L’Ange du bizarre

Le romantisme noir, de Goya à Max Ernst

Jusqu’au 9 juin 2013

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Musée d’Orsay, 1 rue de la Légion-d’Honneur, Paris VII

 

Empruntant son titre à un conte fantastique d’Edgar Allan Poe, l’exposition « L’Ange du bizarre « , présentée au musée d’Orsay, nous entraîne dans les abîmes de l’âme humaine. Le romantisme noir décrie sa perversité autant que sa vertigineuse imagination pour lutter contre l’ordre moral, la vanité du progrès et le désespérant optimisme scientifique forgé dès le XVIIIe siècle.

 

Le terme « romantisme noir », inventé par l’historien d’art Mario Praz (1896-1982), couvre un courant littéraire et artistique, qui à partir des années 1760-1770, souligne, bien avant les théories freudiennes, la part d’ombre, d’irrationnel et d’excès de la raison humaine. Au moment même où le Siècle des Lumières la glorifie.

Né en Angleterre, le roman noir met en scène des jeunes filles s’aventurant dans des abbayes et châteaux délabrés, soumises à des horreurs morales et physiques. Celles-ci sont perpétrées par des moines sataniques, seigneurs sanguinaires ou autres spectres vengeurs.

Les arts plastiques reprennent cette iconographie gothique et recourent au sublime qui, selon le philosophe Edmund Burke, transgresse nos sens et la raison, liant intimement effroi et plaisir.

Le romantisme noir traverse la Manche à partir de 1815. Après les affres de la Révolution française et de la Terreur qui conduisent à douter de la raison comme guide de l’humanité, les artistes s’emparent de la Divine Comédie de Dante pour percuter le public. Le jeune Delacroix perce ainsi en 1822 avec sa Barque de Dante. Les scènes de l’Enfer procurent en effet moult scènes atroces gorgées de fascinants anti-héros : Paolo et Francesco commettant l’adultère, Ugolin dévorant son ennemi, traîtres damnés s’adonnant au cannibalisme, comme le représente Adolphe William Bouguereau (1825-1905) dans Dante et Virgile aux Enfers (vers 1850).

En-sus du sublime, les artistes recourent au principe esthétique des contrastes : plus Satan est hideux, plus sa victime se révèle belle et ingénue. Afin de mieux bafouer la religion de la Vertu et de la Nature rousseauiste « bonne et innocente », louée sous les Lumières.

Contrairement à la vision apocalyptique anglo-saxonne (cf. Le Pandémonium de John Martin, 1841), le paysage romantique français et allemand offre un sublime plus inquiétant qu’ effrayant. Il s’inspire de lieux réels – grottes, cimetières, forêts impénétrables, demeures au clair de lune (cf. Villa au bord de mer d’Arnold Böcklin, 1871/74). Le thème de la ruine et du gouffre vise à provoquer une sensation de vertige et de basculement, contraignant le spectateur à explorer ses propres terreurs et penchants pour le sadique, le grotesque.

Pour les Symbolistes, c’est Méduse – déchue du royaume des divinités à cause de son viol par Poséidon, elle est à la fois victime et agresseur (elle pétrifie tous ceux qui croisent son regard) – qui va jouer ce rôle de catalyseur émotionnel.

Quant aux Surréalistes, ils trouvent dans le romantisme noir le premier mouvement qui accorde de l’importance au hasard, au rêve, et à l’abdication de la raison face aux manifestations incontrôlées du corps et de l’inconscient. Paul Klee remettra ainsi au goût du jour la figure de la sorcière et le thème de la danse funèbre.

 

Je me suis laissée complètement surprendre par cette exposition. Je redoutais son côté macabre mais des oeuvres lumineuses, comme celles de Carl Blechen (1798-1840), Jozsef Rippl-Ronai (1861-1927) ou Paul-Elie Ranson (1861-1909) viennent alléger l’atmosphère. Quelque peu plombée par les fonds nocturnes, où règnent la menace du néant autant que le vertige d’une liberté et d’un érotisme sans limite.

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