1890-1914
Jusqu’au 18 juillet 2021
Musée d’Orsay, place de la Légion d’Honneur, Paris 7e
« Modernités suisses, 1890-1914 », présentée au musée d’Orsay, nous emmène sur les pas de Ferdinand Hodler (1853-1918) et Giovanni Sengantini (1858-1899), qui vont entraîner une génération de peintres, loin de la tradition naturaliste. Leurs oeuvres ont été rarement montrées en France.

Kunstmuseum Solothurn, Prêt d’une collection particulière, 2003. Photo : © SIK –
ISEA, Zürich (Philipp Hitz) © Artists rights D. Thalmann, Aarau, Switzerland
Ferdinand Hodler veut révéler l’harmonie de la nature, en dégager l’essentiel et non la représenter de manière réaliste. Il inspire Cuno Amiet (1868-1961) qui souhaite avant tout capter la lumière. Il fait poser sa femme devant leur ferme à Oschand (Taches de soleil, 1904); le sujet n’est pas son portrait mais la lumière, la couleur, captée à travers le feuillage, rendu par un effet de taches fragmentées. Ces formes colorées et stylisées apportent une dimension décorative qui évoquent les estampes japonaises et les recherches des Nabis sur la couleur autour de 1900.

En 1892-1893, Amiet effectue un voyage à Pont-Aven. S’il ne rencontre pas Gauguin, sa Bretonne couchée (1893) lui fait indéniablement référence ! Au premier plan, une plante jaune accroche la lumière qui se reflète ensuite dans la blancheur de la coiffe traditionnelle de la jeune femme. De retour en Suisse, il découvre les oeuvres de Van Gogh exposées à Zurich en 1908, ce qui lui inspire Nature morte avec des asters (1908). Tout aussi intenses sont les couleurs de sa Nature morte (1907) où le bleu du mur contraste avec le rouge et le jaune des fruits et fleurs.

Giovanni Segantini, de son côté, inspire Giovanni Giacometti (1868-1933). Ce dernier représente des paysages alpins à la manière des divisionnistes. Non avec des petits points mais sous la forme de hachures dont les traits épais s’enchevêtrent de couleurs multiples, faisant jaillir la lumière (Vue sur Capolago et le lac de Sils, vers 1907). Dans Lumière et ombre II (1912), ses hachures deviennent plus floutées, plus douces, pour traduire le bonheur familial.

Dans la salle suivante, une artiste femme, Alice Bailly (1872-1938), retient mon attention avec ses paysages dont Printemps à Orsay (1912), véritable ode à la nature : colline, feuillage des arbres, petits personnages perchés sur les champs ont tous une forme en rondeur qui évoquent l’Art Nouveau. Cette stylisation formelle se retrouve dans la Ramasseuse de feuilles (vers 1906/09) d’Ernest Biéler. Alice Bailly sera la seule de ces artistes à poursuivre ses recherches jusqu’au cubisme (Nature morte au réveil-matin, 1913).

De loin, j’ai l’impression de voir une atmosphère d’intérieur d’Edward Hopper (1882-1967). Il s’agit en fait d’un étonnant Félix Vallotton (1865-1925), La Chambre rouge (1898). On y retrouve cette sensation d’étrangeté qui envahit la sphère intime. Dans Le Dîner, effet de lampe (1899), on devine l’atmosphère pesante, loin de l’idéal familial de G. Giacometti.

La dernière salle dévoile des paysages à la limite de l’abstraction. Hans Emmenegger (1866-1940) fragmente l’eau du lac Léman sur lequel on devine une petite barque amarrée. Augusto Giacometti, cousin de Giovanni Giacometti, réalise une série de « fantaisies chromatiques » dont Nuit étoilée (1917) représentant la Voie lactée dans un format rond (tondo), très utilisé par les peintres de la Renaissance italienne pour symboliser l’équilibre et l’harmonie de l’univers ainsi que le cycle universel de la vie.
Une exposition surprenante, riche en découvertes et en couleurs. À voir !