Les têtes anthropomorphes d’Arcimboldo reflètent l’excentrisme de la fin de la Renaissance

Giuseppe ARCIMBOLDO (1526-1593), Le Printemps, 1573. Huile sur toile, 76 x 64 cm. Paris, musée du Louvre (c) RMN - Jean Gilles Berizzi/Photo de presseArcimboldo (1526-1593)Jusqu’au 13 janvier 2008

Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard 75006, 01 45 44 12 90, 11€

Peintre italien de l’époque maniériste (fin du XVIe siècle), Giuseppe Arcimboldo est surtout connu par ses têtes anthropomorphes. Le musée du Luxembourg propose aujourd’hui de découvrir les autres facettes de cet homme ingénieux avec des oeuvres surprises en fin d’exposition…

Sylvia Ferino, conservateur de la peinture italienne de la Renaissance au Kunsthistorisches Museum de Vienne, organise avec une centaine d’oeuvres la première monographie dédiée à Arcimboldo (1526-93), peintre reconnu de la cour viennoise du XVIe siècle.

Giuseppe ARCIMBOLDO (1526-1593), Le Bibliothécaire (Wolfang Lazius), 1562. Huile sur toile. Skokloster (c) Château de Skokloster (Suède)Né à Milan, dans une famille de peintres, Arcimboldo est appelé à la cour impériale des Habsbourg à Vienne par Maximilien de Habsbourg (Maximilien II), sous le règne de son père l’Empereur Ferdinand Ier. L’artiste y restera 25 ans, de 1562 à 1587, jusqu’au règne de Rodolphe II. Car tous ces souverains admirent sa vaste érudition, son imagination inventive et sa grande sensibilité.

Non seulement Arcimboldo effectue des portraits réalistes de facture classique – et qui de ce fait sont difficilement identifiables comme étant réellement de son crû -. Mais il réalise aussi des tapisseries, des vitraux (cathédrale de Milan et de Côme).
Surtout, il confectionne les décors de nombreuses cérémonies et festivités de la cour viennoise comme l’atteste la sélection de dessins à la plume et lavis bleu, présentés après des siècles d’oubli, dans cette exposition. On découvre ainsi qu’Arcimboldo a l’honneur d’organiser un grand tournoi pour célébrer le mariage de la princesse Elisabeth d’Autriche avec le roi de France, Charles IX.
Passionné d’architecture, ce savant successeur de Léonard de Vinci (1452-1519) invente un procédé pour franchir les fleuves sans pont ni embarcation. Il imagine encore un système de notation des couleurs et illustre la flore et la faune pour le compte de scientifiques.

Giuseppe ARCIMBOLDO (1526-1593), L'Eau, 1566. Huile sur panneau, 66,5 x 50,5 cm. Vienne (c) Kunsthistorisches Museum Wien, GemäldegalerieCar sa signature originale est l’utilisation de plantes, de fruits, d’éléments marins et d’animaux terrestres pour la réalisation de ses séries. Sur les saisons – incarnation des différents âges de la vie: enfance (printemps), jeunesse (été), maturité (automne), vieillesse (hiver) -, sur les quatre éléments (Air, Feu, Eau, Terre) et sur les métiers. Ainsi ce portrait d’Eté uniquement conçu avec des fruits estivaux pour représenter la tête d’un homme à la fois grotesque et humaniste. On ne peut s’empêcher de rapprocher ces parodies humaines des personnage de la commedia dell arte.

Giuseppe ARCIMBOLDO (1526-1593), Vertumne (Rodolphe II), vers 1590. Huile sur bois. Skokloster (c) Château de Skokloster (Suède)Quant au portrait de Rodolphe II, Vertumne, Arcimboldo lui confère une dimension divine, en rapprochant l’empereur d’une divinité généreuse, génératrice de nourritures terrestres et protectrice de la nature. Pourtant, sa majesté aurait pu s’offenser de se voir affubler de fanes de carottes sortant de ses oreilles, d’une poire en guise de nez, de pommettes en forme de pommes, de navets au lieu d’épaules et de haricots verts lui tenant lieu de chevelure! Mais l’empereur préfère y voire une allégorie de son pouvoir et de sa richesse. Pour récompenser l’artiste, retourné à Milan pour « sa retraite », Rodolphe II le nomme comte palatin.
Ces oeuvres, référées comme capricci, scherzi ou grilli, mettent ainsi en valeur « le caractère excentrique de la culture maniériste de la cour », commente Sylvia Ferino.

Giuseppe ARCIMBOLDO (1526-1593), Tête réversible avec corbeille de fruits, vers 1590. Huile sur bois, 55,9 x 41,6 cm (c) New York, French & Company LLCL’effet le plus spectaculaire se trouve à la fin de l’exposition. Dans la dernière salle, le visiteur peut contempler des natures mortes, qui se reflètent dans un miroir. Car il s’agit de portraits réversibles.
Enfin, une oeuvre – Le Printemps (cf. premier visuel) – récemment découverte vient clore cette exposition qui complète celle du Palazzo Grassi, Venise, de 1987 sur L’Effet Arcimboldo, axée sur l’influence du peintre sur ses sucesseurs (dont le Caravage) plus que sur les multiples talents de l’artiste.

Bien que reconnu de son vivant, Arcimboldo tombe dans l’oubli après sa mort. Ce sont les Surréalistes qui redécouvrent ses oeuvres extravagantes, dont peu d’originaux subsistent. Ils lui rendent hommage en le proclamant précurseur de l’art moderne.

Aujourd’hui, des artistes comme Bernard Pras (né en 1952) reprennent cette idée de création protéiforme. A l’aide d’éléments divers, en particulier, des objets plastiques colorés, B. Pras réalise des portraits aussi originaux que ceux d’Arcimboldo (cf. Geisha, 2002, ou Louis XIV, 2003). Pour le musée du Luxembourg, il réalise devant le café Médicis (parvis du musée) une installation inédite d’après le tableau L’Eté. Soldats de plomb, fruits en plastique, rails de train électrique, main de vitrine de joaillerie, brosse de balai, résultent en une vision spectaculaire par effet d’anamorphose…

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