« Le Delacroix de la nouvelle peinture »

Manet, inventeur du Moderne

Jusqu’au 3 juillet 2011

[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-MANET–INVENTEUR-DU-MODERNE—MUSEE-MANET.htm]

Musée d’Orsay, 1 rue de la Légion d’Honneur 75007

Manet poétique, manet politique, en un mot Manet moderne. Trente ans après la rétrospective consacrée à Edouard Manet (1983), le musée d’Orsay propose une nouvelle lecture de l’oeuvre du peintre, considéré à tort comme le père des impressionnistes. Reléguée aux vieilles lunes, cette théorie est remplacée par une approche plus globale, prenant en compte la constante évolution stylistique et intellectuelle du peintre. Afin d’en révéler toute la modernité de geste et de pensée.

« Moderne, Manet l’est par sa façon de fixer la vie présente ‘grandeur nature’, de rajeunir l’arsenal des vieux maîtres et d’exploiter les ressources d’une époque où la circulation et le marché des images se redéfinissent en  profondeur », explique Stéphane Guégan, commissaire de l’exposition.

« Manet, inventeur de la modernité », revient donc aux sources du peintre, pas assez exploitées. Comme l’influence de Thomas Couture (1815-1879), son maître d’atelier, auteur des Romains de la décadence et de l’Enrôlement des volontaires de 1792, auprès duquel il apprend pendant près de six ans (fin 1849-début 1856). Ce qui n’avait pourtant pas été pris en compte dans les analyses précédentes.

La modernité ne pourrait être abordée sans évoquer Baudelaire, que Manet rencontre vers 1860. « Des danseuses espagnoles et de la femme damnée aux reines de la nuit, la continuité se passe de commentaire, et poursuivra longtemps ‘le peintre au chat noir' », peut-on lire sur le cartel de la seconde section de l’exposition.
Après la mort de Baudelaire (1867), Manet se liera d’amitié avec Stéphane Mallarmé, dont il illustre la traduction française du Corbeau d’Edgar Poe.

Peindre le prosaïsme du quotidien tout en apportant une touche radicalement profonde, tel est le génie de Manet. En attestent Le Déjeuner sur l’herbe (1863) et Olympia (1863) qui font evidemment scandale au Salon des Refusés!

Ce qui n’empêche pas l’artiste, ami de l’abbé Hurel, de respecter la foi et l’enseignement des Evangiles – aspect qui a été occulté par la pensée du XXe siècle. Il suffit d’admirer la puissance spirituelle qui se dégage de La Vocation de saint François (1861) pour en être convaincu.

Une des astuces de Manet pour intensifier l’énergie qui se dégage de ses tableaux est d’en fragmenter les scènes (par exemple, la partie inférieure de l’Episode d’une course de taureaux devient après découpage L’Homme mort) ou de resserrer le cadre. Ainsi du Balcon (entre 1868 et 1869) qui semble comme suspendu dans l’air. Le trouble est accentué par les contrastes des couleurs et l’attitude des trois personnages qui s’ignorent superbement.
Ce principe du cadrage serré vaut pour ses natures mortes, qui représentent un cinquième de son oeuvre (tant qu’il ne vendait pas de peintures de figures, Manet multiplie les représentations de fleurs et de fruits). Il s’en dégage une énergie bouleversante provenant d’un « simple » bouquet de pivoines!

Moderne, Manet ne l’aurait pas été s’il n’avait pas représenté les scènes de brasserie, de music-hall et les froufrous des femmes élégantes. Jeune femme aux yeux bleus (vers 1877) choque le spectateur par son regard frontal aux yeux d’un azur perçant, idéalement positionné à côté du portrait de profil d’Irma Brunner (vers 1880) à la bouche sanguine, contrastant avec sa chevelure brune relevée sous un chapeau noir corbeau.

L’exposition se clôt sur la volonté de Manet de réinventer la peinture d’histoire. De la Bataille du Kearsarge et de l’Alabama (1864) à l’Exécution de Maximilien (1867), le peintre affirme son opposition à Napoléon Bonaparte qui a enterré la IIe République. Et de conclure: « Destinée au Salon, la toile inachevée [L’Evasion de Rochefort, vers 1881], fut à la fois sa Barque de Dante [Delacroix] et son Radeau de la Méduse [Géricault]. »

Verdict: n’oubliez pas de réviser vos classiques pour aborder cette exposition! Plus sérieusement, les oeuvres sont mises en valeur par une scénographie épurée et le ton léger – suffisamment rare pour le signaler -, joyeusement sarcastique, des cartels d’exposition. Ett si cela ne suffisait pas, la présence des grands classiques de Manet en font un passage obligé de la programmation muséale printanière.

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