paradisus, 2016).

Dès 1971, Ange Leccia dispose 70 globes terrestres éclairés de l’intérieur (Arrangement), qui renvoient à la fois à l’espérance de la conquête d’autres planètes et à l’unicité de notre Terre.


Santiago Sierra, Bâche suspendue en face d’une crique, 2001 © Estudio de Santiago Sierra / Adagp, Paris, 2022

En 2001, Santiago Sierra suspend une bâche dans une crique de Majorque avec les mots écrits en allemand – île de vacances de prédilection des Germaniques – « Inländer Raus [Natifs, dehors] ». Rodolphe Christin (sociologue), un des commissaires de l’exposition, précise que « pendant le confinement, on s’est retrouvé dans des situations ubuesques où des Allemands qui disposaient d’une maison secondaire sur l’île étaient autorisés à se déplacer à Majorque mais pas des Espagnols de Barcelone par exemple ». Les Allemands sont propriétaires d’une bonne partie des terres et des infrastructures touristiques de Majorque, au point de nommer l’île le 17e Länder…

Un sac à dos contenant un palmier (Out of Africa, 2007 par David Ancelin) dénonce la spoliation de la nature locale au profit de l’enrichissement personnel du touriste qui aime rapporter des souvenirs, de manière pas toujours légale. Des photographies de Martin Parr clôturent cette section qui sert d’électro-choc sur les différents ravages liés au tourisme.


Kimsooja, Bottari Truck-Migrateurs, 2007 © Kimsooja – MAC VAL / Adagp, Paris, 2022

À l’étage, une vidéo de l’artiste sud-coréenne Kimsooja (Bottari Truck-Migrateurs, 2007) rend hommage aux sans-papiers expulsés de l’église Saint-Bernard du 18e arrondissement de Paris (1996). L’artiste, alors en résidence au MAC VAL, a récupéré des tissus colorés chez Emmaüs, pour en faire des balluchons, tels les bottaris utilisés pour se déplacer, et les a installés sur un pick-up qui a fait le trajet de Vitry-sur-Seine à l’église parisienne, en passant par des places symboliques comme la République et Bastille.


Taysir Batniji, L’homme ne vit pas seulement de pain #2, 2012 © Taysir Batniji / Adagp, Paris, 2022 © Christophe Ecoffet

Taysir Batniji rassemble des savons de Marseille sur lequel il a gravé l’article 13 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, une installation initialement créée pour une exposition à Marseille, ville de transit. Sa création évoque les enjeux migratoires et la fragilité de droits que l’on pense immuable. La première version de L’homme ne vit pas seulement de pain (2007) avait été présentée en Suisse, composée de chocolat. Mangé en un seul jour par les spectateurs !


Abraham Poincheval, Gyrovague, le voyage invisible, 2011-2012 © Abraham Poincheval / Adagp, Paris, 2022 / Cnap

Tel un ermite, Abraham Poincheval a choisi de traverser les Alpes, de la France à l’Italie, à bord d’une capsule cylindrique habitable, un gyrovague faisant également office de camera obscura. Son voyage solitaire, artistique et sportif, est ponctué d’échanges et de prises de vue sensationnelles de la nature.


Andy Goldsworthy, Vallée du Vançon, cairn, réserve géologique de Haute-Provence, 2000. Photographie © Andy Goldsworthy / Musée Gassendi, Digne-les-Bains

L’Écossais Andy Goldsworthy réabilite des bâtiments en ruines (chapelles, fermes) pour en faire des refuges pour les randonneurs dans les trois vallées des Sentinelles, au coeur de l’Unesco Géoparc de Haute-Provence. Ses Refuge-Art, composés de pierres sèches taillées, sont la sauvegarde d’un patrimoine et rappellent la pratique du cairn, sculptures construites à partir d’une pierre ajoutée par chaque voyageur.

Gwenola Wagon choisit de faire un tour du monde virtuel. Grâce à Google Earth, elle retrace l’expédition de Phileas Fogg, héros de Jules Verne dans Le Tour du monde en 80 jours (1872). Son carnet de voyage « immobile » se présente sous la forme de captures d’écran des différents lieux traversés par P. Fogg. et réalisés grâce aux datas diffusées par le câble transatlantique.

Je ne cite pas toutes les oeuvres ici pour vous laisser quelques surprises, notamment olfactives ! Une exposition percutante, à voir avant de réserver ses prochaines vacances…

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