Caravage, entre amis et ennemis

Caravage à Rome

Jusqu’au 28 janvier 2019

Achetez le catalogue de l’exposition : 

Musée Jacquemart-André, 158 bouleverard Haussmann, Paris 8e

Le Musée Jacquemart-André expose une figure emblématique de la peinture italienne du XVIIe siècle : Michelangelo Merisi dit Caravage (1571-1610). Le parcours se concentre sur ses années romaines (1592-1606). Entre émulation et rixes avec ses rivaux…

A la fin du Cinquecento (1500-1599), Caravage révolutionne la peinture italienne par son usage du clair-obscur. Dix oeuvres originales de l’artiste sont ici réunies, dont sept jamais exposées en France. Pour la première fois sont également rassemblées deux versions de la Madeleine pénitente dite « Klain », toutes deux de la main du peintre (1606?). Dont une a été découverte en 2015. L’occasion de relancer le débat des experts sur le fait que Caravage ait pu répliquer ses compositions, de temps à autre.

Le parcours s’organise par thème – têtes coupées, musique et nature morte, figures de saints, images religieuses – et met en avant la relation de Caravage avec ses contemporains : mécènes, confrères amis ou rivaux.

L’exposition est ponctuée d’oeuvres phares comme Judith décapitant Holopherne (vers 1600), dont la force repose sur l’opposition entre la jeune et belle veuve, à peine émue par son acte (la décapitation du général envoyé par Nabuchodonosor qui menaçait le peuple juif), aidée dans sa tâche par la vieille servante. Dans cette toile, « le spectateur semble assister à une scène de théâtre », commente Francesca Cappelletti (professeur d’histoire de l’art moderne à l’Université de Ferrare), commissaire de l’exposition. Ce tableau est confronté à celui du peintre vénitien, Carlo Saraceni, qui propose une Judith au regard tourné directement vers le spectateur, mettant la tête du vilain dans le sac tenu par la servante.

Dans la salle suivante, Le Joueur de Luth (1595/96) rend hommage à la musique et à la nature. L’oeuvre a été commandée par Vincenzo Giustiniani, mécène le plus important de Caravage et grande personnalité intellectuelle du XVIIe siècle européen. La toile est mise en regard de La Douleur d’Aminte (1605/10) – illustrant un jeune homme mélancolique se tournant vers la musique pour panser ses peines de coeur – de Bartolomeo Cavarozzi. Un peintre de l’entourage du noble Giovanni Battista Crescenzi, qui possède dans son propre palais une académie de peinture dal naturale où l’on y étudie les corps d’après des modèles vivants.

Le Jeune Saint-Jean-Baptiste au bélier (1602) surprend autant par son dénuement dévoilant un corps musclé que par son visage jeune et souriant. A l’image de l’un des nus de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine. Son corps lumineux contraste avec l’arrière-plan boisé, sombre (cf.affiche).

La salle sur la médiation des saints est remarquable, en particulier Le Saint Jérôme écrivant (vers 1605). Caravage y associe le thème de la méditation à une réflexion sur la jeunesse. « La lumière souligne minutieusement les rides et les plis que le temps a imprimés dans les chairs », analyse F. Cappelletti. « Et grâce à la synthèse extrême de la composition, elle confère une aura majestueuse à l’intense travail d’écriture du saint dont la figure est équilibrée par la présence d’un crâne à l’autre extrémité du tableau ». L’image d’un septuagénaire est reprise dans l’oeuvre d’Orzio Gentileschi, artiste majeure de la pittura dal naturale.

Le Souper à Emmaüs (1606) évoque le basculement de la vie de Caravage et marque l’évolution de son style. Alors qu’est célébré le premier anniversaire de l’élection du pape Paul V, le soir du 28 mai 1606, Caravage donne un coup d’épée sanglant et fatal à Ranuccio Tomassoni. Lui-même blessé, le peintre s’enfuit et se réfugie à Naples où la famille Colonna le protège. Il s’exilera ensuite à Malte puis en Sicile. Ses oeuvres se font alors de plus en plus concises d’un point de vue de la composition (aucun décor en arrière-plan, juste les ténèbres), ses traits sont encore plus incisifs, exécutés avec rapidité – Caravage ne réalisait jamais de dessin ou d’étude préparatoire – ses personnages sont de plus en plus isolés, rehaussés de quelques rares touches de lumière.

Bien que recevant encore des commandes, Caravage ne rêve que du pardon papal. Il reprend le chemin de Rome avec trois oeuvres pour offrir à ses protecteurs. Mais arrêté par erreur lors d’une escale à Palo Laziale, sur les côtes du Latium, il est jeté en prison tandis que le bateau repart avec ses oeuvres. Libéré, il tente une nouvelle fois de rejoindre Rome mais, atteint de malaria, il meurt à l’hôpital de Porto Ercole, à l’âge de 38 ans.

Des oeuvres fascinantes pour qui apprécie la peinture des jeux de clair-obscur. Une exposition concise et lumineuse, à l’image de l’esthétique caravagesque !

 

 

 

 

 

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