L’art polynésien dans toute sa splendeur

Polynésie - Arts et divinités, 1760-1860 (c) Musée du quai Branly, Paris, 2008Polynésie – Arts et divinités, 1760-1860

Jusqu’au 14 septembre 2008

[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Musee-DROIT-D-ENTREE-AU-MUSEE-MBRAN.htm]

Musée du quai Branly, 27/37/51 quai Branly ou 206/208 rue de l’Université 75007, 8,50€

Malgré la polémique qui soutend toute exposition d’art primitif (les objets devraient-ils être restitués aux autochtones?), le musée du quai Branly présente une première exposition d’envergure sur l’art polynésien. Centrée sur la période 1760-1860 – date des premiers échanges avec les voyageurs européens -, cette exposition s’intéresse à la relation entre art et divinités, inhérente aux objets polynésiens, ainsi qu’aux collectionneurs qui ont permis d’importer ces objets en Europe. « Polynésie – Arts et divinités » permet de découvrir un univers incroyablement raffiné. Au-delà des images de sable fin et d’eau turquoise associées à cet archipel du Pacifique dans la conscience collective occidentale.


« IL N’Y A RIEN DE PLUS ETRANGE, SUR UNE TERRE ETRANGERE, QU’UN ETRANGER QUI VIENT LA DECOUVRIR » (Albert Camus)

L’exploration des îles de Polynésie (du grec poly et nesos: les « îles nombreuses ») a commencé il y a 3000 ans.

Des populations originaires de l’Asie du Sud-Est ont accosté au Vanuatu (Océanie éloignée, selon la division archéologique donnée par Roger Green en 1991) vers 1000 avant J.-C.. Ils ont ensuite poursuivi leur voyage jusqu’aux îles aujourd’hui appelées Fidji.

Il faut attendre le XVIe siècle pour que les voyageurs européens (Hollandais, Espagnols, Britanniques) explorent à leur tour les confins du Pacifique. Initialement, les Espagnols, qui échangent de l’argent contre des produits exotiques chinois, traversent régulièrement d’est en ouest le Pacifique. Sans rencontré ni Hawaï ni les archipels polynésiens au sud de l’Equateur.
A partir de 1760 cependant, les Européens entreprennent des voyages de manière intensive. Explorateurs, scientifiques, artistes, marchands, baleiniers, missionnaires, planteurs, colons, abordent les îles avec leurs illusions sur ces terres recouvertes de palmiers, ces hommes à demi-nu, vivant sauvagement, païen par dessus le marché…
Inversement, les autochtones prennent les voyageurs blancs pour des « être étranges ou des lutins » (Horeta Te Taniwha, Nouvelle-Zélande, alors enfant lorsqu’il voit débarquer en 1769 l’Endeavour du capitaine britannique J. Cook).

Le triangle polynésien – Hawaï, île de Pâques (Rapa Nui), Nouvelle-Zélande (Aoteara) – entretient à partir de la moitié du XVIIIe siècle une relation coloniale avec les Occidentaux.

Entre 1760 et 1860, cette confrontation entre Européens et Polynésiens altère radicalement les fondements de la culture des îles. Au contact du métal, des armes à feu, du christianisme, des épidémies, les autochtones doivent adapter leur mode de vie. Parallèlement se développe une forte identité culturelle, liée à la terre (fenua), aux forêts, à la mer.

THEMATIQUES DES OBETS POLYNESIENS

La mer est à la fois une voie navigable et relève du domaine cosmologique. Ce pourquoi avant de partir en mer, les piroguiers qui ont décoré leur proue et poupe d’élements marins (coquilles, ivoires de baleine, dents de requins, carapaces de tortue) effectuent un rituel pour s’assurer leur protection auprès de la divinité Tangaroa.

Partie haute d'un dieu-bâton. Bois. 111 cm. Iles Cook, Rarotonga (c) British Museum, LondresLe domaine de la terre est relié à la forêt (divinité Tane) et aux oiseaux qui la pleuplent. Le bois, la pierre, les plumes de passereaux fournissent des matériaux nécessaires à la création d’objets cultuels. Tels ces dieux-bâtons (longs bâtons enveloppés dans une étoffe d’écorce), travaillés à la fois par les hommes (sculpture du bois) et les femmes (travail des étoffes en fibre d’écorce) et qui symbolisent par excellence les Pectoral. Rotin, fibre de coco, plumes, poil de chien, dents de requin, étoffe d'écorce, fibres végétales. 61 cm. Iles de la Société (c) British Museum, Londresforces divines (ici, Rarotonga). Ou ces pectorals (taumi) porté par les guerriers sur leur poitrine et le dos.

Tambour. Bois, peau de requin, fibres végétales, corde en fibre de coco. 29,2 cm. Iles Hawaï (c) British Museum, Londres Le temple (marae) incarne le lieu d’échange entre les mortels et les divinités. Des offrandes sont disposées sur un autel. Pendant les rituels religieux, les divinités – notion abstraite – sont incarnées par des objets cultuels comme les tambours, des pierres, des reliques, ou par des personnes (chefs ou prêtres).
D’une manière générale, le temple sert aux activités réservées aux chefs (réunions, intronisations, repas cérémoniels). Cet espace sacré peut être distinct – ou non – de la place de la danse et plus ou moins tabou. Parfois, des pierres consacrées aux ancêtres y sont dressées.

L’ART DE LA COLLECTE

Effigie en plumes. Plumes, vannerie, fibres végétales, canines de chien, nacre, bois. 81 cm. Iles Hawaï (c) British Museum, LondresSi les missionnaires, présents à partir de 1774, collectent des « idoles » pour prouver leur succès d’évangélisation auprès de leurs financiers européens, les scientifiques optent pour le troc. Ils demandent de l’eau et des vivres, des échantillons de botanique en échange de tout ce qui se trouve à bord des bateaux: boutons, miroirs, plumes des autres îles, etc.. Les marins, eux, se contentent des « faveurs des femmes » en échange de clous. D’où le « rien en fer » lancé par Cook aux membres de son équipage à Tahiti pour stopper le démantèlement des navires…

Personnage debout. Bois, clous. 52,5 cm. Iles de la Société, Tahiti (c) British Museum, LondresDu côté britannique, c’est lors des trois voyages de James Cook (1728-1779) entre 1768-1771, 1772-1775, 1776-1780, que la plupart des objets sont collectés. Les scientifiques qui accompagnent le capitaine, comme Joseph Banks, Daniel Solander, Johann et George Forster, veulent réunir des collections dans une optique de classification. Une méthode alors prônée par la philosophie des Lumières, qui exige de tout homme le pouvant, de rapporter des documents sur le monde physique et ses habitants.

Des expéditions françaises – Bougainville (1766-1769), de Surville (1769-1770), du Fresne (1771-1773) – peu ou prou n’a été conservé. Celles ultérieures de La Pérouse (1785-1788) et d’Entrecasteaux (1791-1793) ont certes rapporté des archives mais peu d’objets.

Cape de plumes. Plumes, fibre végétale. 242 cm. Iles Hawaï (c) Hastings Museum, Nebraska, Etats-UnisCe pourquoi aujourd’hui la majeure partie des objets rassemblés par la London Missionary Society, est conservée au British Museum et exposée pour la première fois en France.

TEMOIGNAGE D’UN ARTISTE CONTEMPORAIN : GEORGE TAMIHANA NUKU

Né en Nouvelle-Zélande, George Tamihana Nuku possède des origines Maori allemandes et écossaises. Il est présent sur le lieu de l’exposition car selon lui « ces objets sont des os, des pierres, du bois, et nous, artistes, sommes la chair et le sang. Les objets polynésiens sont chargés spirituellement. Ce ne sont pas de simples objets qui prennent la poussière dans un musée; mais l’art de nos ancêtres qui nous inspire de nouvelles créations ». Son rôle est de donner vie aux oeuvres. « Faire de ces objets – comme vous les appelez – des sujets ».

Plat aux deux personnages. Bois, nacre, défenses de sanglier. 46,5 cm. Iles Hawaï (c) British Museum, LondresL’artiste nous invite à observer « profondément » ces objets, souvent du quotidien, qui ont néanmoins une valeur spirituelle voire politique. Afin de comprendre le psychisme de la culture polynésienne, de la partager et d’aider à éduquer les jeunes Polynésiens à cet art qu’ils n’ont pas connu faute de l’arrivée des Européens sur leur terre…

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4 réponses à L’art polynésien dans toute sa splendeur

  1. melanesien dit :

    Des populations originaires de l’Asie du Sud-Est ont accosté aux Vanuatu (Océanie éloignée, selon la division archéologique donnée par Roger Green en 1991) vers 1000 avant J.-C.. Ils ont ensuite poursuivi leur voyage jusqu’aux îles aujourd’hui appelées Fidji.
    Petite précision, ont dit le Vanuatu pour le pays, ou les Nouvelles Hébrides pour l’archipel géographique. + d’infos par la : http://www.voyage-vanuatu.fr. Sinon l’expo est super, je recommande :)

  2. Sophie dit :

    merci, je corrige tout de suite ce « x » surperflu!

  3. alice dit :

    bonne accroche de l’article et apres relecture rien a y redire. je l’avais lu vite fait comme je le trouvais bien ecrit mais c’est certes bien dit.

  4. Ping :Mata Hoata* Musée du quai Branly

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