Jean Hélion

La prose du monde

Jusqu’au 18 août 2024

Musée d’Art Moderne de Paris, 11 avenue du Président Wilson, Paris 16e

Nombre d’artistes évoluent de la figuration à l’abstraction. Jean Hélion (1904-1987) fait le contraire. Il introduit l’abstraction en Amérique dans les années 1930 avant de revenir en France et de retourner à une figuration toute personnelle. Le musée d’art moderne de Paris lui consacre une belle rétrospective.

Jean Hélion, L’homme à la joue rouge, 1943. Huile sur toile. Collection particulière © ADAGP, Paris, 2024

Ce retour à la figuration dans les années 1960 sera incompris du public, ce qui explique sûrement la méconnaissance de son oeuvre aujourd’hui.

Né en Normandie, Jean Hélion étudie d’abord l’architecture à Paris puis se tourne vers la peinture. Il se lie avec Piet Mondrian, dont l’influence se retrouve dans ses toiles des années 1930 (Composition orthogonale).

Parallèlement, ses formes géométriques s’appliquent à la figure humaine. Ses portraits d’Édouard, Charles, Émile, sont composés de cercles, ovales, et carrés qui s’agencent avec des aplats de couleur, dans un cadrage serré.

Oeuvre symbolique de son abandon de l’abstraction – au moment même où le courant s’impose sur la scène internationale -, Figure tombée (avril-septembre 1939) incarne à la fois son histoire et la Grande, avec l’éminence de la Deuxième Guerre mondiale.

Dès lors, les oeuvres d’Hélion se tournent vers la figure humaine et les scènes de rue ou d’intérieur du quotidien : homme montant un escalier, homme sortant de chez lui un parapluie à la main – motif récurrent dans ses toiles-, homme en bicyclette, scène d’intérieur dans son atelier ou chez lui, etc.

Souvent des détails insolites se glissent : un lacet défait, un parapluie alors que la femme à manches courtes au bord de sa fenêtre suggère une météo clémente, une nature morte avec une citrouille mais aussi une vieille chaussure.

Jean Hélion, Grande mannequinerie, 1951. Huile sur toile. Photo Paris Musées, Musée d’Art Moderne © ADAGP, Paris, 2024

Les oeuvres ne sont pas dénuées de dualité comme dans À rebours (1947) : homme/femme, intérieur/extérieur, endroit/envers. Ou dans Grande Mannequinerie (1951) qui oppose un homme gisant au sol, devant une vitrine de mannequins élégants. Cette scène de rue située à New York fait écho à Figure tombée et met en miroir le monde du rêve face à celui du réel.

Dans les années 1950, Hélion dépeint des Chrysanthèmes et les toits de Paris. Ses peintures prennent une charge de plus en plus érotique avec des citrouilles ouvertes aux formes suggestives ou dans Le Goûter (1952) avec les restes d’un repas sur une table, un pantalon et une nuisette laissés nonchalamment sur une chaise.

Hélion subit une perte progressive de la vue jusqu’à la cécité complète mais il continue de peindre, avec urgence, dans une gamme chromatique plus contrastée. « Sa peinture oscille entre dérision et gravité (Le Peintre piétiné par son modèle, 1983), rêve et éblouissement heureux », conclut Sophie Krebs, commissaire de l’exposition.

Le parcours de l’exposition met en valeur le style original du peintre, son avancée à contre-courant pour réinventer la figuration. Une rétrospective éclairante.

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