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La mode sous le Second Empire

Sous l’Empire des crinolines (1852-1870)

Jusqu’au 26 avril 2009

Galliera, musée de la mode de la Ville de Paris, 10, avenue Pierre Ier de Serbie 75116, 7€

L’influence de la crinoline, à la mode sous le Second Empire, se poursuit jusqu’au New Look de Christian Dior. C’est ce qu’entend démontrer l’exposition présentée à Galliera, musée de la mode de la ville de Paris, dans une mise en scène festive qui évoque la renommée des bals de l’époque. Entre luxe tapageur et raffinement discret hérité de la Monarchie de Juillet, les silhouettes tout en courbes évoluent sous un air musical avant de se retrouver dans les allées des Grands Magasins naissants. Il est vrai qu’à l’époque, ces dames se changeaient jusqu’à cinq fois par jour…Il fallait donc disposer d’une garde-robe elle aussi bien étoffée!


La Scène de bal, qui inaugure l’exposition, recrée l’ambiance nocturne d’un salon d’hôtel particulier. Boisieries, lourdes tentures dissimulant des miroirs sont restituées dans une gamme chromatique mêlant le rouge au noir, pour accentuer la théâtralité de la scène.

De cette semi-pénombre émergent les robes de bal, dans les tons rose, mauve, gris argent, accompagnées de leurs accessoires, disposés comme dans des cabinets de curiosités: carnets de bal, éventails, porte-bouquets, parures de têtes. La robe à crinoline [à l’origine, un jupon d’étoffe raidie de crin, puis une cage armaturéee de cerceaux métalliques dont le diamètre peut atteindre 180 cm] se compose d’une jupe et d’un corsage. La sobriété de cette tenue est compensée par les ornements: les multiples volants de la jupe et les franges du corsage. La coiffure et les bijoux – colliers et pendants d’oreille inspirés de l’Antiquité – complètent les silhouettes apprêtées.
Le bal constitue l’étape obligée de la vie mondaine. Succédant à la morosité de la monarchie de Juillet, il incarne la quête frénétique de plaisirs sous le Second Empire, liée au capitalisme libéral en pleine expansion.

La section de la Vie moderne présente ensuite les vêtements de ville et de villégiature. Le développement des chemins de fer permet de transporter la haute société dans les nouvelles stations balnéaires ou villes thermales. Châles en cachemire, ombrelles, chapeaux, bottines sont autant utilisés pour leur côté pratique qu’esthétiques.  Les ombrelles, notamment, permettent des poses affectées.
Pour faciliter la marche est inventée « la jupe à tirettes » qui permet de la remonter, comme au temps de la comtesse du Barry (1743-1793). Elle est accompagnée d’un boléro ou d’un paletot assorti. L’ensemble forme « le petit costume », ancêtre du tailleur.
En ville, la femme a recours à la « robe à transformation », qui lui permet d’adapter sa tenue en fonction de l’événement auquel elle assiste. Ainsi, une même jupe s’associe à divers corsages – un fermé pour le jour, un décolleté pour le bal ou l’opéra. Plus la femme se dénude, plus elle expose qu’elle assiste à un événement mondain important.

L’usage des parfums et de la cosmétique se répand. Charles Baudelaire fait l’éloge du maquillage dans Le peintre de la vie moderne: « La femme est bien dans son droit, et même elle accomplit une espèce de devoir en s’appliquant à paraître magique et surnaturelle… Ce que notre temps appelle vulgairement maquillage […] a pour but et pour résultat […] de créer une unité abstraite […] laquelle […] rapproche immédiatement l’être humain de la statue, c’est à dire un être divin et supérieur […] le rouge qui enflamme la pommette augmente encore la clarté de la prunelle et ajoute à un beau visage féminin la passion mystérieuse de la prêtresse ».

La maison Guerlain, fondée par Pierre-François-Pascal Guerlain en 1828, obtient le privilège de fournir l’impératrice Eugénie et en appose les armes sur ses étiquettes. Pour renforcer la pâleur de son teint, l’impératrice cerne ses yeux de khôl. Elle affectionne également l’Eau de Cologne Impériale (1853), qui l’aide à soulager ses migraines grâce à ses senteurs de fleur d’oranger, bergamote, citron, lavande, romarin. Déjà, la réputation de la maison Guerlain s’exporte dans toute la France et le monde entier (les reines Victoria d’Angleterre et Isabelle II d’Espagne font appel aux services de P.-F.-P. Guerlain).
La mécanisation de la production textile permet d’intensifier le rendement  – il faut alors compter près de 10m pour réaliser une jupe en 1859 – et la création de la passementerie (dentelle et perles ou franges, ruchés de gaze et plissés divers). Quant aux progrès de la chimie, ils favorisent la création de nouvelles teintures: le fuschia (créé par Verguin), le mauve (lancé par la reine Victoria en 1851, créé en France par Perkins), le vert cru, le bleu vif, le rouge sang… Ces couleurs criardes s’opposent aux douceurs des teintes de la soie et à une autre couleur, à la mode depuis la fin du XVIIIe siècle, le blanc.
Si le début du XIXe siècle est marqué par une certaine nostalgie du siècle précédent avec des imprimés de style Pompadour, progressivement apparaissent de nouveaux motifs imprimés ou tissés sur les cotonnades d’Alsace. A partir de 1860, les rayures et les carreaux font fureur.

La dernière partie de l’exposition évoque la naissance des grands magasins, telle, rive gauche, la Maison du Bon Marché (1849) et, rive droite, le Printemps (1865). Ils s’inspirent de l’emporium anglais ou magasin de nouveautés et servent de vitrines aux produits manufacturés, exhibés lors des Expositions Universelles devant un public international.

« La véritable prospérité de notre pays repose sur le développement progressif de ses industries naturelles, c’est à dire de tous les arts sur lesquels l’habileté de la main et la pureté du goût peuvent exercer leur influence », affirmait Auguste Blanqui.

Parallèlement, la Haute Couture voit le jour et se met lentement en place. Madame Palmyre (immortalisée par Henri de Toulouse-Lautrec) puis Charles-Frederick Worth (1825-1895) deviennent les premiers créateurs de haute couture. C.-F. Worth est lancé par la princesse viennoise Pauline de Metternich (1836-1921) qui impose ses créations à l’entourage de l’impératrice Eugénie. Les cocottes, les cocodettes [femmes à l’élégance provoquante qui cherchent l’aventure dans les lieux publics], les actrices, les princesses russes et les femmes des grands entrepreneurs américains courent le tout Paris pour dénicher les dernières toilettes de luxe et les bijoux aux pierres précieuses. Les saphirs et les rubis sont importés de Birmanie, dès 1856 et les pierres du Siam à partir de 1861.

A la différence du XVIIIe siècle, les commanditaires ne dictent pas leurs désirs aux créateurs. C.-F. Worth avançait: « Je ne veux pas que les gens ordonnent leurs vêtements. S’ils le faisaient je perdrais la moitié de mon commerce ». Il développe la pratique de la griffe, qu’il importe d’Angleterre, son pays natal. La marque est cousue en lettres dorées sur le cordon de taille des corsages. Signe de la qualité du produit et preuve de ce qu’il y a de mieux à porter alors. Aujourd’hui, la tendance est plus exhibitionniste avec une étiquette ou un logo immédiatement reconnaissable affiché à l’extérieur du produit.
Autant l’avouer, j’étais sceptique quant à l’intérêt que je pourrais porter à la mode du Second Empire. Les froufrous, imprimés tapissiers et chapeaux fleuris ou, pire, emplumés n’étant pas ma tasse de thé! Pourtant, en dépit du volume des crinolines, on imagine très bien la fluidité du mouvement des femmes de l’époque, déambulant avec élégance. La violence des couleurs est compensée par le raffinement des motifs et des tissus. La mise en scène de l’exposition finit à ravir le visiteur, que l’on suspectera plus facilement féminin…bien qu’un confrère de Radio France Bleu soit reparti enchanté du vernissage!

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