La dation Maya Ruiz-Picasso

Nouveaux chefs-d’oeuvre
Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo

Jusqu’au 31 décembre 2022

Musée national Picasso-Paris, 5 rue de Thorigny, Paris 3e

Le musée national Picasso expose neuf oeuvres du maître espagnol qui entrent dans les collections nationales – six peintures, deux sculptures, un carnet de dessins – par dation. Une loi, instaurée en 1968 par A. Malraux, pour conserver les oeuvres de ce génie en France.

Vue de l’exposition. Crédit : Juliette Martin / Musée national Picasso-Paris

À travers deux expositions, l’une au rez-de-chaussée, l’autre au premier étage, le musée confronte les nouvelles oeuvres à une sélection des travaux de Picasso et à des prêts relevant de l’art extra-occidental, ancien, et moderne.

Les chefs-d’oeuvre entrant, présentés de manière chronologique, sont clairement identifiables car apposés sur des cimaises blanches, tandis que les oeuvres « invitées » sont accrochées sur des murs gris.

La première toile est un portrait de Don José Ruiz, père de Pablo Picasso, lui-même peintre et professeur des beaux-arts, peint majestueusement alors qu’il n’avait que 14 ans. Son père lui apprend l’art du portrait, inspiré du réalisme espagnol dominant à la fin du 19e siècle. La mère et la soeur de Pablo sont représentées sur des dessins attenants.

En 1907, Picasso découvre la sculpture africaine au musée du Trocadéro. Il commence sa collection d’art africain et océanien, avec la sculpture d’un tiki des îles Marquises. Caractérisée par une grosse tête – partie la plus sacrée du corps en Polynésie -, des coudes pliés, des mains en forme de « pelle » et des jambes trapues, cette sculpture en bois témoigne de la fascination de l’artiste pour l’art extra-occidental, à l’origine de la réinvention d’un langage visuel. Les figures de ses personnages prennent de plus en plus la forme de masques.

« Mais au-delà des formes primitives, c’est l’aspect magique de ces objets qui fascine Picasso », commente Émilia Philippot, co-commissaire de l’exposition.

Deux ans après le début de la guerre d’Espagne et à la veille de la Seconde Guerre mondiale, Picasso exprime les tensions internationales grandissantes par des compositions traversées de lignes qui traduisent un sentiment d’angoisse et de claustrophobie.

Tout au long de sa carrière, Picasso n’aura de cesse de transformer les objets de son quotidien en oeuvre d’art. Dans La Tête de taureau (1942), il associe un guidon (pour les cornes) à une selle de vélo. La Vénus du gaz (1945) consiste en une seule action : redresser le brûleur d’un fourneau à gaz. Par ce geste unique, il transforme un objet utilitaire en déesse de la fécondité, dont la forme évoque celle des statuettes féminines du paléolithique.

Entre 1959 et 1962, Picasso séjourne à plusieurs reprises près d’Aix-en-Provence, au pied de la montagne Sainte-Victoire, immortalisée par Paul Cézanne. Picasso lui rend hommage avec son interprétation du Déjeuner sur l’herbe. Les oeuvres de cette période sont également marquées par un retour aux couleurs méditerranéennes dans une gamme d’ocre, qui rappelle les teintes de son Espagne natale.

En 1973 est organisée l’exposition posthume « Picasso 1970-1972 » au Palais des Papes à Avignon. Deux cent-une toiles réalisées entre 1970 et 1973 y sont présentées. Elles illustrent son urgence à créer encore et toujours, par ses têtes d’homme façonnées à partir de cercles concentriques.

Vue de l’exposition. Crédit : Juliette Martin / Musée national Picasso-Paris

À l’étage, sont rassemblés des portraits de Maria de la Concepcion dite Maya, née en 1935 de son amour avec Marie-Thérèse Walter, rencontrée en 1927 à la sortie des Galeries Lafayette. Maya est sa première fille mais Picasso a déjà un fils Paul (surnommé Paulo), âgé de 14 ans, né de son premier mariage avec la danseuse de ballets russes Olga Khokhlova. La naissance de Maya met fin à cette première union.

Picasso a représenté Maya dans 14 portraits peints entre 1938 et 1939. Fait troublant, il la dépeint dans son corps de petite fille mais sous les traits du visage de sa mère, Marie-Thérèse, avec un style enfantin délibéré. « Quand j’étais enfant, je dessinais comme Raphaël, mais il m’a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme un enfant », affirmait-il dit.

Vue de l’exposition. Crédit : Juliette Martin / Musée national Picasso-Paris

Picasso peint Maya petite, alors que son caractère s’affirme déjà, puis il la dessine, dans une facture plus classique, pour marquer son évolution physique et psychologique. L’artiste se laisse entraîner dans les jeux de Maya où elle devient maîtresse et lui demande de dessiner tout et n’importe quoi, ensuite elle lui met une note! Pendant la guerre, père et fille créent ensemble à partir de matériaux de pacotille récupérés dans son atelier.

À la fin de la guerre, l’artiste s’installe avec Françoise Gilot dans le sud de la France, avec qui il aura deux autres enfants, Claude et Paloma. Maya ne voit plus son père que lors des vacances scolaires sur la Côte d’Azur. Mais il garde sa complicité avec elle et Maya participe à la réalisation du film d’Henri Georges-Clouzot, Le Mystère Picasso.

Vue de l’exposition. Crédit : Juliette Martin / Musée national Picasso-Paris

Conscient de la fin de sa vie, l’artiste conserve des mèches de cheveux, des coupures d’ongles, des vêtements, pour contrer le mauvais sort. Il les envoie à Marie-Thérèse et Maya qui les gardaient précieusement.

Picasso s’éteint à Notre-Dame-de-Vie à Mougins le 8 avril 1973, sans avoir fait de testament. En 1976, il a cinq héritiers : Maya, Claude, Paloma, Bernard et Marina (les deux enfants de son fils Paul, décédé en 1975). Ils s’organisent en indivision pour gérer les droits attachés à l’oeuvre, au nom et à l’image de Picasso. À la mort de Jacqueline Rocque en 1986 (dernière femme de Picasso épousée en 1961), sa fille Catherine Hutin devient également héritière. D’où la loi de Malraux pour conserver en « une seule main » les oeuvres du maître !

Une très belle mise en scène, épurée, qui met en valeur ces oeuvres acquises par dation en 2021 et devenues nationales ; profitez de cette chance pour aller les voir et leur rendre hommage !

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