Peindre hors du monde

Collection Chih Lo Lou

Jusqu’au 6 mars 2022

Musée Cernuschi, 7 avenue Vélasquez, Paris 8e

Le musée Cernuschi présente une centaine de peintures et calligraphies réalisées par des moines et lettrés des dynasties Ming (1368-1644) et Qing (1644-1912), patiemment rassemblées par le collectionneur Ho lu-kwong (1907-2006) puis données au musée d’art de Hong Kong (2018). Elles sont montrées pour la première fois en France.

Gong Xian (1619-1689), Jeunes joncs et saules grêles, 1671. Encre sur papier. Collection Chih Lo Lou © Musée d’art de Hong Kong

Les oeuvres illustrent les aspirations des lettrés à vivre une vie d’ermite, retirés dans les montagnes, loin des préoccupations politiques et militaires.

Tang Yin (1470-1523), L’Ermitage aux fleurs de pêcher, non daté. Encre sur papier. Collection Chih Lo Lou © Musée d’art de Hong Kong

Plantes symboliques comme le bambou (pour sa flexibilité) et le pin (pour sa rigueur), lettré traversant un pont comme pour rejoindre un monde hors du temps ou en posture de méditation un livre à côté de lui, pavillon entouré de rochers et de flore, deviennent des motifs récurrents dans ces oeuvres entre le milieu du 15e et le début du 18e siècle.

Lan Ying (1585-v. 1664), Paysage, 1650.
Encre et couleurs sur papier. Collection Chih Lo Lou © Musée d’art de Hong Kong

Dans le sud de la Chine, sous les Ming, Shen Zhou (1427-1509) crée l’école de Wu (ancien nom de Suzhou), dont la renommée doit beaucoup également à Wen Zhengming (1470-1559). Grâce à la riziculture et la sériculture, la région connaît un fort développement économique, ce qui permet de soutenir les lettrés sans poste officiel pour qu’ils s’adonnent à la littérature, la calligraphie et la peinture.

La fin de la dynastie Ming se caractérise d’un point de vue artistique par la référence aux maîtres anciens au sein d’une peinture, permettant au lettré d’expliciter ses sources d’inspiration. Dong Qichang (1555-1636) crée ainsi un nouveau genre qui sera repris avec succès par Lan Ying (1585-v.1664), ici représenté par douze rouleaux verticaux qui constituent le coeur de la collection Chih Lo Lou. Nommée « pavillon de la félicité parfaite » car, selon son collectionneur, « ce nom évoque à la fois la joie inséparable de la contemplation de chefs-d’oeuvre mais aussi celle qui naît de l’accomplissement d’une action généreuse », commente Eric Lefebvre (directeur du musée Cernuschi), commissaire de l’exposition.


Huang Daozhou (1585-1646), Poème en calligraphie semi- cursive, non daté. Encre sur soie. Collection Chih Lo Lou © Musée d’art de Hong Kong

Les troubles du changement dynastique avec les Manchous qui prennent Pékin en 1644 puis descendent dans le Sud de l’empire s’accompagnent de l’âge d’or de la cursive en calligraphie, style dont les mouvement enchaînés donnent l’illusion d’un trait de pinceau continu.

Les peintures peuvent être réalisées sur des feuilles sur soie, intégrées dans des albums destinés à être feuilletés comme des livres. Deux exemples majestueux sont présentés ici : l’album de Huang Xiangjian (1609-1673), qui retrace son long périple pour retrouver ses parents et celui de Yun Shouping (1633-1690), dont les paysages en couleur – assez rare – sont annotés de poèmes.


Wang Yuanqi (1642-1715), Paysage à la manière de Huang Gongwang, 1714. Encre et couleurs sur soie. Collection Chih Lo Lou © Musée d’art de Hong Kong

La référence aux anciens étant un élément clé des peintures de cette période, l’exposition propose une confrontation entre quatre oeuvre s’inspirant de Huang Gongwang (1269-1354), à travers les oeuvres de Wang Shimin (1592-1680), Wang Jian (1609-1677), Wang Yuanqi (1642-1715) et Wang Hui (1632-1717). Elles proposent toutes une vue de la montagne, dans un paysage très structuré. Face à ces rouleaux figurent deux oeuvres du moine Zhu Da dit Bada Shanren (1626-1705), qui offre à l’inverse une vision presque abstraite de la montagne, comme flottant « sur un lit de nuages » (Wen Zhengming).

Hongren (1610-1664). Maison de cinabre dans les montagnes lointaines, 1656. Encre et couleurs sur papier. Collection Chih Lo Lou © Musée d’art de Hong Kong

Il est courant à cette époque de travailler à quatre mains comme le montre la réalisation de Zhu Ruoji dit Shitao (1642-1707) et Wang Hui (1632-1717). Le premier représente dans une dizaine de peintures les Monts Huang (jaunes), massif reculé qui devient un lieu de pèlerinage et donne naissance à une école incarnée par l’art de Hongren (1610-1664).

Des oeuvres majestueuses qui nous plongent dans un univers naturel bien loin de l’agitation urbaine et nous invitent à une contemplation hors du temps !

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