Nicolas de Staël

Jusqu’au 21 janvier 2024

#expoNicolasdeStael

Musée d’art moderne de Paris, 11 avenue du Président Wilson, Paris 16e

Le musée d’art moderne de Paris présente une magnifique rétrospective du travail de Nicolas de Staël (1914-1955), figure majeure de la scène artistique d’après-guerre. Une cinquantaine d’oeuvres – sur les quelque 200 présentées – sont exposées pour la première fois dans un musée français.

Nicolas de Staël dans son atelier rue Gauguet, été 1954. Photo © Ministère de la Culture – Médiathèque du patrimoine et de la photographie, Dist. RMN-Grand Palais / Denise Colomb © RMN-Grand Palais

Le parcours chronologique s’étend de ses premières esquisses figuratives à ses toiles texturées des années 1940, et se termine sur l’un de ses derniers tableaux (Le Concert), inachevé, interrompu par son suicide à Antibes (1955).

Son besoin incessant de se renouveler le conduit à produire de manière effrénée. « C’est si triste sans tableaux la vie que je fonce tant que je peux », écrivait-il. Alors que les années d’après guerre sont marquées par les pro- et anti-figuratifs, Nicolas de Staël brouille les frontières entre figuration et abstraction.

Les sections suivent ses voyages de jeunesse (sud de la France, Espagne, Maroc), ses premières années parisiennes (1942-1952) marquées par la condensation des formes et des teintes sombres, son installation dans le Vaucluse (1953), son grand voyage en voiture jusqu’en Sicile (1953-1954), et ses derniers mois à Antibes (1954-1955), dans un atelier face à la Méditerranée.

La mer, cet élément naturel qu’il n’aura de cesse de peindre et auquel il s’identifie : « Je sais que ma vie sera un continuel voyage sur une mer incertaine, c’est une raison pour que je construise mon bateau solidement ». À la fin de sa vie, tourmenté par la passion, ses bateaux sembleront disloqués (Marine, la nuit, 1954).

Né à Saint-Pétersbourg, Nicolas de Staël a trois ans lorsqu’éclate la révolution russe. Avec sa famille, il quitte sa terre natale. Toute sa vie, il cherchera de nouveaux horizons, de nouvelles sensations, de nouvelles manières de peindre. Car il ressent un « inévitable besoin de tout casser quand la machine semble tourner trop rond ».

Après la mort de sa compagne et peintre Jeannine Guillou (1909-1946), avec qui il aura Jeanne – dont on entend la voix dans un extrait du superbe documentaire présenté au milieu de l’exposition Nicolas de Staël, la peinture à vif de François Lévy-Kuentz (diffusé en intégralité sur Arte) -, le peintre épouse Françoise Chapouton. Elle lui offre un cadre familial stable, pour un temps.

Si sa palette s’éclaircit, ses formes sont de plus en plus massives. Avec force coups de brosse et de couteau, il peint la présence, le poids des choses, en superposant les couches d’huile, dans des formats de plus en plus grands. En 1950, le Musée national d’art moderne acquiert une première toile du peintre et son travail commence à se vendre aux États-Unis.

Nicolas de Staël, Parc des Princes, 1952. Huile sur toile. Collection particulière © ADAGP, Paris, 2023 / Photo Christie’s

Un an plus tard, la condensation fait place à la fragmentation. N. de Staël remet en cause son vocabulaire de l’année précédente. Les petits pavés s’entassent pour former une architecture horizontale (Les Toits, 1951) ou verticale (Fleurs grises, 1952). Le point culminant de cette période se dévoile dans sa représentation du match de football nocturne France-Suède au Parc des Princes (1952).

En 1953, Nicolas de Staël subit deux chocs : il se confronte à la lumière du Sud – sa palette devient éclatante – et il rencontre Jeanne Polge, avec qui il entretient une liaison passionnelle. Il part avec elle, une amie, et sa famille en Sicile. Le peintre travaille peu sur place ; il réalise quelques croquis au feutre des ruines antiques d’Agrigente et de Syracuse. À son retour, il renvoie sa famille à Paris et reste seul en Provence pour prendre de la distance et peindre les paysages siciliens dans une palette contrastée et des formes élémentaires qui s’imbriquent.

Nicolas de Staël, Marseille, 1954. Huile sur toile © ADAGP, Paris, 2023
Courtesy Catherine & Nicolas Kairis / Courtesy Applicat-Prazan, Paris

En 1954, il s’installe dans une maison sur les remparts d’Antibes face à la mer. Il enchaîne marines de la Méditerranée et natures mortes à base d’objets de son atelier tel Le Bocal (1955), contrastes de rose pâle et de noir et blanc. Dans Le Saladier (1954, le geste du peintre correspond à la forme de la salade, et traduit sa fascination pour le vernaculaire.

Avant-dernier tableau : des Mouettes prennent leur envol dans le ciel (1955), comme l’annonce de l’au-revoir du peintre. Jeanne cherche à prendre du recul par rapport à Nicolas, qui se désespère de cet amour impossible. Il se tue en se jetant du toit-terrasse de son atelier. Dans la lettre qu’il laisse à son marchand d’art, Jacques Dubourg, il écrit : « Je n’ai pas la force de parachever mes tableaux ».

Une exposition intense, magnifique, incontournable.

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