Jusqu’au 7 septembre 2014
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-AUJOURD-HUI-LE-MONDE-EST-MORT-MMORT.htm]
Palais de Tokyo, 13 avenue du Président Wilson, Paris XVI
Après une succession de déceptions, j’ai arrêté de suivre la programmation du Palais de Tokyo. Cependant, en ce jour de printemps, je reçois un communiqué de presse dans lequel j’aperçois le nom d’Hiroshi Sugimoto (artiste japonais né en 1948). Alors je me dis qu’un jour de calme, je prendrai le temps d’aller voir ce qui représente sa première rétrospective d’envergure en Europe : Lost Human Genetic Archive.
L’exposition d’Hiroshi Sugimoto, qui vit aujourd’hui entre New York et Tokyo, fait partie de la thématique de « L’Etat du ciel ». Elle met en scène des artistes qui correspondent à la formulation d’André Breton : « L’artiste, cette sentinelle sur la route à perte de vue des qui-vive. »
Hiroshi Sugimoto rentre parfaitement dans ce cadre. Au Palais de Tokyo, il envisage son exposition comme un assemblage de 33 contes écrits juste avant l’extinction de l’humanité par des hommes imaginaires, ayant décidé ou non de sauvegarder leur ADN.
« Voilà à peine trois cents et quelques années que nous avons commencé à connaître un peu mieux le monde dans lequel nous vivons. Soit quatorze ou quinze générations. Avant cela s’étend un âge où régnaient les ténèbres de l’ignorance, et que nous appelons ‘obscurantiste’. Pourtant, je ne sais pourquoi, je suis fasciné par cet âge de ténèbres », explique l’artiste. « Car avant que l’esprit humain ne se mette à appréhender la matière par le biais des lois de la physique, le monde était empli d’un mystère sacré. Si l’on y réfléchit, les grands mythes de l’humanité sont tous de merveilleux poèmes, une forme d’art en somme. »
La visite démarre avec un tableau représentant l’eau, point de départ de la vie et se termine avec le même tableau, la vie ayant déserté la Terre à cause de l’impossibilité de l’homme d’inverser le cours de sa propre destruction.
S’ensuivent des scénarios commençant tous par « Aujourd’hui le monde est mort. Ou peut-être hier, je ne sais pas ». Du paléontologue à l’apiculteur, du directeur de l’OMS au militaire, du collectionneur de météorites à celui de poupées Barbie », les textes, écrits à la main sur des morceaux de papier, les murs ou des ardoises, commentent avec ironie l’état de notre monde. Et justifient pourquoi, tout compte fait, il vaudrait mieux que l’espèce humaine s’éteigne.
« Aujourd’hui je suis obligé de concevoir un art qui ne soit pas en contradiction avec l’état des connaissances actuelles. Or, la réalité qui nous entoure m’apparaît bien limitée par rapport au monde des Anciens, où les dieux existaient et se manifestaient sous forme d’une multitude d’avatars. Ainsi, mon imagination d’artiste est entravée par la connaissance contemporaine. Dans ce présent restreint, l’unique domaine où mes rêves peuvent encore se déployer est le futur, dont la forme n’est pas encore fixée. Imaginer les pires lendemains possibles me procure de grandes joies sur le plan artistique. »
L’exposition, conçue comme une ruine, à l’image du sous-sol du Palais de Tokyo, captive car elle s’ouvre à un large champ d’activité : sciences, religion, économie, politique. De plus, les textes dénotent d’une qualité littéraire réjouissante, les mots s’enchaînant avec fluidité, concision et humour. Quant aux décors, ils sont plus ou moins intéressants (en fonction des affinités du visiteur). J’ai particulièrement aimé le fait de se laisser tromper par l’artiste, qui nous laisse penser que l’on déambule selon un parcours aléatoire alors qu’il nous mène exactement là où il veut : nous ramener à notre point de départ – le néant. Car selon lui, si l’eau sera toujours présente, l’humanité, elle, ne pourra pas refaire surface.