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Chefs d’oeuvre de la collection Khalili

Arts de l’Islam

Jusqu’au 14 mars 2010

[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-ARTS-DE-L-ISLAM–CHEFS-D-OEUVRE-ISLA1.htm]

Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés Saint-Bernard 75005, 10,50€

Lutter contre l’intolérance religieuse par la connaissance. Tel est l’objectif qui soutend l’exposition organisée par Nasser D. Khalili à l’Institut du monde arabe. Cet hommes d’affaires juif iranien, basé à Londres, possède quelque 20.000 pièces illustrant la production artistique dans les pays musulmans du VIIe au XXe siècle. Sa collection, comme celle de ses autres thèmes de prédilection (art japonais de l’ère Meiji, textiles suédois, émaux, ferronerie damasquinée espagnole) est devenue dans son domaine la plus importe au monde. Et, il entend bien la faire découvrir à un public le plus large possible pour promouvoir la paix entre les peuples.


« Arts de l’Islam » s’organise autour de trois thèmes: « Foi, sagesse et destinée », « L’atelier des mécènes: califes, émirs, khans et sultans », et « Un univers de formes et de couleurs ». A chaque section un préjugé à l’encontre de l’art islamique est abattu.

L’art islamique n’est pas celui d’un seul pays ou d’une civilisation

Le calendrier islamique commence en 622 lorsque le prophète Muhammad quitte La Mecque pour Médine (hégire, migration). Deux siècles après sa mort (632), l’islam s’est répandu de l’Espagne à l’Afghanistan, du nord de l’Inde à la frontière chinoise.

L’islam englobe ainsi une multitude de peuples, aux héritages artistiques diverses qui vont influencer l’art et l’architecture islamiques. Comme les traditions byzantine occidentale ou sassanide orientale. Contrairement à l’image actuelle que nous renvoient les médias, la culture islamique n’est pas une entité obscure, imperméable aux influences extérieures. Les échanges commerciaux ont longtemps permis d’intensifier les variantes artistiques. La céramique, produite à Iznik à l’époque ottomane, en est un bel exemple. Les motifs floraux (dits « aux quatre fleurs »: tulipe, jacinthe, oeillet, églantine) s’inspirent des céramiques chinoise ou japonaise à décor bleu et blanc, tandis que la forme et les cannellures des flasques évoquent les bouteilles vénitiennes, importées en grande quantité au XVIe siècle.

L’art islamique n’est pas synonyme d’art religieux

A partir du VIIIe siècle, avec l’avènement de la dynastie abbasside, dont la capitale est Bagdad, l’art islamique s’affirme à part entière.
Il se caractérise par son inspiration de la pensée philosophique musulmane. Outre l’importance de l’architecture religieuse, il a recours aux inscriptions calligraphiques tant sur les objets de rituels que sur la vaisselle utilitaire. Les versets coraniques et l’écriture arabe investissent tout objet dont l’esthétique est un témoignage de la création divine. La distinction n’est guère précise entre le sacré et le profane. Des prières sont inscrites sur des pots à eau. Inversement, des corans sont enluminés avec des motifs empruntés à la joaillerie profane.
L’esthétique islamique se caractérise également par son utilisation immodérée des arabesques, rinceaux et entrelacs géométriques qui tendent vers l’abstraction.

L’art islamique n’exclut ni les représentations figuratives…

En dehors du contexe religieux – manuscrits du Coran et mosquées -, le hadîth (tradition du Prophète) ne réprouve pas la représentation figurée d’hommes et d’animaux.
L’ère héllénique et l’Asie occidentale ont légué à l’Islam la tradition de représenter des combats opposants des animaux ou un héros à une bête ou à un être fantastique: lions attaquant une proie, phénix contre dragons, aigles s’abattant sur des lièvres. Sans oublier les représentations de sphinx, harpies et griffons.
Quant au Prophète, il peut être représenté à condition que son visage soit voilé d’un mouchoir. Dante s’est d’ailleurs inspiré pour sa Divine Comédie du Siyer-i Nebi, biographie du prophète Muhammad, qui évoque, entre autres, le récit de son ascension au septième ciel (Mi’râj) et sa visite aux enfers.

… ni l’iconographie chrétienne

La dernière salle de l’exposition illustre cette assertion qui en surprendra plus d’un. Muhammad Zamân, artiste iranien (n’en déplaise à Mahmoud Ahmadinejad), a réalisé six compositions sur des sujets bibliques entre 1678 et 1689, dont Judith portant la tête tranchée d’Holopherne, d’après la gravure du Bolonais Guido Reni. De nombreuses gravures circulaient, en effet, en Inde et en Iran au XVIIe siècle par le biais des marchands et des missions religieuses.
Autre exemple: ce coffret rectangulaire illustre le thème récurrent des plaisirs princiers (cavaliers, chasseurs, princes en trône, musiciens, buveurs) et, de manière surprenante, un personnage tenant une croix, arborant l’attitude des diacres et des prêtres!
A travers sa fondation Maïmonide, Nasser D. Khalili (né en 1945 à Ispahan, Iran) cherche à « promouvoir la paix et l’harmonie entre les communautés juive et musulmane ». Ses collections ne disposent pas de musée permanent pour le moment, ce qui l’incite à les faire voyager à travers le monde. Car il les considère d’une valeur inestimable (l’ensemble est chiffré à cinq milliards d’euros) et n’en être que « l’heureux dépositaire car elles appartiennent à l’humanité entière ». On ne peut que saluer son intelligence de pensée. Les pièces de l’exposition sont véritablement splendides et engendrent pur ravissement.

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