Première rétrospective européenne sur Steichen

Edward STEICHEN (1879-1973), Gloria Swanson, New York, 1924. The Museum of Modern Art, New York. 42,1 x 34,2 cm (c) 1924, Condé Nast PublicationsSteichen – Une épopée photographique

Jusqu’au 30 décembre 2007

Jeu de Paume, 1 place de la Concorde 75008, 01 47 03 12 50, 6€

Le Jeu de Paume a l’honneur d’organiser la première rétrospective en Europe de l’oeuvre d’Edward Steichen (1879-1973). D’origine luxembourgeoise, ce photographe a fait carrière aux Etats-Unis mais c’est à Paris qu’il connaît ses premières heures de gloire.

Edward STEICHEN (1879-1973), The Spiral Shell, France, vers 1921. Courtesy The Richard and Jackie Hollander Collection, Los Angeles. 27 x 33,7 cm (c) 1924, Joanna T. SteichenQuatre cent photographies vintage offrent un panorama exhaustif de l’activité créatrice prolifique d’Edward Steichen. Il travaille dans tous les domaines que le nouveau medium photographique offre: portrait, nu, paysage naturel et urbain, nature morte, fleurs, documentaires, reportage, théâtre, danse, guerre (reconnaissance aérienne durant la Première Guerre mondiale et photographies de combat pendant la Seconde), publicité et mode. Ce qui a donné matière à ses détracteurs qui lui reprochent d’avoir vendu son âme au Diable (la société de consommation et son corrélaire, la publicité).

Pour autant, le jeune Steichen fait preuve d’une vraie nature artistique comme l’attestent ses premières photos, dans sa période pictorialiste. Dès 1899, il expose trois oeuvres au Second Philadelphia Photographic Salon. Ce qui lui vaut une lettre d’encouragement du photographe américain Clarence Hudson White (1871-1925). Un an plus tard, il expose à l’Art Institute de Chicago et obtient le second prix.

Né Eduard Jean Steichen, le jeune homme anglicise son prénom en Edward lorsqu’il devient citoyen américain (1900). En juillet, il embarque pour Paris et photographie les artistes du quartier latin. Il rencontre Rodin qui l’invite régulièrement à déjeuner à Meudon. Impressionné par le portofolio de Steichen, Rodin lui achète plusieurs tirages. Steichen commence alors sa série consacrée aux « Grands Hommes ». Il fait poser Rodin devant son Monument à Victor Hugo et face au Penseur. Il fait un montage des deux négatifs; le résultat est salué par la critique.
Edward STEICHEN (1879-1973), In Memoriam, 1904. Courtesy Musée d'Orsay, Paris. 46,6 x 36 cm (c) Joanna T. SteichenEn 1902, guidé par Alfred Stieglitz (1864-1946), autre mentor de Steichen, et Clarence White, le groupe Photo-Secession est fondé. L’esthétique qu’ils défendent – l’art pictorialiste – consiste à émuler l’art de la peinture et de la lithographie. Tonalité en noir et blanc ou sépia et méthode du soft focus – l’image a une apparence brouillée mais les formes restent visibles – sont autant de moyen pour rendre un effet glamour et vaporeux.

A Paris, Steichen expose au Salon du Champ de Mars. Il présente des photographies et des peintures, art qu’il pratique depuis l’enfance. Mais au dernier moment son entrée est refusée à cause de ses photographies. Médium récent, la photographie n’est pas encore considérée comme un art qui mérite récompense. Ce qui déclenche « la furie » du célèbre photographe pictorialiste, Robert Demachy (1859-1936), explique la co-commissaire de l’exposition Nathalie Herschdorfer. R. Demachy crie au scandale et qualifie Steichen d' »enfant terrible de la photographie ». Un surnom qui restera dans les annales.

De retour aux Etats-Unis, Steichen collabore au magazine Camera Work, lancé par A. Stieglitz. Steichen conçoit le logo, la couverture, et la maquete de la revue. Il conseille également Stiegliz sur le choix du papier, de la typographie et des couleurs. En avril 1903, Camera Work sort son deuxième numéro, entièrement dédié à Steichen. Comme le numéro 42/43, mais celui-ci présente l’oeuvre peinte de l’artiste et non son oeuvre photographique.

Edward STEICHEN (1879-1973), Brooklyn Bridge, 1903. Courtesy LaSalle Bank Photography Collection, LaSalle Bank et ABN AMRO, Chicago (c) Joanna T. SteichenEn 1904, Steichen se met à la photographie couleur. Son ancien studio, sur la Ve Avenue à New york, est transformé en galerie et appelé Galerie 291 (en référence à l’adresse du local). Elle devient le QG du groupe Photo-Secession.

Puis Steichen retourne en France, avec sa femme (Clara E. Smith) et leur fille Mary. Il achète un terrain à Voulangis (Seine-et-Marne) pour cultiver des fleurs (delphiniums, pavots, pétunias, bégonias, rosiers grimpants, iris) qu’il peint ensuite. Il expose ses plants de delphiniums à la Société nationale d’hoticulture de France et reçoit une médaille d’or.

La Première guerre mondiale marque une période de crise dans la vie de Steichen. Il retourne précipitamment à New York mais sa femme se retire dans le Connecticut avant de retourner en France avec leur seconde fille, Kate. Mary reste avec son père à New York.
En novembre 1917, il apprend la mort de Rodin et assiste à ses funérailles. En 1922, son divorce est prononcé.
Steichen doute de lui, de ses talents.

Edward STEICHEN (1879-1973), White, 1935. Courtesy Condé Nast Archive, New York. 25,4 x 20,3 cm (c) 1935, Condé Nast Publications C’est alors qu’il rencontre Condé Nast, avec qui il entreprend une collaboration fructueuse. Ce dernier le nomme directeur de photographie de Vogue et Vanity Fair. Danseurs, acteurs, mannequins, membres de la Edward STEICHEN (1879-1973), Fred Astaire, New York, 1927. Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York. 24,1 x 19,1 cm (c) 1927, Condé Nast Publicationshaute société défilent devant son objectif. Ils se font « steicheniser ».
Mais l’empire Nast s’effondre avec la crise de Wall Street le 29 octobre 1929. Le salaire de Steichen est réduit de moitié. L’artiste se tourne vers Kodak tout en continuant à travailler pour Vogue jusqu’en 1937.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Steichen intègre la Navy. Il prend des vues aériennes des champs de bataille. Les photographies sont impressionnantes pour nous, visiteurs, qui n’avont pas connu la réalité de la guerre.

A partir de 1942, Steichen organise des photographies pour le Museum of Modern Art, New York. L’exposition qui le révèle en tant que commissaire est Family of Man, dont une reconstitution par modélisation en 3D est présentée dans la dernière pièce de l’exposition du Jeu de Paume. L’exposition originale a un tel succès – elle circule dans 38 pays, avec 503 photographies choisies parmi 10.000 images – qu’elle est installée de manière permanente au Luxembourg. Elle est même inscrite au Registre Mémoire du Monde de l’UNESCO en 2004.

Edward STEICHEN (1879-1973), Anna May Wong, 1930. Courtesy George Eastman House, International Museum of Photography and Film, Rochester, New York; bequest of Edward Steichen by Direction of Joanna T. Steichen. 24,1 x 19,6 cm (c) 1930, Condé Nast PublicationsLa première partie de cette exposition a bénéficié de tout mon intérêt en raison de la nature artistique des photographies. Les expérimentations photographiques de Steichen rendent la frontière entre photographie et dessin extrêmement ténue. En revanche, la seconde partie (1er étage) m’a semblé moins palpitante, dans la mesure où se succèdent quantité de portraits d’acteurs et de mannequins de l’époque. Steichen prétendait que la photographie devait être un médium au service de la société pour « élever la conscience et le goût du public ». Et non se contenter d’être « un papier peint de luxe ». C’est pourtant l’impression que j’ai ressentie en voyant ces oeuvres, techniquement parfaites, mais dont l’accumulation tend à les rendre décoratives. En revanche, cette rétrospective a le mérite de couvrir les différents aspects de l’oeuvre Steichen.

Taggé .Mettre en favori le Permaliens.

3 réponses à Première rétrospective européenne sur Steichen

  1. grare thierry dit :

    L’art pictorialiste est bassé sur l’interprétation d’une oeuvre.
    L’artiste interpréte a sa guise, une surface imprimé par un procédé mécanique.
    Sa surface couvert de gomme pigmentaire, sera dépouillé (développé) a l’aide de brosses, pinceaux par simple frottement de l’émulsion, la gomme a l’état de fragilité par son gonflement a l’eau, prendra son aspect voulu, une fois sec.
    L’auteur définit la densité, la lumière et la finesse de son interprétation par ses compétences

    A voir htpp://thierry.grare.free.fr
    ou http://grarethierry.canalblog.com

    th

  2. Ping :Première rétrospective française des photographies de Saul Leiter - Artscape: Art, Culture & Paris

  3. Ping :Lee Miller et la “beauté convulsive” (A. Breton) - art lee miller jeu paume

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *