La Voix de la forêt
Jusqu’au 7 juillet 2024
Petit Palais, avenue Winston Churchill, Paris 8e
Le Petit Palais consacre une rétrospective à Théodore Rousseau (1812-1867), rebelle, écologiste avant l’heure, et oublié de la postérité.
Théodore Rousseau révolutionne l’histoire de l’art du paysage par ses techniques expérimentales et par son choix de consacrer la majorité de son oeuvre à la forêt de Fontainebleau : « Cette forêt, la plus antique de France, est aussi la plus remarquable par ses sites et son caractère tout particulier de grandeur et de beauté ».
C’est grâce à lui qu’est créée la première réserve naturelle au monde, au sein de la forêt de Fontainebleau, « avant même l’existence des parcs naturels américains », précise Annick Lemoine, (directrice du Petit Palais), co-commissaire de l’exposition.
Devant les dégâts de l’abattage des arbres lié au grand boom de la révolution industrielle, T. Rousseau dénonce la gestion de la forêt et convainc Napoléon III de préserver cet écosystème fragile. « Je demande au moins que l’art ait sa place dans cette grande exploitation. Que les lieux qui sont pour les artistes des sujets d’étude, des modèles reconnus de composition et de tableau, soient mis hors d’atteinte de l’administration forestière qui les gère mal et de l’homme absurde qui les exploite » (T. Rousseau et Alfred Sensier, lettre adressée au compte de Morny, Paris, musée du Louvre).
Théodore Rousseau commence très tôt à se rebeller contre l’administration, en refusant la voie académique. Qu’il s’agisse de faire le traditionnel voyage en Italie, qu’il remplace par un tour des sites naturels français (Auvergne, Jura, Alpes, Landes, Normandie…), ou d’exposer au Salon.
Il se détache de l’enseignement de son maître Jean-Charles Joseph Rémond pour peindre la nature en tant que telle et exprimer les sentiments qu’il ressent face à elle, dans un élan inspiré du romantisme. Il refuse de la représenter comme un simple décor, prétexte à des scènes mythologiques. « Il va jusqu’à choisir des sujets à l’encontre de son temps comme des morceaux de bois mort, des troncs d’arbres, du lichen », commente Servane Dargnies-de Vitry, commissaire scientifique de l’exposition.
Rousseau choisit des cadrages serrés qui placent le spectateur au coeur de la nature. Il multiplie les techniques, usant le revers de son pinceau pour travailler la matière et créer des effets dilués, floutés, empâtés. Le peintre brouille les frontières entre dessin et peinture. Le Salon lui reproche l’aspect non-fini de ses toiles. Interdit de Salon pendant plusieurs années, il acquiert le surnom de « grand refusé ». Ce qui lui attire notoriété et succès commercial, en France et à l’étranger !
À partir de 1847, Rousseau s’installe à Barbizon et devient le chef de file de l’école de Barbizon, auprès de Jean-François Millet, qui deviendra son meilleur ami. Des photographes, tels Eugène Cuvelier et Gustave Gray, le suivent en forêt. Rousseau individualise chacun des arbres, chênes et hêtres, mais délaisse les pins, plantés pour être exploités en bois de construction et de chauffage. L’artiste trouve qu’ils dénaturent la forêt.
Le parcours se termine sur une frise chronologique de l’histoire de la forêt de Fontainebleau. En 2012, elle reçoit le tout premier label « Forêt d’exception ». Sa candidature pour figurer au patrimoine mondial de l’UNESCO, en tant qu’extension du château, lui-même inscrit depuis 1981, est demandée en 2020.
Une exposition dans l’air du temps, pour se mettre au vert intellectuellement !