Ilimb, l’essence des pleurs
Jusqu’au 10 novembre 2024
Musée du quai Branly – Jacques Chirac, quai Branly, Paris 7e
Le musée du quai Branly offre une carte blanche à l’artiste franco-gabonaise Myriam Mihindou. Son oeuvre, habituellement abstraite, se focalise ici sur le rite des pleureuses, auquel elle a été initié lors du décès de son père.
Pour rendre compte de ce rite complexe, qui accorde une grande responsabilité aux femmes, chargées d’accompagner l’âme du défunt vers les ancêtres, l’artiste a installé plusieurs pivots dans le parcours et travaillé avec des collaborateurs en Allemagne, au Gabon, au sein du musée du quai Branly, etc.
Il en résulte une oeuvre polyforme avec en point d’orgue une installation acoustique en cuivre, conçue avec Didier Blanchard. Le visiteur est invité à la toucher pour moduler le son de l’eau qui pleure, telle une rivière s’accrochant aux rugosités des rochers.
Non loin, une main en bois sculpté avec un motif décoratif, accompagnée de deux bâtons qui permettent de toucher le mort et de « scander le rythmne », incarnent le geste de la pleureuse, lorsqu’elle tourne en transe autour du défunt.
Le point inaugural de cette réflexion sur ce rite punu est un ensemble de harpes en céramique, recouvertes d’oxydes et de terres du Gabon. Myriam Mihindou relate que lorsqu’elle est venue au musée du quai Branly, elle a été choquée par l’enfermement des objets de musique dans la tour en verre. Dans la culture gabonaise, un objet n’existe pas en tant que tel, explique-t-elle. « C’est un vecteur, un passeur, un être animé, qui ne peut pas être enfermé. C’est une entité vivante ! »
Un cheval psychopompe [conducteur des âmes des morts] incarne l’animal – inexistant pourtant au Gabon -, qui apparaît dans les songes de l’artiste avant chaque décès. Il est recouvert de pièces de monnaie car la tradition dicte de déposer une pièce de monnaie dans un tissu pour annoncer la mort.
Des sculptures en sel, fabriquées au Maroc, qui symbolisent la mémoire des larmes, et des dessins au graphite recouvert de fils de coton, complètent l’exposition ilimb. Terme qui désigne la trace des larmes laissées par la résine des torches, allumées lors du rite des pleureuses.
Le parcours met en valeur le rôle des femmes et leur rôle essentiel dans la transmission de rites ancestraux au Gabon. L’oeuvre donne à voir, entendre, toucher ; mobilise tous nos sens pour appréhender les mythes et récits qui animent – encore aujourd’hui – la culture Punu.
À noter : l’artiste bénéficiera d’une exposition personnelle au Palais de Tokyo du 17 octobre 2024 au 5 janvier 2025.