Turner – Peintures et aquarelles – Collections de la Tate
Jusqu’au 11 janvier 2021
Musée Jacquemart-André, 158 bd. Haussmann, Paris 8e
Le musée Jacquemart-André bénéficie d’un prêt exceptionnel de la Tate Britain, pour soixante aquarelles de Joseph Mallord William Turner (1775-1851), dont elle détient la plus grande collection au monde. L’occasion de découvrir, en parallèle d’une dizaine de peintures à l’huile, la maîtrise des couleurs d’un des plus grands paysagistes anglais de la fin du XVIIIe – début XIXe siècle.
L’art de Turner se distingue par son interprétation de la lumière et des effets atmosphériques sur les paysages, en particulier anglais et vénitiens.
Pour autant, « ce n’est pas un précurseur des impressionnistes », prévient Pierre Curie (conservateur du musée Jacquemart-André), co-commissaire de l’exposition, en guise d’introduction. « Les impressionnistes ne connaissaient pas Turner. En revanche, ses huiles – notamment Le Rameau d’or (1834, exposé en salle 5) – ont influencé les Préraphaelites et annoncent le symbolisme ».
Le parcours met en regard les aquarelles avec les huiles, pour démontrer la double personnalité de Turner dont l’une est peu connue : ses aquarelles expérimentales, oeuvres à part entière qu’il a conservées toute sa vie dans son atelier, et qui lui ont permis son formidable travail sur les effets de lumière.
« D’un côté, on a un Dr Jekyll, qui peint pour une clientèle noble, et deviendra président de la Royal Academy of Arts. De l’autre, on a un Mr. Hyde, qui pousse l’audace plus loin, ne termine pas ses oeuvres, et peint ‘ce qu'[il] voit, non ce qu'[il] sait être là' ».
Le peintre a légué à la Tate Britain un fonds important comprenant des centaines d’aquarelles peintes « pour son propre plaisir », selon l’écrivain John Ruskin, qui a été l’un des premiers à avoir étudié l’ensemble du legs. Un fonds qui révèle la modernité de ce peintre romantique, autodidacte.
Turner est issu d’un milieu modeste et travaille d’abord comme architecte. Il prend des cours de perspective et de topographie – ce qui explique le réalisme topographique de ses premières représentations de châteaux anglais – puis entre à l’école de la Royal Academy à l’âge de quatorze ans. Il part alors en quête d’expérimentations lumineuses et colorées. Il aurait déclaré qu’il ne travaille pas « selon un processus établi, mais joue avec les couleurs jusqu’à ce qu’il ait exprimé ce qu’il avait en tête. »
Son voyage en Italie (1819/20), qu’il réalise tard dans sa carrière, en raison du blocus continental initié par Napoléon contre le Royaume-Uni, est un véritable choc. Les teintes bleues-grises de ses paysages anglais et hollandais (bien représentés dans les collections anglaises) virent au jaune, rose et rouge.
Ses dernières aquarelles, représentant Venise en 1840, sont particulièrement lumineuses. La lumière interagit avec les reflets sur l’eau de la lagune ; les formes architecturales se dissolvent dans des lavis miroitants.
Le parcours nous fait découvrir un Turner magicien des couleurs, audacieux, à la limite de l’abstraction, un siècle en avance !