Oeuvres chinoises restaurées

Ding Yanyong (1902-1978), Après la pluie, années 1940. Encre et couleurs sur papier. Paris, musée Cernuschi (c) musée Cernuschi / Roger-ViolletSix siècles de peintures chinoises

Jusqu’au 28 juin 2009

Musée Cernuschi, 7, avenue Vélasquez 75008, 7,50€

Le musée des arts d’Asie de la Ville de Paris expose pour la première fois une collection de peintures chinoises rapportées d’Orient en 1873 par Henri Cernuschi (1821-1893). Ces oeuvres ont bénéficié d’une restauration de quinze ans qui a permis de révéler le sublime de ces toiles. Véritable témoignage du premier regard des Européens sur l’art chinois à l’ère de la folie japonisante.

L’exposition se décompose par genre pictural pour révèler les plus grands artistes de la Chine impériale, évoluant dans les cercles lettrés de la dynastie Ming (1368-1644) ou à la cour des empereurs Qing (1644-1911). Elle illustre l’évolution de la technique des artistes, qui effectuent une synthèse entre la tradition orientale et les acquis de la peinture occidentale, lors d’exil (lié à l’offensive japonaise en 1937) ou de voyage formateur, notamment à Paris.

La première salle est consacrée aux éventails peints durant la dynastie Ming. Au XVe siècle, les principaux centres de création artistique, Nanjing (Nankin) et Beijing (Pékin) se font concurrencer par des villes comme Suzhou, Hangzhou ou Songjiang. Des peintres majeurs, tels Wen Zhengming (1470-1559) ou Dong Qichang (1555-1636), s’y distinguent par leur renouvellement de la peinture académique.

Yun Shouping (1633-1690), par exemple, exprime ses problèmes personnelles avec les autorités à travers la représentation du style de deux maîtres anciens – Zhao Yuan et Chen Ruyan -, qui eux-même eurent des déboires avec l’empereur qui n’avait pas apprécié leur travail. Tout réside dans la subtilité du message, derrière l’apparence trompeuse d’un paysage lisse – surtout aux yeux d’un Européen -, suggéré par une grande maîtrise artistique.

Sous la dynastie Ming, la peinture n’est pourtant pas toujours reconnue comme un art à part entière. Elle fait plutôt pendant à l’écriture. Ce qui explique les inscriptions poétiques ou calligraphiques, quasi systématiques, sur les oeuvres.
En atteste la fresque monumentale créée pour commémorer le banquet donné par l’empereur Qianlong en 1744 à l’occasion de la rénovation architecturale de l’Académie Hanlin. La partie supérieure droite comporte de nombreuses calligraphies rédigées par trois hauts fonctionnaires. Elles illustrent la représentation de la journée de fête, réalisée picturalement par six peintres, alors que l’empereur s’est retiré pour se reposer et écrire des poèmes.

Kun Jin et autres, L'Académie Hanlin, 1744. Encre et couleurs sur soie. Paris, musée Cernuschi (c) musée Cernuschi / Roger-Viollet« Cette peinture est fondamentale à plus d’un titre », explique le commentaire de l’exposition, Eric Lefebvre. « D’une part, par sa dimension hors norme. Habituellement le format horizontal limite l’espace de représentation, ce qui n’est pas le cas ici. D’autre part, parce qu’elle nous informe sur l’activité de cette Académie de grande importance au XVIIIe siècle dans la formation des élites de la Chine impériale depuis l’époque des Tang, et dont il ne reste plus aujourd’hui que la porte Tian en men [en haut à droite], suite à un incendie en 1900, pendant la guerre des Boxers. Enfin, parce qu’elle illustre l’influence de l’art occidental – des peintres occidentaux opèrent à la cour impériale à l’époque – par une fausse perspective isométrique orientale, qui révèle en fait un point de fuite au loin à droite ».

La salle suivante met en avant la représentation de personnages, qu’il s’agisse de figures bouddhiques (Bodhidharma traversant le Yangzi Jiang), taoïstes (Magu), ou de l’image de Zhong Kui, chasseur de démons, autant représentée dans la peinture populaire que savante et que l’empereur offrait à ses ministres tous les ans.
Cette pièce met en avant la cohérence de la collection d’Henri Cernushi qui semble avoir recherché la constitution de séries formelles.

Outre la peinture au pinceau, le collectionneur s’est intéressé à la peinture aux doigts, représentée par Gao Qipei (1672-1734). Sa Peinture des mille automnes atteste de sa maîtrise des couleurs qui découlent d’un code. Le rouge, utilisé de manière novatrice en larges couches, et la phonétique du mot chauve-souris appellent au bonheur. Le bleu du champignon d’immortalité invoque la longévité comme l’image des pins. La présence des cerfs renvoie à la richesse. L’ensemble exprime ainsi des voeux, offerts à l’occasion d’un anniversaire.

L’importance de la calligraphie associée à la peinture se révèle dans les représentations de Kang Youwei (1858-1927). Son trait rugueux, primitif, rappelle les inscriptions des stèles anciennes tandis que son réalisme pictural traduit une influence occidentale – l’artiste a voyagé en Europe et était un grand admirateur de Michel-Ange. L’artiste souhaite renouveler la peinture académique en empruntant le réalisme occidental sous le prétexte qu’il était déjà présent dans l’art de référence de l’époque des Song (960-1279).
La calligraphie de Yao Hua (1876-1930) accompagnée d’une fleur dans un vase traduit quant à elle les problèmes politiques de l’empire chinois. Son poème évoque des fleurs sur le point d’être coupée, symbole d’une jeunesse fânée, allusion à l’autorité effritée de la capitale, soumise aux rebellions des seigneurs de guerre.
Mais le maître incontesté de la peinture épigraphique, pour Eric Lefebvre, reste Qi Baishi (1864-1957) dont « la puissance du trait relève de la simplicité menée à son aboutissement ».

La suite des oeuvres de l’exposition reflètent l’influence occidentale – Pièta de Lin Fengmian, Etudes de nu de Pan Yuliang (1895-1977) d’une part, japonaise – Chen Zhifo, Zhang Daqian, Ding Yanyong – d’autre part.

Zhang Daqian (1899-1983), Ermite dans la forêt. Encre et couleurs sur papier. Paris, musée Cernuschi (c) musée Cernuschi / Roger-ViolletLa dernière partie s’intéresse à la représentation du paysage, à la fois traditionnelle et renouvelée. Par les jets d’encre et les surfaces saturées d’eau de Fu Baoshi (1904-1965) et les couleurs éclaboussées de Zhang Daqian (1899-1983).

Un film d’une quinzaine de minutes est proposé à la sortie (auditorium du musée, en accès libre) sur le sauvetage d’une peinture endommagée. Les oeuvres rapportées de Chine étaient destinées à être protégées de la lumière en les roulant. Or, leur exposition à la mode occidentale a très vite détérioré leurs qualités picturales. Le film montre comment des travaux de restauration ont pu être menés pour révéler la grandeur de ces toiles.

Une exposition passionnante d’un bout à l’autre de son parcours!

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