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Naissance de l’intime

Eugène Lomont, Jeune femme à sa toilette, 1898. Huile sur toile. Beauvais, Musée départemental de l’Oise © RMN Grand Palais / Thierry OllivierLa Toilette

Jusqu’au 5 juillet 2015

[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-LA-TOILETTE–NAISSANCE-DE-L-INTIME-TOILE.htm]

Catalogue de l’exposition : 

Musée Marmottan Monet, 2 rue Louis Boilly, Paris XVI

Les collections du musée Marmottan ne se résument pas à l’art de la fin du XIXe siècle avec son important fonds Monet et Morisot. Comme le prouve la nouvelle exposition qui propose un parcours à travers les siècles sur un thème original : la toilette. Ce rituel qui se développe au XVe siècle et engendre de nouveaux gestes et codes sociaux, aura un impact déterminant sur les arts à partir de la fin du XIXe siècle.

L’exposition s’ouvre sur une magnifique tenture montrant la séance d’un bain en extérieur (vers 1500, musée de Cluny) au cours de laquelle une jeune noble ne se nettoie pas – l’ablution est jugée trop prosaïque ! – mais reste immobile debout, nue jusqu’à mi-corps. La tradition picturale d’alors est de représenter les femmes au bain, au corps idéalisé (formes rondes et fluides, carnation laiteuse), dans un cadre non moins luxuriant (fontaine, flore prolifique).

A la Renaissance, les bains publics disparaissent. L’eau est considérée comme un vecteur de maladie. Seules les élites continuent de se baigner. Comme en attestent les dames au bain de l’Ecole de Fontainebleau (fin XVIe siècle). L’opération se déroule dans les « appartements des bains » des châteaux ou dans la chambre des femmes. Mais il n’existe pas encore une pièce spécifiquement dédiée à la toilette. Les femmes se baignent en présence d’adultes ou d’enfants des deux sexes.

Au XVIIe siècle, le bain n’est plus représenté. Le peintre se contente de témoigner du geste hygiénique quotidien consistant à se passer un linge blanc (non mouillé) sur le visage et à se nettoyer à l’eau les mains. Ensuite, les femmes se coiffaient, maquillaient, parfumaient, et s’ornaient de bijoux.

 

Le XVIIIe siècle est marqué par l’invention de nouveaux accessoires (pédiluve, bidet), les femmes disposent de leur propre boudoir tandis que les hommes ont un cabinet privé qui deviendra le fumoir. Des oeuvres licencieuses ornent ces pièces. Les plus libertines comme L’Origine du monde de Courbet seront cachées par d’autres tableaux. François Bouchet illustrent cette section avec notamment La Jupe relevée (1742 ?) et L’Oeil indiscret ou La Femme qui pisse (1742 ?).

 

La notion de privée change radicalement au début du XIXe siècle. Aucun visiteur, y compris domestique, n’est admis et celui qui se lave ferme dorénavant sa porte. Les peintres se bornent alors à représenter les apprêts de la coiffure et de l’habillage.

La femme à la toilette redevient un thème pictural à la fin du XIXe siècle lorsque l’eau courante est plus accessible. Le nu se modernise : corps imparfait, pose moins élégante au profit de l’incarnation de la chair à travers le choix des couleurs (Degas puis Bonnard).

Pour les commissaires de l’exposition, Georges Vigarello et Nadeije Laneyrie-Dagen, « il s’agit moins de se laver que de ressentir, moins de se parer que de s’oublier, ou plutôt de se retrouver. La salle de bain devient le refuge contre le monde, la toilette, un temps où le temps n’existe plus. »

Chez les avant-gardistes du XXe siècle (Cézanne, Picasso, Léger), la forme, souvent déstructurée, prime sur le motif.

Après la Première Guerre mondiale, les produits cosmétiques apparaissent sur le marché. Helena Rubinstein, Esthée Lauder, Elisabeth Arden introduisent le concept de « maison de beauté ». Une décennie plus tard, la publicité s’en mêle et lance les campagnes en faveur des produits et soins de beauté.

L’exposition se termine sur une sculpture de Julio Gonzalez, ami de Picasso et les arts visuels de l’an 2000 (Erro, Dietman, Blumenfeld, Bettina Reims).

Ce parcours sur la thématique de la toilette à travers les âges est édifiant. A tel point, que captivée par les peintures et la représentation, essentiellement féminine, qui en est faite, j’ai été déçue que l’exposition s’arrête si abruptement sur un « la question du nu, ou du moins celle du nu se parant, n’est plus d’actualité ». Ma seule critique serait donc que l’exposition se poursuive un chouia !

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