L’esprit critique de Baudelaire
Jusqu’au 29 janvier 2017
Catalogue de l’exposition :
Musée de la Vie romantique, 16 rue Chaptal, Paris 9e
Pour célébrer le 150e anniversaire de la mort de Charles Baudelaire (1821-1867), le musée de la Vie romantique propose une confrontation du sens esthétique du poète avec l’art contemporain de son temps. L’occasion de confronter son propre regard par rapport à la sensibilité artistique de l’auteur des Fleurs du mal (1840/57).
Dans les années 1800, pour se faire une place dans le cercle des lettres, il fallait commencer par le journalisme. Le jeune Charles Baudelaire fait ses armes en tant que critique d’art.
« Bien qu’aujourd’hui, les expositions rassemblent un nombre important d’oeuvres, c’était sans commune mesure avec les Salons de l’époque, organisés par l’Académie des Beaux-Arts », rapporte Jérôme Farigoule (Directeur du musée de la Vie romantique), un des trois commissaires de l’exposition. « Celui de 1845 rassemblait plus de 2.000 oeuvres de la production de l’année et attirait un million de visiteurs ! ». C’était l’événement parisien par excellence.
Les écrits sur l’art inondaient les journaux de l’époque. Ceux de Baudelaire ont, depuis, fait date dans l’histoire de la critique d’art. « Il est beaucoup plus commode de déclarer que tout est absolument laid dans l’habit d’une époque que de s’appliquer à en extraire la beauté mystérieuse si minime ou si légère soit-elle », écrit-il dans Le Peintre de la vie moderne.
Ainsi, Baudelaire considère qu’une oeuvre doit avant tout séduire par son « mérite de l’inattendu ». Emerveiller reste le critère principal d’une oeuvre d’art.
Ensuite, la toile doit relever d’une part de « naïveté » (Antoine Chazal, Le Yucca gloriosa fleuri en 1844 dans le parc de Neuilly, 1845), qui mène à l’audace (Alexandre Gabriel Decamps, Ecole de jeunes enfants, 1846) et à la crudité des tons (William Haussoulier, La Fontaine de Jouvence). Baudelaire aime les couleurs corrosives, notamment le rouge symbole de passion et de vie, caractéristique essentielle du romantisme, incarné par Delacroix (Madeleine dans le désert, 1845), référence absolue du poète. Car il incarne le drame, la rêverie, la mélancolie. A l’inverse du réalisme de Courbet et de Manet, avec lesquels Baudelaire prend ses distances.
Enfin, une oeuvre, qu’elle soit portrait ou page de religion doit « respirer l’amour » et incarner » l’héroïsme de la vie moderne ». Il élève ainsi les caricatures d’Honoré Daumier (Le Palais de justice, 1850) au rang de chefs d’oeuvre car ses dessins savent illustrer « tout ce qu’une grande ville contient de vivantes monstruosités ».
« Méprisant la peinture officielle d’un Horace Vernet, la peinture « triste » d’un Ary Scheffer, les compositions pédantesques des élèves d’Ingres, il [Baudelaire] définit ‘l’art moderne’ comme ‘intimité, spiritualité, couleur, aspiration vers l’infini’ », commente Charlotte Manzini (Docteur en littérature), autre commissaire de l’exposition.
L’exposition permet de découvrir des artistes inattendus (Georges Catlin, Théodore Chasseriau) mais ce sont surtout les commentaires pointus de Baudelaire qui m’ont délectée. Il est particulièrement intéressant et amusant de voir si ses dires sur l’art sont toujours d’actualité.