De la chambre aux réseaux sociaux
Jusqu’au 30 mars 2025
#Expo_Intime
Musée des arts décoratifs, 107 rue de Rivoli, Paris 1er
Le musée des Arts décoratifs dévoile l’intime, de la chambre à coucher aux réseaux sociaux, du XVIIIe siècle à nos jours. Diversité des oeuvres, des sections thématiques ; un parcours foisonnant qui interroge la notion de soi aujourd’hui.
La notion d’intime n’est pas née avec l’humanité. Elle s’est imposée au cours du temps et a évolué avec les siècles. Aujourd’hui, les frontières entre privé et public sont plus que floues et remettent en cause la notion d’intime.
Le parcours s’ouvre sur un immense trou de serrure, selon une scénographie imaginée par l’architecte Italo Rota (1953-2024), à qui l’on doit (entre autres) le musée d’Orsay. Les thématiques s’articulent dans les galeries latérales côté jardin des Tuileries abordent le thème de la femme, la chambre, les lieux de commodité, la toilette et la beauté, le parfum, avec une expérience olfactive à vous faire tourner les sens !
Au XIXe siècle, la femme est cloîtrée à l’intérieur, comme le montrent les tableaux d’Édouard Vuillard et de Pierre Bonnard. La femme bourgeoise lit, brode. Elle fait partie de l’intérieur, avec lequel elle se confond presque (Personnages dans un intérieur. L’intimité, 1896). Ce n’est qu’à partir des révolutions féministes que la « femme mystifiée », comme la définit Betty Friedan, s’épanouie à l’extérieur.
Le lit devient un élément essentiel de la « chambre à coucher », mot qui apparaît au XVIIIe siècle. Dans les années 1930 émerge la notion de confort et de « bien dormir ». Mais le lit peut aussi être un lieu de réflexion et de création. Marcel Proust y écrit À la recherche du temps perdu, Helena Rubinstein y reçoit ses associés de travail.
L’intime, c’est aussi les « lieux de commodité », expression pudique pour désigner les toilettes. Du pot à uriner au WC Toto connecté (2023), l’hygiène s’est profondément modifiée au cours des siècles. La salle de bain se généralise dans les années 1950. Pierre Bonnard, Edgar Degas, illustrent la femme à sa toilette, révélant sa nudité et le désir masculin qu’elle suscite.
Miroirs dont l’Ultrafragola d’Ettore Scottsass (1970), qui connaît un regain de succès grâce aux posts de l’influenceuse Léna Situations, poudriers, rouges à lèvres (Le Rouge à Lèvres de F. Kupka, 1908) sont les accessoires indispensables pour se faire belle. Les dernières inventions comprennent un applicateur de maquillage qui assure la stabilisation de la main (Lancôme, Hapta, 2024), le façonnage de ses sourcils adaptés à la forme de son visage (Shu Uemura, 3D shu:brow, 2024), la création de rouge à lèvres sur-mesure (YSL Beauté, 2021).
En transition, une installation permet de sentir les parfums mythiques de l’Eau de Cologne Impériale de Guerlain (1853) à J’adore de Dior (1999), en passant par Chanel n°5 (1921) et Opium d’YSL (1977).
Au coeur de la nef sont regroupées 25 oeuvres du design des années 1950 à aujourd’hui (Eero Saarinen, Superstudio, Archizoom, Memphis) : sièges, canapés, lits, reflètent cette envie d’être à la fois isolé et ensemble.
Une section aborde le regard masculin sur la femme et les débuts de la représentation de l’homosexualité dans les oeuvres, avec des dessins de David Hockney.
Les galeries coté rue de Rivoli abordent la représentation du soi sur les réseaux sociaux et le lit connecté Keyboard Pillow qui comprend un oreiller avec écran numérique, de la designeuse néerlandaise Hella Jongerius (2001).
Nouvelles technologies veut aussi dire surveillance accrue, géolocalisation, objets de reconnaissance faciale, drones, qui peuvent porter atteinte à la vie privée.
Loin de tout ça, mais tout aussi réelle est la question de l’intime quand on est SDF. Kosuke Tsumara a imaginé une parka composée de 44 poches (1994) pour ranger les éléments indispensables à sa survie (nourriture, médicaments, papier journal pour s’isoler du froid, ours en peluche pour se réconforter, etc.). L’artiste a testé elle-même sa création en passant plusieurs nuits dans le parc Centenial à New York puis en a fait don à plusieurs ONG.
Un voyage fascinant au XIXe siècle, modérément plaisant dans les années 1950 (je ne suis guère fan des formes du design de cette période !), et un tantinet effrayant au XXIe siècle 😅