Rencontre avec un chef-d’oeuvre La Vierge du chancelier Rolin
Jusqu’au 17 juin 2024
Musée du Louvre, aile Sully, 1er étage, Paris 1er
Gratuit pour les Européens de -26 ans
Le musée du Louvre met à l’honneur le seul tableau conservé en France de Jan van Eyck (1390/95-1441), La Vierge du chancelier Rolin, magnifiquement restauré.
Depuis son entrée au musée du Louvre en 1800, le tableau n’avait jamais été restauré. Le travail exécuté par le Centre de recherche et de restauration des musées de France a consisté à retirer les couches de vernis oxydés qui assombrissaient la peinture.
Le parcours de l’exposition, dans la salle de La Chapelle, s’organise en petites sections qui décryptent les différents plans du tableau. Avec en point d’orgue la resplendissante Vierge et l’Enfant, dite La Vierge de Lucques, prêtée pour la première fois par le Städel Museum de Francfort.
Commanditaire de l’oeuvre, Nicolas Rolin est le chancelier du duché de Bourgogne. Dans la Vierge de Rolin, il est représenté de manière audacieuse sur le même plan et de la même hauteur que la Vierge et l’Enfant.
Le spectateur est exclu de la scène, contrairement à La Vierge de Lucques, où il est positionné à genoux devant la Madone. Mais il est invité à se pencher en avant, à plonger dans le tableau, comme les deux petits personnages du deuxième plan – celui au turban rouge est probablement l’artiste -, qui regardent la ville du haut du jardin intérieur. Thématique qui fait allusion à celle de la Vierge dans un jardin clos, peuplé d’animaux et de plantes.
Au-delà de la balustrade, les détails du paysage foisonnent, comme dans aucune autre oeuvre, commente Sophie Caron, commissaire de l’exposition. « L’oeil peut se promener très précisément dans cette ville idéale des Pays-Bas bourguignons, guidé en un crescendo émotionnel et spirituel, à mesure qu’il se déplace de Rolin à gauche vers la Vierge et l’Enfant à droite ».
Cette oeuvre atteste de l’importance de l’art du portrait chez van Eyck. Ici Rolin revêt un somptueux costume, comme la représentation de Baudoin de Lannoy (Gemäldegalerie, Berlin), autre dignitaire de la cour bourguignonne. Les deux visages masculins sont particulièrement expressifs et marqués par le temps.
Dans la Vierge de Rolin, van Eyck imagine une architecture à mi chemin entre l’église romane et un palais méditerranéen. Si le décor ecclésiastique de L’Annonciation (National Gallery of Art, Washington) est plus traditionnel, son traitement rappelle la première avec sa manière de plonger le regard du spectateur dans la composition.
La restauration a permis de dévoiler au revers de la toile un trompe-l’oeil imitant un marbre vert, attestant que ce tableau avait usage à être vu des deux faces. « Il agit comme un tableau de dévotion qui pouvait être transporté dans les nombreux déplacements de Rolin à travers le vaste duché de Bourgogne. À terme, il devait servir d’épitaphe dans l’église de Notre-Dame du Châtel à Autun », précise la commissaire.
Cerise sur le gâteau, à la sortie de l’exposition, le visiteur peut s’immerger dans le paysage imaginé par van Eyck grâce à une tablette multimedia qui offre des images de haute définition. Comme pouvait le faire Rolin penché sur son tableau.