« Ensor = hareng saur = art Ensor »

James Ensor. Squelettes se disputant un hareng saur, 1891. Huile sur bois. Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (c) MRBAB / Adagp, Paris 2009James Ensor

Jusqu’au 04 février 2010

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Musée d’Orsay, niveau 0, 1, rue de la Légion-d’Honneur 75007, 9,50€

Etrange exposition que celle du musée d’Orsay! Cent dix ans après l’échec de sa première exposition à Paris, le musée d’Orsay et le MoMA revisitent l’art du Belge James Ensor (1860-1949). Une oeuvre torturée, oscillant entre naturalisme et fantastique, marquée par l’omniprésence de masques et de squelettes aux couleurs acides. James Ensor se révèle encore aujourd’hui comme un peintre inclassable.

Un monde fantastique mais pas au sens conte de fées, plutôt un tantinet macabre – voilà l’univers de James Ensor qui grandit au bord de la mer, à Ostende, dans un magasin familial truffé d’objets kitch, coquillages, sirènes, et… masques de carnaval.

Formé à l’Académie de Bruxelles, James Ensor quitte « cette boîte à myopes » (1880) pour retourner auprès de sa mère qui tient le magasin, tandis que son père, ingénieur anglais, sombre dans l’alcoolisme. Ensor deviendra un célibataire endurci et ne quittera que très peu sa ville natale.

Ostende lui inspire de nombreuses peintures et dessins. Surtout, la lumière de la cité balnéaire le mène dans une quête mystique. Se défendant avec fougue de la traiter à la manière des impressionnistes, « faiseurs de plein air, attachés aux tons clairs », il se considère le premier à l’avoir approcher d’au plus près: « La forme de la lumière, les déformations qu’elle fait subir à la ligne n’ont pas été comprises avant moi ».
L’Après-midi à Ostende et La Mangeuse d’huîtres (1882) constituent les points culminants de cette peinture qui explore la lumière et le silence des maisons bourgeoises », analyse Laurence Madeline, commissaire de l’exposition (conservateur au musée d’Orsay).

Bien qu’ayant quitté Bruxelles, c’est dans cette ville que J. Ensor entend se faire reconnaître. Défendant la modernité et la nouveauté, le critique d’art Octave Maus fonde en 1883 le Groupe des XX (1884-1893) auquel participe Ensor. Qui souhaiterait même en devenir le chef de file, tant il est sûr de l’originalité de ses recherches picturales. Pour lui, la lumière est l’opposée de la ligne, qui est elle-même « ennemie du génie, elle ne peut exprimer la passion, l’inquiétude, la lutte, la douleur, l’enthousiasme, la poésie, sentiments si beaux et si grands… ».

Ensor va encore plus loin et conçoit la lumière comme une puissance unificatrice et spirituelle. Ses paysages deviennent des chaos primitifs dominés par un souffle divin. La lumière devient Christ qui porte les traits d’Ensor (L’entrée du Christ à Bruxelles, 1888 – Los Angeles, The Paul Getty Museum). Logique, puisque lui seul a découvert la force de la lumière qui permet de traduitre tous les états d’âme. Mais c’est aussi un moyen pour l’artiste d’exprimer sa blessure quant à l’incompréhension de son oeuvre par la critique.
En 1887, Ensor perd son père et sa grand-mère. Sans compter qu’encore une fois sa dernière oeuvre, Les auréoles du Christ ou les sensibilités de la lumière, est mal accueillie. Dans le même temps, Seurat, invité au Salon des XX, triomphe avec Un dimanche après-midi à l’île de la Grande-Jatte. Bien que se défendant de la découverte de la grande toile de Seurat, J. Ensor avoue reconsidérer son usage de la couleur: « Ici, il y a à noter une évolution de ma manière. Pour arriver à rendre les tons riches et variés, j’avais mélangé toujours les couleurs […] J’ai modifié alors ma manière et appliqué les couleurs pures. J’ai cherché logiquement les effets violents, surtout les masques où les tons vifs dominent. Ces masques me plaisent aussi parce qu’ils froissaient le public qui m’avait si mal accueilli » (1894/95).

Ensor devient arrogant, préfère la fantaisie de ses masques à une réalité qu’il trouve laide et ôh combien cruelle, pointe du doigt les injustices de son temps et la vanité du monde en gorgeant ses toiles de squelettes aux couleurs virulentes. La mort défile dans son oeuvre à travers ces pantomines au jeu incompréhensible (Les Masques singuliers, 1892 – Bruxelles, Musée royaux des Beaux-Arts de Belgique).

James Ensor. Ensor aux masques, 1899. Huile sur toile. Japon, Komaki, Menard Art Museum (c) Menard Art Museum, Komaki / Adagp, Paris 2009« Il serait surprenant qu’Ensor, aimant avant tout au monde son art et par conséquent chérissant surtout celui qui le fait, c’est à dire lui-même, n’eût multiplié à l’infini sa propre effigie », selon E. Verhaeren. Mais, si l’artiste apprécie son art et par conséquent lui-même, le « peintre aux 112 autoportraits », renvoie une image aussi variée – tant au niveau du medium (dessin, gravure, panneau, huile sur toile) que du style (toutes les humeurs de l’artiste défilent) – et indiscernable que son art.
Pourtant, Ensor déclare: « Je vois une grande unité dans mon oeuvre » (1928). « Se représentant chez lui, au milieu de ses masques de ses fantômes et de ses tableaux, il classe, organise, hiérarchise sa production, aussi foisonnante, brillante qu’hétéroclite », commente L. Madeline.

Une manière de construire sa légende, bien à l’avance et de façon réfléchie. Bref, d’entretenir sa place dans l’histoire de l’art, parmi les têtes de l’avant-garde du XXe siècle. « Entre Manet et Van Gogh », comme il le revendiquait.

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