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« C’est la vie! », réellement?

Vanités – De Caravage à Damien Hirst

Jusqu’au 28 juin 2010

[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-C-EST-LA-VIE—VANIT.htm]

Musée Maillol, 61, rue de Grenelle 75007, 11€

Memento mori – « Souviens-toi que tu mourras ». La première exposition du nouveau directeur artistique du musée Maillol, Patricia Nitti, traverse l’histoire de l’art autour de la thématique des vanités. Partant de l’actualité – la mode du motif de la tête de mort (vêtements, bijoux, pochettes de CD) -, la commissaire revient sur les origines d’un art développé dès l’Antiquité. Depuis, chaque génération d’artistes a pointé du doigt la vanité des civilisations. Interprétant la mort pour mieux réintégrer le cycle de la vie?

A travers 160 oeuvres, essentiellement des peitures, sculptures photographies, vidéo et bijoux – c’est la découverte de la collection du joaillier vénitien Codognato qui a suscité la naissance de « C’est la vie! » -, l’exposition couvre trois grosses sections artistico-historiques: l’Antiquité, les Modernes, les Contemporains.

La découverte d’une tête de mort aux yeux blanchis à la chaux à Jéricho (-7000 avant J.-C.) fait remonter le culte des crânes au Néolithique.

En Occident, les Grecs sont les premiers à représenter le squelette pour évoquer ce que Virgile poétisera en Fugit irreparable tempus (Le temps s’enfuit, perdu pour toujours, Géorgiques, liv. III, vers 284).

Les memento mori se développent au Moyen-Age, siècle religieux par excellence, pour rappeler la vanité des possessions terrestres au regard du (futur) bohneur céleste. Des crânes à la mâchoire déboitée apparaissent derrière le portrait du défunt.

Si la Renaissance met court aux danses macabres de squelettes, inventées par le Moyen-Age, le XVIIe siècle les ravive avec d’autant plus de violence.
Le Caravage (Rome) puis Francisco de Zurbaran (Séville) et Georges de La Tour (Lorraine) placent dans les ténèbres le visage de saint François d’Assise pour porter à la lumière le crâne qu’il tient dans ses mains.

Le XVII siècle est également l’ère des cabinets de curiosités. Accumuler les objets, non pas dans un but encyclopédiste comme au XVIIIe siècle, mais pour recenser les productions les plus folkloriques de la Nature ou de la Culture. L’exposition en recrée un, version XXIe siècle, avec le déroutant l’Ecce Homo de Paul Delvaux qui reproduit tout une ville animée de squelettes…

Avec la naissance de la vanité en Hollande, la mort s’empare de la peinture. Miradori Luigi dit Genovesino fait endormir un enfant sur une tête de mort (Cupidon endormi, Vanité I).

Le XVIIIe siècle est marqué par l’émergence des natures mortes, que réinterpréteront Cindy Sherman (Untitled, 1992), Dimitri Tsykalov (Skull I, II, III, IV, 2005) avec des fruits et légumes en forme de crâne ou encore Antonio Girbés (Bonsoircherie, 2000-2001) qui remplace la tisane du soir par un crâne sur sa coupelle.

Une vision qui choquera le puritain XIXe siècle. Pour s’en moquer, Théodore Géricault introduit dans son Radeau de la Méduse (1819) trois crânes en guise de nouvelle Trinité.

La photographie est illustrée, entre autres, par le célèbre autoportrait de Robert Mapplethorpe (1988), malade du sida, s’accrochant à sa cane à l’embout cranien. Et par la moins connue Marina Abramovic portant son propre squelette.
La découverte des rayons X (1895) met fin à l’exaspération de Michel Foucault: « ce crâne, ce derrière de mon crâne que je peux tâter là, avec mes doigts, mais voir, jamais ». Piotr Uklanski réalise un saisissant portrait façon rayon X de François Pinault (2003).

La salle principale de l’exposition (RDC) finit en apothéose avec les oeuvres de Marc Quinn, The Final Nervous Breakdown (1999), Annette Messager (Gants-tête, 1999), le crâne de Yan Pei-Ming, celui recouvert de coléoptères par Jan Fabre. Mais c’est le crâne imaginé par Damien Hirst, incorporé de diamants, qui devient l’icône du XXIe siècle, avec ses mots « la corruption absolue, c’est la mort ».

Si le motif du crâne n’a jamais autant envahi l’iconographie du commun des mortels, la société occidentale n’en refuse pas moins sa perception spirituelle, la mort restant un sujet tabou. Bien que chacun pressente la finalité de son existence, elle est toujours occultée dans la vie quotidienne. En atteste la quête impossible d’une jeunesse éternelle qui sature les médias autant que les biens de consommation.

Dans ces conditions, peut-on encore parler de « C’est la Vie! »?

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