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Le Nouveau Réalisme face à l’émergence de la société de consommation

Le Nouveau Réalisme

Jusqu’au 2 juillet 2007

Galeries Nationales du Grand Palais, entrée square Jean Perrin, 3 avenue du Général Eisenhower 75008, 01 44 13 17 17 (serveur vocal), 10€

Première exposition en vingt ans sur le Nouveau Réalisme en tant que mouvement, la rétrospective éponyme qui s’ouvre aux Galeries Nationales du Grand Palais entend décrypter l’important renouvellement du langage plastique initié de la fin des années 1950 au milieu des années 1960.

Treize pointures artistiques ont travaillé à dépasser le concept de l’abstraction dominant, voire étouffant, la scène parisienne d’après-guerre: Yves Klein, Jean Tinguely, Arman, Martial Raysse, César, François Dufrêne, Jacques Villeglé, Raymond Hains, Daniel Spoerri, Gérard Deschamps, Niki de Saint Phalle, Mimmo Rotella et Christo.

Les Nouveaux Réalistes – terminologie inventée par le critique d’art Pierre Restany, qui se fait le théoricien et le pivot central du mouvement – apportent un autre regard au réel et à la représentation des choses.

L’objet (accumulation, poubelles, tableaux-pièges, panoplies…) et le corps (anthropométrie, crirythme, colère, décollage, tir, empaquetage, compression…) jouent le rôle de médiateur entre l’observateur et le réel, via les notions d’appropriation et d’empreinte.

Cette nouvelle expression artistique rejette naturellement le mode traditionnel de présentation des objets, trop statique. Elle recherche, au contraire, ce que l’on nommerait aujourd’hui l’interactivité par des « actions-spectacles » – pendant français du happening, conçu par Kaprow aux Etats-Unis.
D’un côté, l’artiste quitte son atelier, récupère les matériaux de la rue, organise des événements fortement médiatisés afin d’aller à l’encontre du public. De l’autre, le public se doit de participer de manière spontané, généralement sur un mode festif.
Se créent ainsi des environnements in situ éphémères et souvent collectifs. Tel le Dylaby (1962) – labyrinthe dynamique – qui consiste en une oeuvre collective et participative, conçue par Tinguely et Spoerri, sous l’impulsion de Willem Sandberg, conservateur du Stedelijk Museum (Pays-Bas). « Des artistes de plusieurs pays se sont retrouvés dans le but de faire participer le public à leur travail, pour vous faire voir, sentir, collaborer avec eux. Six artistes dans sept pièces ont créé des décors plein de variété, gais, et bizarres, bruyants et silencieux, où vous pouvez rire, laisser libre cours à votre excitation ou à vos pensées. Vous n’êtes pas en dehors des objets mais constamment avec eux comme partie du tout » (Dylaby). A la fin de la manifestation, tout est détruit.

Ce texte de présentation met en valeur un autre élément fondamental dans le mouvement du Nouveau réalisme – sa volonté d’échanger avec les autres courants internationaux (Etats-Unis, Italie, Allemagne) ou thèmes (Néo-Dada, Pop Art, Flexus, groupe zéro).

Le thème de la destruction se déploie autour des colères d’Arman – piano ou contrebasse réduits en morceaux, voiture dynamitée, appartement vandalisé -, les gigantesques machines autodestructrices de Tinguely. Ou encore le tir de Niki de Saint Phalle sur des figures symboliques – amant, monstre, père (en raison d’une douloureuse histoire d’inceste comme le révèle son film Daddy, 1972).

Si les premières manifestations du Nouveau Réalisme tournent autour des affiches lacérées sur tôles de zinc, les dessous d’affiches et les palissades de Villeglé, Hains et Rotella, dans la seconde moitié des années 60 les oeuvres sont plus graphiques et les matériaux industriels. Arman découvre la résine; César, le polyuréthane; Raysse, le néon: « c’est la couleur vivante, une couleur par-delà la couleur. La plume et le pinceau sont dépassés. Le néon exprime plus fidèlement la vie moderne […] ».
Une révolution visuelle qui s’accompagne de son: l’invention du cri automatique – Crirythme – de Dufrêne ou les récitals de poésie phonétique de Rotella.

« Le Nouveau Réalisme n’est pas un groupe d’artistes mais une sorte de confrérie. Un ensemble de petits César qui se partagent le monde comme on se partage un gâteau. Yves Klein prend le bleu, César les compressions de voitures, Arman les poubelles, Villeglé, Rotella et moi [Raymond Hains] les affiches lacérées, Christo les emballages. Nous passons avec les Nouveaux Réalistes, du monde de la peinture au monde de la vérité. Les artistes cessent de fabriquer l’art pour devenir des abstractions personnifiées. » (Raymond Hains)

Une expo à voir dans une finalité pédagogique mais ne cherchez pas de valeur purement esthétique dans ces oeuvres qui se veulent anticonformistes…

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