Black Indians de La Nouvelle-Orléans

Jusqu’au 15 janvier 2023

#ExpoBlackIndians
@quaibranly

Musée du quai Branly, Paris 7e

L’exposition présentée par le musée du quai Branly sur les Black Indians de La Nouvelle-Orléans met en avant leurs réalisations artistiques et musicales, peu connues de ce côté-ci de l’Atlantique. Un vibrant hommage, riche en couleurs.

Costume de « Big Chief » (chef de la tribu des Yellow Pocahontas jusqu’en 2017) confectionné et porté par Darryl Montana durant le carnaval de 2015 © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Pauline Guyon

L’histoire des Africains-Américains est tâchée de violence et de résilience. Déracinement de leur continent natal, péripéties du voyage en mer pour arriver, peut-être saufs mais réduits à l’esclavage, violence de la guerre de Sécession, suivie de la ségrégation et d’un racisme toujours fortement présent dans la société américaine.

Face aux saillies de cette histoire peu bienveillante à leur encontre, les Africains-Américains ont développé une forme de résistance et un échappatoire dans la création artistique, en particulier les Black Indians.

Photographie tirée de la série « Mardi Gras Indians ». Charles Fréger © musée du quai Branly – Jacques Chirac

Le fil rouge du parcours, qui s’étale de l’arrivée des premiers colons en Louisiane à la société contemporaine, se cristallise autour du carnaval de Mardi-Gras. Pas celui des « Blancs » et des Zoulous, seule tribu afro-américaine autorisée à y participer. Mais celui développé en marge du carnaval officiel, par les Black Indians. Avec comme point fort : la présentation de costumes de parade portés par les Big Chiefs, particulièrement awesome !

Sale of Estates, Pictures and Slaves in the Rotunda, New Orleans

Les Français fondent La Nouvelle-Orléans en 1718 sur la base du commerce d’esclaves, en provenance des colonies africaines via l’île de Saint-Domingue. Oppressés et asservis, les natifs Amérindiens se rapprochent des Africains fraîchement débarqués.

C’est le dimanche, jour non ouvré imposé par le Code noir de Colbert (1685), qu’ils se retrouvent pour « commercer, danser, jouer de la musique et échanger des stratégies de survie », commente Steve Bourget (responsable des collections Amériques du MQB), co-commissaire de l’exposition.

Par le traité de Paris (1763) qui met fin à la guerre de Sept ans entre la France, l’Espagne et la Grande-Bretagne, la France doit céder aux Anglais les territoires coloniaux de la Nouvelle France (Canada) et déplacer les Acadiens vers la Louisiane et les Antilles. Ce « grand dérangement » donnera naissance à la culture cajun.

Appauvri par ses coûteuses campagnes militaires en Europe, Napoléon vend la Louisiane ; élément essentiel dans la création des États-Unis car elle permet de relier le territoire de l’Atlantique au Pacifique avec l’ajout de quatorze États.

Après la guerre de Sécession, l’idéologie suprémaciste perdure, surtout dans les États du Sud avec l’établissement des lois ségrégationnistes Jim Crow, la formation du Ku Klux Klan et la pratique du Convict Leasing (location du travail de prisonniers condamnés). Cette section est illustrée par des oeuvres d’artistes contemporains comme Vincent Valdez qui représente sur une longue fresque des membres du KKK, téléphone portable à la main, pour dénoncer leur croyance toujours actuelle sur la supériorité supposée de la race blanche.

Survient l’épisode de l’ouragan Katrina (2005). « C’est ce qui fait réellement sortir de l’ombre les Black Indians », précise Steve Bourget. Leurs quartiers sont particulièrement touchés par la violence de l’ouragan ; ils sont inondés en raison du non-entretien des digues. Abandonnés par la puissance publique – troublante photographie de G. Bush dans son avion qui survole la zone sans atterrir à La Nouvelle-Orléans -, les Black Indians, bien que déplacés à travers la Louisiane, décident de maintenant leur carnaval off (2006). Ils récupèrent des bâches plastiques suspendues sur les toits des maisons pour créer leurs costumes de parade et illustrent ainsi leur incroyable résilience.

The Sprit in the Dark, 2022 © Jeffrey David Ehrenreich / Victor Harris, Spirit of Fi Yi Yi and Big Chief of the Mandingo Warriors, Jack Robertson (Master Designer of the Mandingo Warriors)

Habituellement composés de plumes, sequins, et perles multicolores, ces costumes sont faits pour être autant vus de face que de dos. Si ce sont les chefs qui les portent, l’exposition met également en avant celui des Baby Dolls, femmes aux costumes moins flamboyants mais aux couleurs tout aussi chatoyantes, qui paradent en Second Line lors des défilés de Mardis gras et de la fête de la Saint-Joseph (marqueur de la fin du carême).

Une exposition très bien conçue avec des oeuvres qui en mettent plein les yeux ; elle donne un aperçu vivant de cette culture méconnue. À découvrir !

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