« Les Prisunic sont les nouveaux musées d’art moderne »

Martial Raysse, America America, 1964 © Adagp, Paris 2014 Martial Raysse. Rétrospective, 1960-2014

Jusqu’au 22 septembre 2014

[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Musee—Exposition-BILLET-MUSEE—EXPOSITIONS-PIDOU.htm]

Centre Pompidou, Niveau 6, Galerie 1, Paris IV

En 2011, Martial Raysse (né en 1936 à Golfe-Juan-Vallauris, près de Nice) est devenu l’artiste français vivant le plus cher au monde ; Sotheby’s a vendu Quinze août (1964) pour 1,74 millions d’euros. Le Centre Pompidou consacre une grande rétrospective à ce petit bout d’homme, tout de noir et gris vêtu, qui est loin d’être une star à la Jeff Koons.

Si ses oeuvres sont colorées, kitsch, pop – l’artiste débute sa carrière en tant que jeune membre du groupe des Nouveaux Réalistes -, l’homme affiche une apparence austère, économise ses mots, qui sortent retenus et sarcastiques.

Après le succès fulgurant de ses premières années Pop, quand il est l’un des premiers à réaliser des oeuvres avec seulement des néons, Martial Raysse doute. Au lieu de faire et de vendre « du Raysse », l’artiste préfère repartir de zéro à la fin des années 1970.  L’exposition se scinde ainsi en deux parties distinctes.

La première section présente les oeuvres phares de ses débuts, des oeuvres colorées, assemblant des objets en plastique futiles du quotidien, des portraits de femmes rehaussés de fleurs ou de mouches (symbole de vanité selon l’artiste) et sa série culte Made in Japan, réalisée à partir de cartes postales des oeuvres classiques vendues au Japon.

Martial Raysse, Raysse Beach, 1962 - 2007 © Adagp, Paris 2014Des installations comme Raysse Beach (1962), avec du sable, un juke-box, des bouées gonflables et des portraits de femme comme on pourrait en voir dans les vitrines de Prisunic, qui sont selon Raysse « les nouveaux musées d’art moderne », viennent ponctuer le parcours.

Oeuvre cinématographique clé, Le Grand départ (1972), représente une communauté hippie, suivant un gourou les guidant vers un monde supposé meilleur. Les images aux couleurs tye-and-dye sont floutées et renvoient aux grands classiques picturaux (La Liberté guidant le peuple de Delacroix, Le Radeau de la Méduse de Géricault, etc.).

Après, l’artiste ne parviendra plus à faire de grand film. Il se détourne du monde artistique, s’installe à la campagne (en Dordogne, si l’on en croit Wikipedia), où les gens l’imaginent riche, confie-t-il alors que ses oeuvres qui se vendent chères sur le marché de l’art ne lui appartiennent plus. Des collectionneurs comme François Pinault (Carnaval à Périgueux, 1992) et Marin Karmitz s’en sont déjà emparés.

D’où deuxième partie de l’exposition. Après avoir réalisé des assemblages précaires évoquant les rituels magiques (série Coco Mato, 1972), l’artiste reprend la peinture de grand, voire très grand format (Ici Plage, comme ici bas, 2012). La Source (1990) rappelle son goût pour la représentation all over des détails d’un paysage, comme dans ses tableaux de la période pop.

Ses oeuvres reflètent le « regard carnavalesque qu’il porte sur le monde », commente la commissaire de l’exposition Catherine Grenier. « Si ses premières oeuvres traduisent l’enfance de la société des années 1960, ses oeuvres après 1970 tentent de trouver les sources de notre société à travers l’univers intérieur de l’artiste. Regarder le monde d’une façon qui l’enchante, au sens où il le transforme », poursuit-elle.

L’artiste multiplie les techniques, les références, les détails dans les tableaux. On sent chez cet homme une volonté de toujours se remettre en cause, de ne jamais s’arrêter. Martial Raysse dit d’ailleurs que cette rétrospective n’est qu’une étape dans sa carrière car d’autres oeuvres, encore jamais montrées, attendent dans son atelier.

Il est amusant de voir que cette éternelle insatisfaction, moteur de son travail, est la conséquence de notre société de consommation, laquelle précisément l’artiste cherche à fuir! Bien que j’aie préféré les oeuvres de la première partie, l’ensemble de l’exposition offre une véritable exploration de l’univers décalé et burlesque de Raysse.

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2 réponses à « Les Prisunic sont les nouveaux musées d’art moderne »

  1. TAXIL dit :

    Martial Raysse est un plasticien-décorateur. Son Oeuvre est typique d’une société consumériste qui ne voit l’Art qu’à travers le design commun destiné à faire mieux vendre tout et rien. Les années gadgets ont poussé ce délire, parfois très sympathique, jusqu’au concept de  »kitsh » qui traduit l’abscence totale de créativité d’une société surmenée. Se souvenir que le concept de prix -unique découle de celui des magasins « Tout-à-cent-francs des années » 46-50. Les héritiers de Marin Karmitz et de François Pinault peuvent se faire du souci. L’aphorisme cruel, « l’art est la récompense de l’art », s’appliquera aussi bien à eux qu’à l’égaré Martial Raysse. Puiqu’on peut entrer sans payer dans un magasin de PRISUNIC, l’entrée de l’exposition devrait être gratuite. Ars gratia artis.

  2. Ping :Kiki de Montparnasse – Artscape

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