Confrontation Picasso/Rodin

2 artistes, 2 musées

Jusqu’au 2 janvier 2022

Musée Rodin, 77 rue de Varenne, Paris 7e
Musée national Piacsso-Paris, 5 rue de Thorigny, Paris 3e

Deux musées parisiens s’associent pour offrir une confrontation entre deux génies oeuvrant en France au début du 20e siècle : Pablo Picasso (1881-1973) et Auguste Rodin (1840-1917). Deux artistes qui ont voulu s’émanciper des voies académiques pour faire émerger la modernité dans l’art. Je vous parlerai ici de l’exposition présentée au musée Rodin, sublime !

À gauche : Pablo Picasso, Le Baiser, Mougins, 26 octobre 1969. Huile sur toile. Musée national Picasso-Paris Photo (C) RMN- Grand Palais / Adrien Didierjean © Succession Picasso 2021
À droite : Auguste Rodin, Le Baiser, vers 1885. Plâtre patiné. Paris, musée Rodin © musée Rodin – photo Hervé Lewandowski

Le musée Rodin a choisi pour fil conducteur la crise de la représentation au début du 20e siècle. Le parcours met en regard les oeuvres de Rodin et de Picasso pour comprendre comment ils partent d’un même postulat – s’émanciper de la représentation naturaliste enseignée par l’Académie des Beaux-Arts – pour trouver chacun leurs réponses. Rodin choisit la voie expressionniste, tandis que quelques années plus tard, Picasso s’engage dans la voie cubiste.


Auguste Rodin, Balzac, étude finale, 1897. Bronze. Paris, musée Rodin
© agence photographique du musée Rodin – Jérome Manoukian

Si les deux artistes ne se sont jamais rencontrés, on sait que Picasso s’est intéressé à Rodin. Il a découpé dans un magazine une reproduction du Penseur qu’il a accrochée dans son atelier de Barcelone. Lorsqu’il s’installe à Paris, il visite l’exposition de Rodin au Pavillon de l’Alma, présentée en marge de l’Exposition Universelle de 1900, et y réalise un croquis du Monument à Balzac, alors très décrié. Mais dont lui pressent la modernité et lui servira pour illustrer le Père Goriot (1952).

L’exposition débute par une analogie entre les portraits des deux artistes : chacun cherche à se libérer de la notion d’imitation, sans renier la forme figurative, pour exprimer par la matière la vie du modèle. La surface des sculptures, aux proportions non géométriques, traduisent cette vie intérieure (Picasso, Tête de Fernande, 1909 // Rodin, Tête de la Luxure, 1907).

La nature est source d’inspiration pour les deux. « C’est un atelier à ciel ouvert », commente Véronique Mattiussi, commissaire de l’exposition au musée Rodin. Les artistes prélèvent des fragments d’éléments : feuilles, galets, coquillages, dont ils prennent les empreintes pour les mouler et pérenniser une beauté autrement éphémère.

Rodin et Picasso cherchent la simplification des formes pour arriver à l’essence de la matière. Formés à la culture gréco-romaine, Rodin travaille les antiquités qu’il associe à ses propres sculptures, et se renouvelle avec l’influence des arts asiatiques. Tandis que Picasso s’inspire des arts ibérique et africain.

Vient ensuite une confrontation entre deux oeuvres titanesques : Guernica, illustrée par la tapisserie réalisée par Jacqueline de la Baume-Dürrbach (1976), et La Porte de l’Enfer (vers 1885). Toutes deux expriment la violence, la noirceur de l’âme humaine. Un caisson est consacré à la figure de la pleureuse que l’on retrouve autant dans l’univers dantesque que dans celui de la guerre civile. Ces deux oeuvres hors norme de part leur taille sont présentées chacune à l’occasion d’une exposition internationale (1900 pour Rodin, 1907 pour Picasso).


Auguste Rodin, Étude pour Iris © musée Rodin – photo Hervé Lewandowski

Si les portraits donnent à voir les émois intérieurs, le corps permet d’exprimer le mouvement. Rodin comme Picasso travaillent sur la représentation du corps en tension (danseuses, baigneuses) à travers des sculptures dont l’équilibre semble ne tenir qu’à une tige !


Auguste Rodin, Le Baiser, vers 1885. Plâtre patiné. Paris, musée Rodin © musée Rodin – photo Hervé Lewandowski

La dernière salle est consacrée à Éros et aux convulsions du corps. La figure féminine défie la masculine dans des baisers et étreintes qui sont de plus en plus farouches chez Picasso (recherche de domination), tandis que chez Rodin prévaut la sensualité. La confrontation des corps se traduit par une dualité profane/sacré dans La Tentation de saint Antoine (Rodin, 1900) et la Crucifixion (Picasso, 1930) // Christ et la Madeleine (Rodin, 1894-1905).

L’exposition offre ainsi une lecture originale de l’oeuvre de deux artistes confrontés à de grands bouleversements sociétaux, auxquels ils répondent par la recherche de nouveaux mode de représentation. Une exposition stimulante et enrichissante, à voir !

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