Jusqu’au 31 octobre 2008
Musée de La Poste, salles 12/13/14/15, 34, bd de Vaugirard 75015, 01 42 79 24 24, 5€
Le Musée de La Poste propose une remarquable exposition temporaire sur son rôle de commanditaire d’oeuvres d’art autant que de muse pour les artistes. Duchamp, Skall, Arman, Alechinsky, Soulages, Miro, Zao Wou-ki, etc., ont tous été inspirés par l’iconographie postale. L’occasion de sortir nombre de chefs-d’oeuvre de leurs cartons…
L’exposition se divise en trois parties évidentes: les oeuvres que La Poste a commandé pour illustrer ses timbres, puis à l’inverse l’inspiration qu’ont trouvé les artistes à partir du medium postal. Et enfin une oeuvre numérique et interactive de Miguel Chevalier, sur une musique de J. B. Barboni, spécialement commandée pour l’exposition. La scénographie est donc simple (quoiqu’il faille traverser toutes les salles consacrées aux collections permanentes, c’est à dire monter au 5e étage, pour finalement redescendre) mais la segmentation de l’exposition a le mérite d’être limpide et de savoir mettre en valeur les oeuvres exposées.
La première partie commence avec une courte biographie des artistes représentés, malicieusement écrite sur différentes enveloppes. Puis vient la présentation des timbres réalisés par les-dits artistes sur une enveloppe oblitérée, portant le nom de l’oeuvre, sa date et le matériau utilisé pour l’épreuve originale, apposée à côté. L’enveloppe timbrée sert de cartel à l’oeuvre, ce qui permet de comparer l’oeuvre originale avec le rendu sur le timbre. Ce qui fait une grosse différence! Car la version imprimée ne restitue pas l’enchaînement de réactions psychiques qui se déclenche face à l’original.
Contexte. C’est en 1961 que La Poste, sous l’initiative d’André Malraux, alors Ministre des Affaires Culturelles, lance une série artistique avec quatre timbres représentant des tableaux de Braque, Matisse, Cézanne et La Fresnaye (aucune de ses oeuvres ne sont présentées). En 1974, pour la première fois, un artiste contemporain – Joan Miro – est sollicité. Depuis, d’Arman à Vasarely, de Pignon à Zao Wou-ki et dernièrement Claude Viallat (2006), tout une ribambelle d’artistes s’est illustrée en la matière.
Technique. L’invention de la machine taille-douce permet d’imprimer six couleurs à la fois. Elle est réservée aux oeuvres graphiques dessinées. Tandis que l’héliogravure est utilisée pour les couleurs vives et les aplats. Avec cette série artistique, le timbre passe du format 36 x 48 mm, soit le double du format usuel. Petit couac: en 1986, Pierre Soulages souhaite que la représentation de son oeuvre ne soit pas interrompue par les marges entre les timbres. Après de nombreux problèmes d’impression, l’option de l’héliogravure est retenue. Mais Soulages refuse le résultat et le timbre sera finalement imprimé en taille-douce. Ses commentaires rigoureux sont annotés sur les épreuves test et prouvent à quel point l’artiste s’est impliqué dans tout le processus de reproduction de son oeuvre…!
Si le timbre-poste s’affiche comme un support artistique, les autres référents postaux (boîte à lettre, sac postal, carte postale, colis, enveloppe, lettre) ont également inspirés les artistes.
Précision. Il ne faut pas confondre le mail art et l’art postal. Le premier répond à des conditions très précises: il faut que l’oeuvre soit acheminée par La Poste, dûment affranchie, oblitérée, adressée à un destinataire et comporte l’adresse de l’expéditeur. Alors que l’art postal découle de l’utilisation détournée d’objets ou matériaux liés à La Poste. Citons par évidence Marcel Duchamp avec son oeuvre intitulée Boîte alerte, missives lascives (1959-60). Le roi du détournement d’objets quotidiens pour les faire entrer dans le domaine de l’art a ici utilisé une boîte aux lettres comme contenant du catalogue de la 8e Exposition Internationale du Surréalisme.
Un autre exemple serait les boîtes aux lettres de l’artiste mexicain Saul Kaminer qui les érige en totem en terre. Skall les recouvre de paillettes (Boîtes de lumières, 1995). Ben écrit dessus à la gouache (Informations secrètes sur l’art).
La carte postale représente le medium artistique favori des Futuristes, des Surréalistes (cf. exposition du Jeu de Paume), de Joseph Beuys (Projet de carte postale, 1975, représentant une pomme détournée en mappemonde) ou Yves Klein.
Concernant le timbre, Véronique Boyens l’utilise comme symbole du voyage, avec des photographies représentant plusieurs visages de la même femme plus ou moins recouverts de timbres provenant de pays tous plus exotiques les uns que les autres. Yves Yacoël réalise quant à lui un pliage à partir d’une planche de 100 timbres à 5 centimes pour former un gant (Gant postal, 1984). Arman accumule des timbres dans de la résine insérée dans une boîte de plexiglas.
Pierre Alechinsky s’intéresse aux lettres et dessine dessus. César compresse des chèques postaux. Paul Amar réalise un tableau des fonds-marins avec des coquillages peints (2008), représentant la faune et la flore sous-marines, étiquetées des slogans de La Poste (« La Poste facilite la vie », « Bougez avec La Poste », « Bienvenue à La Poste », » La mission de La Poste c’est d’apporter le courrier jusqu’au bout du dernier chemin creux », etc.) que l’on peut interpréter plus ou moins ironiquement en fonction de son expérience personnelle!
Assez parlé, je vous laisse la surprise de découvrir l’oeuvre interactive et musicale qui s’expérimente en marchant dessus…
Une exposition qui rassemble plus de 150 oeuvres majeures qui donne à voir les liens entre l’art et La Poste. « La Poste inspire des Artistes », une association pas évidente au premier abord mais qui se révèle fructueuse!