Les estampes et peintures du « Monde flottant »

MOROSHIGE Furuyama (Ishikawa), actif 1678-1698, Banquet sous les cerisiers en fleurs. Encre et couleurs sur papier. 34,4 x 45,4 cm. Début XVIIIe (c) Musée IdemitsuSplendeurs des courtisanes – Japon, peintures ukiyo-e du musée Idemitsu

1ere partie: jusqu’au 9 novembre 2008
2eme partie: du 18 novembre au 4 janvier 2009

Musée Cernuschi, 7, avenue Vélasquez 75008, 7,50€

Dans le cadre du 150e anniversaire des relations franco-japonaises, le musée Cernuschi accueille une magnifique exposition de peintures de la période Edo (1615-1868) issues du musée Idemitsu. Un industriel et collectionneur japonais dont sont actuellement exposées les oeuvres de Rouault à la Pinacothèque de Paris. Divisée en deux temps, l’exposition du musée Cernuschi met en valeur la beauté des courtisanes et les scènes de divertissement qui se répandent à partir du XVIe siècle dans un Japon en plein essor urbain.


Alors que le Japon connaît une longue trêve de paix entre 1615 et 1868, la ville d’Edo, qui deviendra Tôkyô en 1868, se construit ex nihilo et atteint rapidement le million d’habitants. Edo est la capitale du shogun (commandement militaire contrôlant le pouvoir politique, administratif et plus tard économique) TOKUGAWA Ieyasu, qui a unifié le pays au XVIIe siècle. Kyôto reste la résidence de l’Empereur et un centre majeur de l’artisanat de luxe tandis qu’Osaka, surnommée Niho no daitokoro (cuisine du Japon) constitue une plaque tournante commerciale.

MORONUBU Hishikawa (?-1694), Jolie Fille et fleurs d'automne. Encre et couleurs sur soie. 88,9 x 31,6 cm (c) Musée IdemitsuDurant la période Edo, les samouraïs n’ont plus le droit de se battre. Oisifs, ils ont du temps à consacrer aux arts et aux divertissements qui fleurissent grâce à la paix qui règne. Le système du sankin kôtai contraint les membres des familles des daimyos (chefs régionaux) à résider à Edo une année sur deux. De ce fait, la majeure partie de la population de la ville recherche les plaisirs luxueux pour passer le temps. Mais pas question pour les samouraïs d’avouer leurs penchants pour les loisirs du « Monde Flottant » – attitude symbolisant l’hédonisme -! Dans les estampes de MORONOBU Hishikawa (?-1694), un des premiers maîtres du genre, les guerriers sont représentés avec un chapeau de paille et leurs traits sont masqués. Néanmoins, ils conservent leurs deux sabres, qui trahissent leur statut social.

Les courtisanes représentent la fine fleur du divertissement de l’époque. Elles se distinguent par leurs tenues luxueuses et leur obi (ceinture) nouée devant. Les courtisanes de haut rang, les tayû, recoivent une éducation poussée, axée sur la musique, la poésie et la danse. Leur talent impose l’admiration des clients, qui doivent les respecter et suivre une ligne de conduite stricte (showake). A commencer par utiliser un langage réservé aux courtisanes, le arinsu kotoba, qui imite celui pratiqué à la cour impériale. Le service des courtisanes étant très honéreux, seuls la haute noblesse, les daimyos et les riches marchands peuvent y recourir.
Au XVIIIe siècle, les tayû perdent progressivement leur prestige au profit de courtisanes d’un nouveau type, les oiran, tandis que les geisha ou geigi se spécialisent dans la danse et la musique.
La prostitution concerne également des filles de bas rang, pratiquant leur activité dans les établissements de bain, les auberges, les restaurants ou les maisons de thé. Ce que la peinture du Monde flottant – ukiyo-e – se garde de représenter. D’où le titre de l’exposition – un clin d’oeil à l’oeuvre de Balzac – qui omet le terme « misère » des courtisanes.

ANCHI Choyodo, Courtisane. Rouleau suspendu, encre et couleurs sur papier. 95,1 x 38,8 cm. Début XVIIIe (c) Musée IdemitsuLes courtisanes de haut rang sont dépeintes avec des visages similaires – ce qui contredit l’hypothèse selon laquelle les peintures de courtisanes étaient commandées par des admirateurs – alors que leurs tenues sont extrêmement travaillées.

KUNISADA Utagawa (1786-1864), L'Acteur de kabuki Iwai Hanshirô V. Rouleau suspendu, encre et couleurs sur soie. 59,5 x 30,8 cm. Début XIXe (c) Musée IdemitsuL’ukiyo-e a pour autre thème le théâtre kabuki. Un terme issu de kabuku, qui évoque des jeunes gens excentriques, vivant sans aucune règle, pendant la période Momoyama (1574-1615) . La danseuse Izumo no Okuni serait la fondatrice de cette forme de théâtre, qu’elle pratique sur les rives de la rivière Kamo à Kyôto. En 1607, invitées au château d’Edo, ses actrices – des courtisanes – sont interdites d’accès. Les hommes joueront alors le rôle des femmes dans le théâtre kabuki. En atteste l’oeuvre de KUNISADA Utagawa (1786-1864), représentant le portrait de l’acteur HANSHIRO Iwai V.
A la fin du XVIIe siècle, le théâtre kabuki devient un loisir important de la vie publique. Trois théâtres officiels d’Edo en donnent des représentations. Ainsi, selon commissaire de l’exposition, Michel Maucuer, les aristocrates du XVIIe siècle cherchent non seulement à se distraire mais également à se cultiver pour imiter leurs ancêtres lettrés.

L’ukiyo-e décorative s’est répandue dans les intérieurs de maisons grâce au développement de la technique de la gravure sur bois. La xylogravure a longtemps été réservée aux ouvrages religieux, philosophiques et à quelques grands classiques littéraires. Mais dans les années 1600, elle est appliquée pour illustrer des romans, comme le populaire Contes d’Ise (Ise Monogatari). Les illustrations reflètent les moeurs contemporaines tout en faisant référence au  passé (cf. le drapé des kimonos, qui évoquent des légendes anciennes). La xylogravure est également utilisée pour réaliser des estampes.

D’abord monochromes (sumizuri-e), les estampes sont ensuite coloriées à la main (tan-e). Les estampes modernes ou « estampes de brocar » (nishiki-e), réalisées par impression et aux couleurs multiples, sont inventées en 1765.

Si les estampes coûtent relativement peu, la peinture ukiyo-e (nikuhitsu ukiyo-e ou peinture concrète) s’adresse à une clientèle aisée. Elle prend la forme de rouleaux suspendus (kakemono), de rouleaux en longueur destinés à être regardés en les déroulant (emaki), de paravents (byôbu-e) ou de cloisons (fusuma-e).
Dans le cas des rouleaux suspendus de la soie orne le dessus de la peinture. Une soie usée, pour qu’elle ne bouge plus, qui provient d’ancien kimono.

HOKUSAI Katsushika (1760-1849), Clair de lune. Rouleaux suspendus. Encre et couleurs sur papier. 99,1 x 26,3 cm. Début XIXe (c) Musée IdemitsuLa collection du musée Idemitsu rassemble à la fois des estampes et des peintures ukiyo-e. L’exposition offre un panorama exhaustif des différents styles des écoles artistiques que compte la période Edo. Avec des oeuvres d’artistes aujourd’hui mondialement connu, tels CHOSHUN (1682-1752), MOROSHIGE (1684-1704), HOKUSAI (1760-1849), HIROSHIGE (1797-1858). Mais également beaucoup d’artistes anonymes.

A noter, un cycle de conférences, en accès libre, accompagne cette splendide exposition.

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2 réponses à Les estampes et peintures du « Monde flottant »

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  2. multicopie dit :

    Pourriez vous m’indiquer d’ou viennent les estampes en noir et blanc format environ 10×15 datant du milieu fin du XIX eme qui sont vendues actuellement.

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