Entre 1815 et 1830, Vienne et Prague inventent l’art de la simplificité

Anton KOTHGASSER (1769-1851), Gobelet aux poissons rouges, Vienne, 1820-30. Verre, 11 cm. République Tchèque, Prague, Museum of Decorative Arts (c) Prague, Umeleckoprumyslové museum / Photo: Gabriel UrbanekBiedermeier, de l’artisanat au design

Jusqu’au 14 janvier 2008

Musée du Louvre, aile Sully, 1er étage, salle de la Chapelle, 75001, 01 40 20 53 17, 9€ (6€ les mercredi et vendredi à partir de 18h)

Le musée du Louvre propose une petite exposition surprenante sur la naissance d’un art à la fois épuré et soigné dans le premier tiers du XIXe siècle – le « Biedermeier ». Ce style radical pour l’époque incarne les valeurs d’un nouvel art de vivre entre 1815 et 1848. Explications à travers l’analyse des décors d’intérieur, du mobilier, et des objets créés en ces temps à Vienne et à Prague.


Le terme Biedermeier renvoie à un personnage de fiction créé pour un hebdomadaire satirique munichois, qui a donné rétrospectivement son nom à la période comprise entre le Congrès de Vienne (1815) et les révolutions de 1848. Soit l’ère couvrant la régence de Metternich – nom du chancelier de l’empire d’Autriche.

Weiland Gottlieb Biedermaier – l’équivalent de Monsieur-Tout-Le-Monde – incarne un citoyen germanique modèle, à l’existence fade mais confortable, préoccupé avant tout de sa famille et de ses naïves poésies. Mais point de politique! Un contre-effet de la fin des guerres napoléoniennes, qui tend à recentrer les familles sur elles-mêmes – en raison également de la restriction des libertés publiques -. La population n’aspire qu’au calme et à la stabilité. Un esprit conservateur, se méfiant des idées grandioses et de l’héroïsme, se diffuse.

Cabinet avec étagères, Vienne, 1815-20. Cerisier. Danhauser'sche Möbelfabrik, collection privée (c) Musée du Louvre / Loïs LammerhuberMais, contrairement aux idées reçues, le Biedermeier ne s’apparente pas un style bourgeois et bon marché. Il est à l’inverse promu par l’empereur François Ier lui-même, la famille impériale, les familles régnantes germaniques et la haute aristocratie. Cette influence se répand en Allemagne du Nord, dans les pays scandinaves, et en Italie. Ce n’est qu’à partir des années 1830, que le Biedermeier se propage dans la bourgeoisie, au point d’en devenir l’incarnation.

Bureau, Vienne, 1820-30. Noyer. Vienne, collection Asenbaum (c) Musée du Louvre / Loïs LammerhuberLes valeurs esthétiques du Biedermeier, liées aux courants historiques et intellectuels de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, consacrent l’évolution de la sphère privée, l’émergence de la vie domestique telle que nous la connaissons aujourd’hui. La wohnzimmer (salle à manger) est une invention du Biedermeier, tout comme la recherche de l’utilité et du confort pour les objets et les meubles.

Méridienne, Vienne, 1825-30. Hofmobiliendepot, MD 53296 (c) Musée du Louvre / Loïs LammerhuberAu niveau du mobilier, cela se traduit par une approche artisanale pragmatique, telle que la pratiquent les Anglais (style Sheraton ou Regency), et à l’inverse des décorateurs parisiens.
Le meuble est doté de fortes formes géométriques, adoucies par des courbes dynamiques. L’acajou fait place au noyer, au frêne, ou aux bois fruitiers. Les surfaces lissent donnent à voir les veines du bois, éventuellement relevées de fioritures discrètes.
J. Ferdinand ROTHBART, Le salon de la Reine, ancien salon de la Duchesse Louise au Palais de Rosenau, Coburg, Allemagne, vers 1848. The Royal Library, Winsor Castle, RL 20471. Photo: The Royal Collection (c) 2007 Her Majesty Queen Elizabeth II Les garnitures des sièges reprennent les couleurs – vives et unies – des tentures murales et des rideaux drapés, soulignés d’un galon. Comme le montrent les aquarelles d’intérieurs exposées en contreface du mobilier.

La révolution industrielle de 1830 touche peu l’Europe centrale. Les ateliers produisent encore artisanalement l’intégralité des objets caractéristiques du Biedermeier. D’où le charme de ces créations, à l’apparence sobre qui donnerait à croire à une production en série, mais dont la création artisanale et originale atteste du savoir-faire des artisans de l’époque.

Chaise (détail), Vienne, vers 1825. Bois. Vienne, Hofmobiliendepot, MD 66231 (c) Musée du Louvre / Loïs LammerhuberLa centaine d’oeuvres ici exposées, comprenant meubles, pièces d’argenterie, cristaux, porcelaines, papiers peints, échantillons de textiles, vues d’intérieurs, études botaniques et quelques peintures, donnent un bon aperçu du Biedermeier. Un style véritablement singulier, qui a su se détacher de son héritage néoclassique en simplifiant ses formes et en supprimant les décors. D’où l’impression que ces objets relèvent de l’ère industrielle et jouent le rôle de prototypes d’objets « design » au sens où on l’entend aujourd’hui. Au lieu de provenir de la dextérité de mains artisanales. Une exposition absolument inattendue tant dans sa forme que dans son contenu!

Taggé .Mettre en favori le Permaliens.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *