La mode est une fête
Jusqu’au 11 janvier 2026
#Expo_Poiret
Musée des Arts décoratifs, 107 rue de Rivoli, Paris 1er
Bien que surnommé le « roi de la mode » par les Américains, et considéré comme le libérateur du carcan féminin, Paul Poiret (1879-1944) reste une figure méconnue du grand public. Le Musée des Arts décoratifs lui consacre sa première monographie.

Le parcours revient sur la créativité foisonnante de ce couturier-artiste hors pair. Il gère sa maison de couture, une école et un atelier de décoration intérieure (maison Martine). Il est le premier couturier à créer son parfum (Les Parfums de Rosine). Mais il est aussi, à ses heures perdues, peintre, comédien, musicien, écrivain, et gastronome !

Jean Paul Gaultier — Ensemble Collection prêt-à-porter automne-hiver, 1994, Le Grand Voyage. Damas de soie changeant et fourrure synthétique © Les Arts Décoratifs
L’exposition se développe de manière chronologique et thématique, de ses années de formation auprès de Jacques Doucet et Charles Frederick Worth (actuellement exposé au Petit Palais) au lancement de sa maison en 1903 avenue d’Antin (décorée par Louis Süe), jusqu’à la postérité de son influence auprès d’artistes contemporains tel Alphonse Maitrepierre (2024).

La première création symbolique de Poiret est la robe du soir Joséphine (1907), qui relève la taille sous la poitrine, maintenue par un ruban légèrement baleiné. C’est une structure fluide, composée de tissus légers, et de couleurs vives qui s’inspirent du mouvement fauviste.

Poiret est le premier à s’entourer d’artistes pour composer ce que l’on appellerait aujourd’hui des « collabs ». Il déniche des talents comme Paul Iribe, Maurice de Vlaminck, Georges Lepape ou Raoul Dufy, avec qui il entretient une longue et fructueuse amitié (manteau La Perse, 1911). Il collectionne leurs oeuvres, qui sont exposées en contrepoint des modèles de Poiret.
Le créateur, qui préférait être considéré comme un artiste plutôt qu’un simple couturier, organise des fêtes somptueuses, telles les Fêtes de Bacchus ou La Mille et deuxième Nuit. L’élite fortunée y assiste. Une excellente manière de promouvoir ses collections. Tout comme il a l’idée l’idée coûteuse mais géniale de faire voyager des mannequins des États-Unis à la Russie pour se faire connaître à l’étranger.

Paul Poiret — Cape et robe-culotte, Flammes, 1911. Cape en crêpe de soie brodé main (coupé dans un châle de Manille); robe-culotte en velours de soie, mousseline de soie et passementerie © Les Arts Décoratifs
De ses voyages à travers le monde, il rapporte tissus et broderies qu’il intègre dans ses créations, donnant parfois à ses tenues le nom de lieux qu’il a visités (Marrakech, Tolède…).
En 1925, Poiret participe à l’Exposition Internationale des Arts décoratifs et industriels modernes sur ses propres deniers. Il fait aménager trois péniches au bord de la Seine, en retrait du Grand Palais, pour mettre en avant ses différents univers créatifs (mode, décoration intérieure, parfums).
Mais ce train de vie exubérant, la crise de 1929, et l’échec des péniches (le Tout-Paris mondain ne se déplace pas pour cet événement qu’il juge trop populaire) le contraignent à vendre (1924) puis à fermer sa maison de couture (1929).

Christian Dior par John Galliano — Ensemble du soir manteau et robe, Stourhead. Paris, collection haute couture printemps-été 1998. Façonné de soie broché doré, peint à la main et molletonné, lamé argenté vieilli et gaufré, mousseline de soie brodée de fils métalliques argentés et de strass © Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière
Son influence sur les générations à venir s’étendra de Christian Dior à Christian Lacroix, en passant par Schiaparelli, Yves Saint Laurent, John Galliano ou Comme des Garçons.
Poiret aura été le premier couturier à faire appel à des artistes pour l’ensemble de ses univers créatifs. Sa vie entière était une forme d’art total. À l’image de cette exposition plurielle qui lui rend parfaitement hommage.