L’empire du sommeil

Jusqu’au 1er mars 2026

Musée Marmottan Monet, 2 rue Louis Boilly, Paris 16e

Le musée Marmottan Monet s’intéresse aux différents visages du sommeil, qui occupe un tiers de notre existence, et a fasciné les artistes depuis l’Antiquité.

Francisco José de Goya y Lucientes (1746-1828), Le sommeil [El sueno], 1790. Huile sur toile © National Gallery of Ireland, Dublin

L’exposition se concentre sur la fin du XIXe et le début du XXe siècle, quand les avancées scientifiques inspirent aux artistes de nouvelles créations, avec quelques oeuvres anciennes et d’autres contemporaines, pour montrer la persistance de cette thématique à travers les siècles.

Menée sous le commissariat de Laura Bossi (neurologue, historienne des sciences) et Sylvie Carlier (directrice des collections du musée), l’exposition présente 130 oeuvres en huit sections qui décryptent la diversité de l’iconographie du sommeil.

Gabriel von Max (1840-1915), La Résurrection de la fille de Jaïre, 1878
Huile sur toile © Montréal, Musée des beaux-arts, Denis Farley

Synonyme de repos, le sommeil peut aussi être source de souffrance : cauchemars, réveils insomniaques (Le Noctambule, Edvard Munch, 1923-24), abandon de soi au profit de créatures hybrides (L’incube s’envolant, laissant deux jeunes femmes, Johann Heinrich Füssli, 1780), maladie fatale (La Résurrection de la fille de Jaïre, Gabriel von Max, 1878).

John Everett Millais (1829-1896), Mon deuxième sermon [My Second Sermon], 1864. Huile sur toile © Guildhall Art Gallery, City of London

Même quand il s’agit de repos, le sommeil peut avoir plusieurs visages : il peut être celui, innocent, d’un enfant qui s’endort pendant un sermon trop long (Mon deuxième sermon, John Everett Millais, 1864) ou lors d’une douce sieste (La Sieste, Michael Peter Ancher, 1890).

Mais il peut être aussi l’abandon total d’un enfant de la rue épuisé par son labeur (Un martyr. Le Marchand de violettes, Fernand Pelez, 1885) ou cacher une souffrance, comme celle d’une fausse couche (La Berceuse. Marie Roussel au lit, Édouard Vuilard, vers 1894). Ou encore, l’ivresse d’un vieillard, enivré par ses vignes (L’Ivresse de Noé, Giovanni Bellini, vers 1515).

Evelyn De Morgan (1855-1919), Nuit et Sommeil [Night and Sleep], 1878. Huile sur toile © Trustees of the De Morgan Foundation

Ce dernier tableau au drapé rose, qui témoigne de la vie – Noé est juste endormi – contraste avec la suite des tableaux qui se parent de blanc pour évoquer la mort (Camille sur son lit de mort, Monet, 1879) ou la maladie (Valentine Godé-Darel malade, Ferdinand Hodler, 1914). Le tableau d’Evelyn De Morgan, Nuit et Sommeil (1878), résume cette association grecque ancienne : la nuit (nyx) engendre le sommeil (hypnos) et la mort (thanatos).

Le sommeil se fait également érotique. Zeus (ou Jupiter chez les Romains) dévoile le corps d’Antiope endormie – une iconographie qui sera reprise de Rembrandt à Picasso, comme on peut le voir dans cette section.

George Frederic Watts (1817-1904), Endymion, 1903 – 1904.
Huile sur toile © Watts Gallery Trust, Compton, Surrey

Changement de paradigme au XIXe siècle avec la publication de L’Interprétation des rêves de Freud (1899, traduit en français en 1926). Le rêve n’est plus un songe de l’avenir mais un éclairage du passé. Les Symbolistes peuplent leurs oeuvres de personnages rêveurs.

Le sommeil devient le moment propice à la création. Comme y auront recours les Surréalistes avec l’hypnose et les drogues. L’opium est la plus ancienne d’entre elles. Gaetano Previati montre l’ambiance malsaine d’une fumerie de haschich (1887), où – surprise – ce sont des femmes qui s’y adonnent !

Joaquin Sorolla y Bastida (1863-1923), Mère (Madre), vers 1900. Huile sur toile © Museo Sorolla, Madrid

Le parcours se termine sur la chambre, lieu intime, et le lit, mobilier le plus fréquent dans lequel on s’abandonne. Un lit est synonyme d’endroit douillet, réconfortant (Jeune fille endormie dit aussi Intérieur avec figure féminine endormie, Federico Zandomeneghi, 1878), lieu de plaisir (draps froissés comme dans Le Lit défait, Eugène Delacroix, vers 1824) et de joie (Mère, Joaquin Sorolla y Bastida, vers 1900).

Des oeuvres variées qui illustrent une démonstration rigoureuse et esthétique. À voir !

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