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La poterie berbère: un art féminin qui remonte à la préhistoire

Ideqqi: Art de femmes berbères

Jusqu’au 16 septembre 2007

Musée du quai Branly, Galerie suspendue Est, 206 et 218 rue de l’Université ou 27, 37, 51 quai Branly 75007, 01 56 61 70 00, 8,50€

Le musée du quai Branly propose une exposition dossier remarquable, orchestrée par la spécialiste du Maghreb, Marie-France Vivier, sur l’ideqqi – terme berbère qui signifie poterie. Réalisé par les femmes dans les villages depuis la préhistoire, cet art authentique tend aujourd »hui à se perdre. D’où l’importance de faire connaître au public occidental les codes d’un savoir-faire ancestral en voie de disparition.

L’exode rural et le développement d’une économie globale qui étouffe l’artisanat local met en danger la transmission de la fabrication à la main des jarrres, couscoussiers, vases, lampes à huile, objets de cérémonie de mariage, etc. Des objets usuels qui ont une finalité effective et, à un moindre degré, une fonction décorative.

Le processus de fabrication de cette poterie utilitaire suit le procédé du colombin. Celui-ci s’obtient à partir de l’argile, matière première qui se trouve en abondance près des villages. L’argile est roulée sur une surface absorbante telle que le bois, avec la pression des mains, dans un mouvement de va et vient. Les colombins sont ensuite empilés les uns sur les autres pour former les parois du pot. Ils sont polis avec un galet ou un coquillage. La pièce est mise à sécher à l’air – au printemps, lorsque la température est douce et pas trop chaude pour éviter les craquelures – avant d’être enduite d’un engobe blanc [revêtement mince à base d’argile délayée] ou ocre. L’ensemble est décoré à la main ou à l’aide d’un pinceau rudimentaire, trempé dans des colorants naturels (blancs, ocre, et brun). La cuisson se fait au feu de bois, à même le sol. Enfin, la poterie ideqqi est parfois recouverte d’une résine végétale pour lui assurer une certaine étanchéité et lui donner du brillant.

Les couleurs choisies révèlent la région de production de la poterie. Le noir et le rouge sont usités en grande Kabylie et le blanc en petite Kabylie. Idem pour les motifs qui indiquent l’appartenance à telle ou telle tribu.

La poterie berbère est décorée de symboles géométriques, zoomorphes et anthropomorphes, qui évoquent ceux des tatouages et des bijoux. Telle une femme, la poterie est « parée » de symboles qui vont protéger son propriétaire contre les mauvais esprits et lui assurer amour des siens et fertilité.

« Malgré l’invasion des arabes au VIIe siècle, les Berbères ont gardé leurs croyances animistes et appliquent une version personnalisée de l’Islam », commente Marie-France Vivier, commissaire de l’exposition – sa dernière car elle part à la retraite, confie-t-elle émue! Si les motifs des serpents, des papillons, scorpions, mouches, oiseaux, etc., et les figures géométriques (carrés, rectangles, croix, triangles, losanges) se retrouvent encore aujourd’hui, de nouveaux symboles sont apparus liés à la vie moderne comme les avions et les automobiles.

Les objets fabriqués, puisque destinés à conserver de la nourriture ou allumer une pièce, restent au sein d’une famille. De ce fait, ils ne portent que très rarement le nom de leur créatrice. La femme ne peut vendre ses objets seulement lorsqu’elle devient veuve et désargentée.

Une exposition magnifique qui se décompose en trois parties: les formes et les fonctions, les objets de la cérémonie du mariage, et les quelques objets réalisés par des femmes artistes, reconnues en tant que telles. Synthétique, soigneusement agencée, Ideqqi: Art de femmes berbères est une exposition à la fois historique et ancrée dans la contemporanéité. En un mot, passionnante.

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