Monnaies et merveilles

La face cachée des monnaies

Jusqu’au 25 septembre 2022

Monnaie de Paris, quai de Conti, Paris 6e

La Monnaie de Paris présente une exposition tel un cabinet de curiosités sur les différentes formes, matières et utilisations de la monnaie. Une invitation à un fabuleux voyage dans le temps et l’espace.

Or, argent, cuivre, fer, pierres, plumes, nacre, perles, cauris, canines de chien, pattes de scarabée et même boutons de chemise apportent de la valeur à ce qui sert à matérialiser les transactions entre les hommes et à exprimer leurs richesses.

Le parcours de l’exposition débute par un présentoir en forme de vague pour exprimer cette idée de circulation à partir d’une sélection de pièces iconiques : bloc d’aragonite façonné en forme de disque (Micronésie), ruban torsadé composé de plumes rouges (Mélanésie), pectoral en or marangga (Indonésie), oban en or avec inscription à l’encre de Chine (Japon), collier en or à l’effigie de l’Empereur Auguste (Italie), couteau ngindza (République centrafricaine). Chaque pièce incarne une valeur différente : labeur pour la réaliser, provenance lointaine, inscription ou effigie sacrée.


Collier. Population berbère ida ou semlal, Anti-Atlas occidental, Maroc. Début du XXe siècle. Ambre, argent, émail filigrané et pièces de monnaie © courtesy Musée Barbier Mueller / studio Ferrazzini-Bouchet

Dès l’Antiquité, sel, coquillages, pagnes en fibres végétales, perles de verre fabriquées à Murano ou en Bohème transitent par l’Afrique. Les produits en métal sont ensuite retravaillés par les tout-puissants forgerons, réappropriés selon les cultures locales, pour être transformés en torques, manilles, bracelets, boucliers ou fagots de fer.

Bracelet-monnaie duguzikpo. Côte d’Ivoire, Afrique de l’Ouest. XXe siècle. Alliage cuivreux, fonte à la cire perdue © Lyon, Musée des Confluences / Patrick Ageneau

« Une pièce lourde n’est évidemment pas portée, mais sert de réserve monétaire et de mode de paiement pour l’achat de vivres, de chevaux, d’étoffes ou d’esclaves », précise Bénédicte Geoffroy-Schneiter (historienne de l’art), commissaire de l’exposition.


Monnaies talipun. Population Boiken occidentaux, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Mélanésie. Milieu du XXe siècle. Coquille, vannerie en fibres végétales, pigments © Collection Fabienne et Paul Giro / Raphaële Kriegel

La deuxième salle sert d’écrin à un cabinet de curiosités composés d’objets provenant d’Océanie. Perles, plumes, coquillages sont à l’honneur. Ainsi que, dans la salle suivante, de surprenantes monnaies talipun (région du fleuve Sepik) sous forme d’une vingtaine de masques faisant face au visiteur.


Coiffe chatwé. Bethléem, Territoires palestiniens. Vers 1925
Toile de laine rouge et de coton blanc, argent, perles cylindriques. Musée du quai Branly – Jacques Chirac © Dist. RMN-Grand Palais / Patrick Gries

La quatrième salle décloisonne les origines pour regrouper des formes de monnaie issues d’Asie, d’Europe, d’Afrique et d’Océanie. Sont ici présentées des étoffes comprenant toutes des pièces de monnaie qui illustrent la richesse de celui/celle qui les porte : voiles de mariée du Pakistan et de Bulgarie, parures de cheveux d’Albanie, coiffe de mariée indienne, voile de visage égyptien.


Collier rigide. Population Kuba, République démocratique du Congo, Afrique centrale. Avant 1977. Fibres végétales, cauris et perles de verre © courtesy Musée Barbier Mueller / studio Ferrazzini-Bouchet

La frontière semble ténue parfois entre la monnaie et la parure. Un janissaire grecque pouvait porter une armure entièrement composée de taels d’argent. La population Kuba (RDC) aime porter des colliers composés de perles de verre d’importation européenne ou de cauris pêchés dans l’océan Indien. Inversement, les joailliers européens reprennent les symboliques orientales comme le Pi chinois (dinh van) ou le jade (Cartier).


Automate de voyance « Le sphinx », Entreprise Bussoz, France. Première moitié du XXe siècle. Bois, cupro-aluminium, verre, papier, cuivre, fer, tirage argentique sur papier photographique © RMN-Grand Palais (MuCEM) / image RMN-GP

L’avant-dernière salle explicite la charge symbolique des pièces de monnaie : celle que l’on glisse sous un oreiller lorsqu’un enfant perd une dent, celle que l’on jette dans une fontaine en formant un voeu (l’installation contemporaine de Bina Baitel, située dans la cour, y fait allusion, cf. fil tweeter) ou celle que l’on introduit dans une machine-diseuse de bonne aventure ! Aujourd’hui encore, dans les maisons balinaises, de petites statuettes d’ancêtres recouvertes de pièces de monnaie encadrent les télévisions pour assurer la protection et la prospérité du foyer.


Ornement kapkap. Papouasie-Nouvelle-Guinée, Mélanésie
XIXe siècle-XXe siècle. Noix de coco, fibres végétales, bouton de chemise © Musée des Confluences

La dernière salle présente une vidéo diffusant des interviews, dont celle du couple de collectionneur Fanienne et Paul Giro, qui permettent – peut-être – de percevoir les oeuvres différemment, lorsque l’on repart en sens inverse.

« Pas de chronologie mais des cartes pour situer ces objets et ces croyances qui vivent encore comme le montrent les photographies d’archive occultant les fenêtres », conclut B. Geoffroy-Schneiter.

Une exposition qui joue des contrastes de taille, de matériaux, de symboliques et nous fait découvrir les différentes croyances/usages à travers le monde attachés aux pièces de monnaie. Et qui redonne une valeur symbolique à ces objets du quotidien, que l’on regarde à peine, dans nos sociétés numérisées. Superbe.

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