Le Poème de l’Âme
Jusqu’au 07 janvier 2024
Musée d’Orsay, esplanade Valéry Giscard d’Estaing, Paris 7e
Le musée d’Orsay présente l’oeuvre à la fois littéraire et picturale de l’artiste lyonnais Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme, sur lequel il travaille pendant une cinquantaine d’année, est conservé au musée des Beaux-Arts de Lyon et est présenté ici dans son intégralité.
Le poème illustré suit le cheminement d’une âme humaine, de sa naissance à sa mort (ciel-terre-ciel). Elle est personnifiée par la vie d’un jeune homme qui s’éprend de son double féminin. Mais dans cette version revisitée d’Adam et Ève, la jeune femme décède prématurément. Commence alors une quête initiatique pour retrouver le bonheur perdu.
Élève d’Ingres, admirateur de Delacroix, Janmot a fasciné C. Baudelaire et T. Gautier. Henri Focillon, directeur du musée des Beaux-Arts de Lyon de 1913 à 1924 a qualifié l’oeuvre « d’ensemble le plus remarquable, le plus cohérent et le plus étrange du spiritualisme romantique ».
Pourtant, l’oeuvre n’a pas rencontré de succès du vivant de l’artiste. « Jamais exposé dans son intégralité du vivant de l’artiste, il [le Poème] ne fut apprécié que de quelques happy few », commente C. Leribault, président du musée d’Orsay et de l’Orangerie.
Le premier cycle du Poème (1835-1854) se compose de 18 peintures à l’huile, qui sont exposées pour la première fois en 1854 et admises à l’Exposition Universelle de 1855, grâce au soutien de Delacroix.
Le second cycle (1854-1879) comprend 16 dessins au fusain sur papier marouflé sur toile. Il narre les malheurs de l’âme humaine : solitude, doute, refus de Dieu, chute fatale, rédemption divine. Du fait de la fragilité des oeuvres, ce second cycle est habituellement conservé dans les réserves du musée lyonnais.
Les illustrations accompagnent un long poème de 2814 vers, L’Âme, écrit en deux temps : 1854 et 1881. Il est indissociable des peintures et est disponible à l’écoute grâce à l’audioguide.
Parallèlement à la salle centrale, des cabinets thématiques apportent des clés de lecture : les cycles picturaux, iconographie de l’âme, l’idéal, le paysage, le cauchemar et l’inconscient.
Si Janmot livre un travail hors des sentiers battus pour son époque, « son oeuvre fait écho à celle de plusieurs autres artistes tels que William Blake, Philipp Otto Runge ou Francisco Goya avant lui, ses contemporains les Préraphaélites, ou encore, plus tard, les symbolistes, en particulier Odilon Redon qui a été en contact avec lui », commente Stéphane Paccoud, co-commissaire de l’exposition.
Oeuvre d’une vie, Le Poème de l’Âme s’inspire de La Divine Comédie de Dante, alors très appréciée par les milieux romantiques et catholiques. Il est intéressant de voir comment l’artiste a singularisé son travail en transmettant ses propres idées religieuses, sociétales et politiques à travers les peintures. Comme la crainte de l’enseignement universitaire laïc, la fatalité de l’amour physique, la chute de la royauté et l’arrivée au pouvoir de Napoléon, etc.
Une oeuvre surprenante, à découvrir.