Revolution

Simon Fujiwara

Jusqu’au 6 janvier 2019

Catalogue de l’exposition : 

Lafayette Anticipations, 9 rue du Plâtre, Paris 4e

La Fondation d’entreprise Galeries Lafayette, Lafayette Anticipations, présente « Revolution » de l’artiste anglais Simon Fujiwara (né en 1982, vit à Berlin). Un show à la fois fascinant et perturbant.

L’exposition se décompose en trois parties. La première au rez-de-chaussée, en accès libre, invite deux spectateurs à la fois à tester le simulateur créé par l’artiste, Empathy I (2018). Le visiteur s’assoit, boucle sa ceinture, s’accroche aux manettes. Trois, deux, un, le noir se fait, la musique est lancée, la vidéo projetée. Tenez-vous bien ! Telle une attraction de parc touristique, le simulateur entraîne le corps dans un mouvement effréné, comme s’il était lui-même le drone qui enregistre les images, survole les paysages, entre par les fenêtres, se fracasse contre des murs, se bagarre, assiste à un mariage, à une visite de musée, plonge dans l’eau (attention aux porteurs de lunettes, mieux vaut les retirer avant l’expérience !), etc.

Simon Fujiwara explique sa fascination pour les parcs d’attraction qui sont pour lui les seuls lieux vrais : « Quand on va à Disneyland, vous savez que vous entrez dans un monde fantastique, créé spécialement pour vous », explique-t-il. « A l’inverse, de nombreuses villes ou institutions, font semblant de créer des lieux spécialement pour vous alors qu’en réalité, il s’agit d’une réalité toute autre ».
La seconde source d’inspiration de cette expérience immersive est la réflexion de l’artiste sur la vitesse à laquelle sont produites et consommées les images à l’ère des réseaux sociaux. Les images tirés du film proviennent toutes de youtube. Or, l’artiste souhaite ici mettre l’accent sur le corps et non sur les images, diffusées en mode TGV. Leur contenu a été précisément sélectionné en fonction de la capacité du cerveau à assimiler du sens dans ce contexte de stimulation physique intense. L’artiste a mené divers tests d’images sur différentes catégories de personnes avant de faire ses choix.
Enfin, le titre se rapporte à la gamme d’émotions que l’on ressent à travers le film: danger, vitesse, tristesse, joie.

L’exposition se poursuit au second étage (accès payant) avec The Happy Museum, conçu avec le frère de Simon, « économiste en bonheur » : il transmet en données les facteurs de bien-être, utilisées ensuite par les entreprises, les gouvernements et les ONG pour promouvoir des politiques fondées sur la notion de bien-être. Cette installation avait été produite initialement pour la 9e Biennale de Berlin (2016). Les objets évoluent en fonction des lieux où ils sont exposés. Ici, on trouve une sélection d’objets grotesques présentés pour interpeller le visiteur : tétine Mercedes Benz, masque en chocolat d’imitation ghanéenne signé Pierre Hermé vendu dans un écrin luxueux, pain fabriqué dans un château médiéval du Sud de la France comme au temps des chevaliers, chaîne de restaurants anglais où les serveurs sont des prisonniers en voie de réhabilitation, etc.

Plus loin, la série Joanne s’articule autour de photos grand format et d’un film (à regarder absolument !). Cette ex-professeure d’arts plastiques de l’artiste a du démissionner suite à la diffusion de photos privées de cette ancienne Miss Ireland (1998) les seins nus, qui ont brisé sa carrière d’enseignante. La jeune femme, également championne de boxe, a du employer une entreprise pour restaurer son image publique. Le film ne dit pas si les résultats ont été probants. En tout cas, sa vie est comme suspendue depuis cinq ans, à cause du pouvoir destructeur des tabloïds.

Dernière section de l’exposition (3e étage) : Likeness. Prolongation de l’exposition « Hope House » (2018, Kunsthaus de Bregenz), qui présentait une reconstitution à taille réelle d’une maquette en carton de la maison d’Anne Frank -, Likeness nous met ici face au mannequin en cire d’Anne Frank, copie de sa figure en cire au musée Madame Tussauds de Berlin. Dans un monde où l’individu prend toujours plus d’importance au détriment du collectif, où le selfie traduit une fétichisation de l’expérience individuelle, l’artiste nous impose ici une distance pour observer de loin la jeune fille à son bureau, écrivant son journal. Et plutôt que ce soit nous qui fassions une image de la scène, l’artiste a installé un Bolt – caméra équipée d’un bras et d’un dispositif entièrement robotisé – pour scruter de haut en bas la jeune fille. Sorte de voyeurisme limite indécent…

Une exposition qui fait réfléchir grâce à un artiste qui nous provoque intelligemment et nous oblige à prendre du recul par rapport au grotesque de notre société. A ne pas manquer !

 

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