Dessins de la rafle du Vel d’Hiv
Jusqu’au 7 novembre 2022
Mémorial de la Shoah, 17 rue Geoffroy-l’Asnier, Paris 4e
À l’occasion de la commémoration des 80 ans de la rafle du Vel d’Hiv, le mémorial de la Shoah présente seize dessins inédits de Cabu. Ceux dont il dira qu’ils lui avaient donnés des cauchemars en les réalisant.
À 29 ans, Jean Cabut dit Cabu (1938-2015) illustre pour le journal Le Nouveau Candide une série de cinq épisodes tirés de La Grande Rafle du Vel d’Hiv 16 juillet 1942 de Claude Lévy et Paul Tillard (Éd. Robert Laffont).
L’exposition, rassemble en une seule salle circulaire, des originaux et des agrandissements d’une grande force graphique. En un coup d’oeil, le spectateur perçoit l’horreur de cette tragédie qui a emporté 13 000 Juifs, essentiellement des femmes et des enfants, dont 8 000 sont rassemblés la nuit du 16 juillet 1942 dans le Vélodrome d’Hiver.
Une seule photographie, retrouvée à ce jour, témoigne de cet événement. Et pointe du doigt l’implication et la responsabilité de la police française dans la déportation des Juifs, trop vite oubliées après le régime de Vichy. Il faudra attendre les propos du Président Jacques Chirac en 1995, prononcés sur les lieux de l’ancien vélodrome, pour reconnaître : « Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français. La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. »
Lorsque Cabu réalise ses dessins, le Vélodrome a déjà été détruit (1959). Mais sa fabuleuse mémoire lui permet de restituer l’espace, souvenir pour lui de plaisirs – il y assiste à un concert et y reçoit un prix du dessin – sans connaître alors l’histoire honnie de ce stade du 15e arrondissement parisien.
Quatre images puissantes résument le talent du dessinateur qui a, selon Laurent Joly, co-commissaire de l’exposition avec Véronique Cabut, « dessiné le pire du 20e siècle, avant d’avoir été lui-même la victime du pire du 21e siècle ».
L’Arrestation montre une petite fille orpheline cachée derrière un porche, tenant une poupée dans les bras – seule chose à laquelle elle peut se raccrocher de sa vie d’avant – tandis qu’à l’arrière-plan un homme les bras sur la tête se fait arrêter.
L’Autobus conduit une foule d’hommes, de femmes et d’enfants entassés, et dont chaque visage exprime un sentiment qui lui est propre.
Le Train stationné gare d’Austerlitz emporte les Juifs vers les camps d’internement de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers (Loiret). Cette gare, qui était fermée aux voyageurs depuis 1969, s’est transformée en nouveau lieu culturel de mémoire sur la déportation et vient d’ouvrir ses portes au public (juillet 2022).
Le Suicide représente une femme sautant du haut de son immeuble, ses enfants dans les bras, alors que des policiers assistent à sa chute depuis la fenêtre. Il ‘s’agit d’une légende commente L. Joly. « La véritable histoire est qu’une femme s’est intoxiquée lorsqu’elle a entendu les policiers arriver. »
Le Vélodrome avec un enfant qui s’est échappé des gradins où étaient regroupés les arrêtés (masse sombre d’hommes et de femmes) et est poursuivi par un policier au centre du terrain au sol blanc.
Jeux d’ombre et de lumière, de plongée et de contre-plongée, d’angles choisis (focus sur le vélodrome ou resserrement à l’angle de deux rues), expressivité des visages, contribuent à la réussite de ces dessins bouleversants.
Une exposition qui rend hommage au trait génial de Cabu.