Inventer la haute couture
Jusqu’au 7 septembre 2025
Petit Palais, avenue Winston Churchill, Paris 8e
Le Petit Palais s’associe au Palais Galliera pour présenter la toute première exposition parisienne consacrée au créateur de mode anglais Charles Frederick Worth (1825-1895).

Instaurateur de l’industrie de la mode et plus particulièrement des rouages de la haute couture, C. F. Worth a attiré une clientèle huppée, des cours européennes à la reine d’Hawaï, dans son immeuble du 7 rue de la paix. Figure incontournable de la mode du Second Empire au début des années 1930, Worth incarne l’âge d’or du luxe parisien.
L’exposition débute avec des reproductions de photographies d’archive de l’immeuble de la rue de la paix qui employait plus de 1 000 ouvrières.
Elle se poursuit de manière chronologique pour évoquer le développement de l’empire Worth, qui s’étale sur quatre générations de descendants, à partir de sa fondation en 1858.

© RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Photo Sophie Crepy
C. F. Worth griffe très rapidement ses créations de sa signature manuscrite stylisée, tel un artiste, et « se revendique d’ailleurs comme tel », commente Annick Lemoine (directrice du Petit Palais), une des commissaires de l’exposition.
C’est lui qui invente la saisonnalité des collections et la pratique des défilés, pour mieux vendre ses créations à travers le monde entier.

Associé pendant 12 ans au Suédois Otto Bobergh, dont la collaboration s’incarne dans l’emblématique Costume de ville (1868-1869) vert sur crinoline, Worth poursuit son ascension, aidé de sa femme Marie Vernet et de leurs fils, Gaston et Jean-Philippe.
Worth habille les femmes à différents moments de la journée et fait constamment évoluer sa mode. À l’émergence de la IIIe République, la crinoline et les drapés disparaissent pour laisser place à une figure plus fluide, tout en gardant de riches garnitures. Soies, velours, damas, brocarts, dentelles, perles, fleurs artificielles concurrent à recréer un monde théâtral, passion de la famille Worth.

Velours de soie noir, incrustations de satin de soie duchesse blanc ivoire en forme de branche de lys bordées d’un cordonnet de fils d’argent doré. Broderies de perles, paillettes, strass et fils métalliques d’argent doré. CCØ Paris Musées / Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris
Parmi ses clientes d’exception figure Madeleine Cartwright, mécène originaire de La Nouvelle-Orléans, installée à Paris dans les années 1880, immortalisée par Louise Catherine Breslau dans une création de Worth. Ou la comtesse de Greffulhe, modèle de Proust pour la duchesse de Guermantes, parée d’une somptueuse robe de velours noir, décorée de lys en soie blanche. La duchesse de Castiglione Colonna Adèle d’Affry, dite Marcello, va jusqu’à se faire inhumer dans une robe de son créateur fétiche.

Après la présentation des ateliers Worth, des cuisines pour le personnel à l’atelier de photographie pour capturer les modèles installé sous les toits, le parcours évoque la dureté de la Première Guerre mondiale – la maison se transforme en hôpital – tout en continuant à créer une mode adaptée à son temps avec un tailleur original de 1913.
Avec Jean-Charles à la tête de l’entreprise depuis la mort de son père, et Gaston gestionnaire, la maison Worth continue de prospérer avec son « bleu Worth », des robes à longue traîne, et des manteaux du soir ornés de bijoux en trompe-l’oeil.

Worth, Ensemble Dans la Nuit, 1924. Verre blanc pressé bleu, flacon en verre soufflé moulé et bouchon en verre moulé pressé © Collection Benjamin Gastaud, Paris, France
La maison collabore avec les talents artistiques du moment tels Jean Dunand, Raoul Dufy et René Lalique pour des flacons de parfum renversants !
L’intérêt de cette collaboration entre les deux institutions culturelles est de présenter des robes autant que des chefs d’oeuvre picturaux et sculpturaux. En bonus : des petits vidéos réalisées par le journaliste de mode Loïc Prigent montrent les coulisses du montage de l’exposition. L’ensemble est captivant.