La vengeance posthume de la royauté!

Affiche de l'exposition Marie-Antoinette, Galeries nationales du Grand Palais, Paris, 2008Marie-Antoinette

Jusqu’au 30 juin 2008

[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-MARIE-ANTOINETTE-MANTO.htm]

Galeries Nationales du Grand Palais, entrée par le square Jean Perrin 75008, 01 44 13 17 17, 10€

Quelle ironie de l’histoire! Alors que le peuple français s’est étourdi de la décapitation de ses têtes royales, voilà que l’exposition sur Marie-Antoinette, aux Galeries nationales du Grand Palais, provoque enthousiasme, compassion – regret? – quant à sa triste destinée…


Elisabeth Vigée-Le Brun, Marie-Antoinette à la rose. Huile sur toile. Musée national du Château de Versailles (c) Photo RMN / Photographe inconnu Il faut avouer que le scénario de l’exposition frappe les esprits. Non seulement la scénographie met en valeur les 300 oeuvres présentées – des portraits de Vigée Le Brun aux meubles de la reine, en passant par sa harpe et sa chemise de détention -, mais elle rend extrêmement vivante ce passé historique grâce à une mise en scène théâtrale.

Logique! La direction artistique de l’exposition a été confiée au metteur en scène canadien Robert Carsen (né en 1954). De concert avec les commissaires de l’exposition, Pierre Arizzoli-Clémentel (Directeur général du musée et domaine de Versailles) et Xavier Salmon (chef de l’Inspection générale, Direction des musées de France), ils ont imaginé une tragédie en trois actes.

Les premières salles transcrivent la jeunesse viennoise de l’archiduchesse Marie-Antoinette (1755-1793), dernière fille de l’Empereur François Ier Etienne de Habsbourg-Lorraine et de l’Impératrice Marie-Thérèse. L’étiquette régit la vie des palais de Schönbrunn et de la Hofburg. Marie-Thérèse élève ses enfants dans la tradition familiale, entre instruction politique (pour ses cinq fils) et goût pour les arts (pour les huit filles).
Louis16.JPG Pour des raisons d’alliance politique, Louis XV demande au nom de son petit-fils, le dauphin futur Louis XVI, Marie-Antoinette en mariage, ce qui enchante Marie-Thérèse. L’abbé Matthieu Jacques de Vermond est envoyé à la Cour de Vienne pour compléter l’éducation de la petite fille, qui maîtrise mal le français, la musique, le chant, la danse et le dessin. Des qualités pourtant indispensables à la vie de cour française. Le 2 avril 1770, Marie-Antoinette quitte Vienne pour Versailles, avec dans ses bagages une lettre d’instructions écrites par Marie-Thérèse, à lire chaque mois. Sa fille a 14 ans.

Première lettre de Marie-Antoinette envoyée à sa mère: « Je me lève à dix heures, ou à neuf heures, ou à neuf heures et demie, et, m’ayant habillée, je dis mes prières du matin, ensuite je déjeune, et de là je vais chez mes tantes, où je trouve ordinairement le roi. Cela dure jusqu’à dix heures et demie; ensuite à onze heures je vais me coiffer. A midi, on appelle la chambre et là tout le monde peut entrer, ce qui n’est point des communes gens. Je mets mon rouge et lave mes mains devant tout le monde, ensuite les hommes sortent et les dames restent et je m’habille devant elles… » (correspondance en français du 9 juillet 1770).
Pour marquer le peu de liberté de Marie-Antoinette dans son rôle officiel, la scénographie enchaîne les portes à dimension décroissantes, qui bloquent le libre passage du visiteur.

Après un fastueux mariage dans la chapelle royale du château de Versailles (16 mai 1770), on attend de la jeune reine (elle a à peine 20 ans lorsqu’elle monte sur le trône) qu’elle donne au royaume de France un héritier. Bien que le mariage soit consommé à la grande satisfaction de Marie-Antoinette (« Je suis dans le bohneur le plus essentiel pour toute ma vie. […] L’épreuve a été réitérée, et encore hier plus complètement que la dernière fois », 30 août 1777), à la mort de Louis XV (1774), le couple n’a toujours pas d’héritiers. Un corridor est alors aménagé entre les chambres des époux (1775).
Mais il faut attendre 1778 pour que Marie-Antoinette mette au monde…une fille (Marie-Thérèse-Charlotte). Soucieuse de satisfaire le désir général, Marie-Antoinette se prête au jeu et annonce la naissance de Louis-Joseph-Xavier-François en 1781. Quatre ans plus tard, un autre garçon naîtra, le futur duc de Normandie, Louis-Charles. « Marie-Antoinette s’est enfin acquittée de sa tâche », ironisent les commissaires de l’exposition!

Jean-Henri Naderman, Harpe de Marie-Antoinette, 1774. 154,5 x 76 cm. Musée municipal de Vendôme, France (c) Musée national de Vendôme / François LauginieLa Reine peut donc se consacrer à des choses qui lui tiennent à coeur. Puisqu’elle est tenue à l’écart de la politique, elle s’adonne à la protection des arts. Le boudoir du château de Fontainebleau prouve la modernité du goût de la reine. Le décor mural associe des boisieries à des ornements polychromes aux motifs à l’antique, alternant avec des compositions florales naturelles.
Cet espace scénographique présenté de jour, sur fond musical, mène au jardin secret de Marie-Antoinette, plongé dans l’obscurité. Car c’est là que la réputation de la reine va sérieusement se ternir.

Claude-Louis Châtelet, Illumination du Belvêdère, 1781. Huile sur toile. 58,5 x 80 cm. Musée national du Château de Versailles, France (c) Photo RMN / Daniel ArnaudetEn effet, Louis XVI offre à son épouse un lieu où elle « peut être elle », loin de l’étiquette de la cour – le Petit Trianon (1774). « Le public a vu d’abord avec plaisir que le roi donnât Trianon à la reine. Il commence à être inquiet des dépenses que S.M. fait. Par son ordre, on a culbuté les jardins pour y faire un jardin anglais, qui coûtera au moins 150.000 livres. La reine a fait faire un théâtre à Trianon… » (Lettre du Comte de Mercy-Argenteau à Marie-Thérèse, le 17 septembre 1776).
Rapidement surnommé le « Petit vienne », Petit Trianon devient le prétexte à de somptueuses fêtes champêtres organisées pour les fidèles de Marie-Antoinette – la princesse de Lamballe, la comtesse Jules de Polignac, le comte de Vaudreuil et le duc de Coigny. Un lieu réservé, destiné à quelques privilégiés en quête d’honneurs et d’enrichissement personnel.

Elisabeth Vigée-Le Brun, Marie-Antoinette, la reine de France et ses enfants, 1789. Huile sur toile. 2710 x 1950 m. Châteaux de Versailles et de Trianon, France (c) Photo RMN / Gérard BlotDe manière surprenante, si le peuple s’effraie du train de vie de Sa Majesté alors que le prix du pain est cher, il n’accepte pas que Marie-Antoinette soit immortalisée en simple apparat. Lors du Salon de 1783, Elisabeth Louise Vigée Le Brun (1755-1842) – portraitiste attritrée de la reine – présente un tableau de la reine portant une chemise en gaulle et un chapeau de paille piqué de plumes. Choqué, le public demande le retrait du tableau. Il est remplacé par un second portrait où la reine pose dans une robe de cour avec ses trois enfants. Message subliminal: Marie-Antoinette est une mère protectrice pour ses enfants…et la patrie.

Mais, le scandale de l’affaire du Collier ruine cette image « pétainiste ». La comtesse de La Motte convainc le cardinal de Rohan d’être l’intermédiaire de la reine pour acheter un collier de diamants, d’une valeur de 1.600.00 livres, chez les joailliers parisiens Boëhmer et Bassenge. Espérant retrouver les faveurs perdues de Marie-Antoinette, le cardinal accepte. Le collier n’atteint jamais son destinataire. Bien qu’un procès soit ouvert pour rétablir la vérité, le nom de la reine est calomnié et la monarchie à jamais ébranlée.

Jacques-Louis David (attribué à), Marie-Antoinette conduite au supplice, avec notes manuscrites, le 16 octobre 1793. Dessin. Musée du Louvre, Département des Arts graphiques, France (c) Photo RMN / Thierry Le MageLa dernière salle représente dès lors le couloir de la mort. Avec d’une part la production croissante de pamphlets et d’estampes satiriques à l’encontre de la famille royale, en particulier de la reine qui cristallise tous les maux du pays – elle est surnommée Madame Déficit et est accusée d’être un espion à la solde de l’Autriche. D’autre part, les dernières paroles de la reine au fur et à mesure que sa mort approche. Point de chute: le dessin de Jacques Louis David (1748-1825) avant la montée sur l’échafaud…

Une exposition à en perdre la tête!

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