James Tissot (1836-1902)

L’ambigu moderne

Jusqu’au 13 septembre 2020

Musée d’Orsay, place de la Légion-d’Honneur, Paris 7e

Pour sa réouverture, le musée d’Orsay peut enfin présenter son exposition sur James Tissot – la première à Paris depuis 1985 (Petit Palais) – qui devait ouvrir juste avant le confinement et a failli ne pas voir le jour. Ouf !

James Tissot, La galerie du HMS Calcutta (Portsmouth), vers 1876 (c) Tate, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / Tate Photography

Artiste frayant avec la haute société sous le Second Empire, James Tissot a exercé à Paris, à Londres, puis de nouveau à Paris. Mais, à son retour, sa peinture (série La Femme à Paris) est considérée comme trop british par la critique et Tissot occupera les quinze dernières années de sa vie à illustrer la Bible.

C’est cette richesse de sources d’inspiration que le trio de commissaires (Marine Kisiel, Paul Perrin – deux conservateurs au musée d’Orsay -, et Cyrille Sciama, directeur général du musée des impressionnistes à Giverny) ont souhaité rendre à travers le parcours.

« James Tissot est un ambigu moderne car s’il colle aux idées de son temps, parallèlement, il veut se détacher de tous les ‘ismes’ – naturalisme, réalisme, impressionnisme – que l’on prête facilement aux artistes au XIXe siècle », expliquent les commissaires.

Ne disposant pas d’une réelle narration, les toiles de Tissot ont souvent été réduites à « de belles images » que l’on regarde rapidement. Pourtant, elles sont truffées de références : à ses voyages à travers le monde, à sa biographie personnelle, à la littérature de son temps (notamment Faust). L’exposition vise ainsi à donner quelques clés de lecture de ces tableaux codés.

Le parcours s’ouvre sur le portrait de l’artiste réalisé par Degas (1867/68). Seule oeuvre parmi la centaine présentée qui ne soit pas de Tissot lui-même.

Né à Nantes en 1836, dans une famille qui tient un magasin de textiles – évoqués subtilement dans la scénographie par un jeu d’étoffes qui séparent les sections, offrant de magnifiques jeu de transparence et d’aller-retour visuels -, James Tissot intègre l’Ecole des Beaux-Arts de Paris à la fin des années 1850.

Dès sa jeunesse, il se passionne pour l’art des anciens et des préraphaélites. Son prénom officiel Jacques est rapidement remplacé par celui de James.

Ses premières oeuvres sont remarquées pour son travail sur les costumes, les froufrous des « faux-culs » des femmes, et les bibelots japonais. En ce sens, Tissot est en vogue avec son époque, entichée de mode et des volutes de l’Art Nouveau.

James Tissot, Le Cercle de la rue Royale, 1868 (c) Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

Ce succès auprès des aristocrates et des nouveaux riches qui lui commandent des portraits majestueux – dont le panoramique Cercle de la rue Royale (1868) acquis en 2011 par le musée d’Orsay – est brisé par la guerre franco-prusse et la Commune de Paris. Marqué par la Semaine sanglante, il fuit à Londres.

Tissot se réinvente en représentant les divertissements de la société victorienne, sans y apporter de jugement moral. Ils prennent souvent place sur l’eau (The Last Evening, 1873 ou La galerie du HMS Calcutta, vers 1876)
Les scènes relativement mystérieuses car sans trame narrative lui valent l’engouement du public. Mais pas des critiques. John Ruskin reproche à ses peintures de n’être que de « simple photographies coloriées d’une société vulgaire ».

James Tissot, Octobre, 1877. Photo (c) MBAM, Christine Guest

Tissot se recentre alors sur la figure de sa muse, l’Irlandaise Kathleen Newton, qu’il représente à l’intérieur et dans le jardin de sa propriété londonienne, à St John’s Wood. Mais la jeune femme meurt de la tuberculose. Le peintre rentre aussitôt en France (1882).

James Tissot, L’Arche de l’Alliance traverse le Jourdain, 1896/1902 (c) The Jewish Museum, New York, Dist. RMN-Grand Palais / image The Jewish Museum, NY

Après l’échec de ses représentations de la Parisienne, Tissot se consacre à l’illustration de la vie du Christ. Il se rend trois fois à Jérusalem, pour s’imprégner des lieux et rendre par des aquarelles l’historicité de la vie de Jésus, dont la vision a été selon lui « faussée par les fantaisies des peintres ». La présentation de 270 aquarelles au Salon de 1894 rencontre le succès. Le livre intitulé La Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ, est un best-seller. Ses aquarelles sont ensuite exposées Outre-Atlantique. A son retour, il se lance dans l’illustration de l’Ancien Testament. Tissot meurt en 1902, à l’âge de 65 ans, avant d’avoir pu achever son travail.

Au-delà du plaisir de retrouver l’atmosphère du musée, l’exposition est particulièrement bien conçue – chaque fin de section annonce la suivante – et mise en scène. Les oeuvres nous ravissent par la virtuosité du peintre à rendre le détail des étoffes et les couleurs saisonnières dans lesquels s’inscrivent ses modèles. Un must-see !

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