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La peinture japonaise nihonga: un parcours spirituel

L’âme actuelle du Japon. Etonnants peintres INTEN.

Jusqu’au 23 juin 2007

Espace des Arts Mitsukoshi Etoile, 3 rue de Tilsitt 75008, 01 44 09 11 11, 4€

L’Académie des Beaux-Arts du Japon organise à Paris une exposition de son best-of de la création contemporaine. Un événement novateur depuis près de 80 ans, la dernière exposition de cette Académie à l’étranger (Rome) remontant à 1930…

Dans un hôtel particulier jouxtant l’Arc de Triomphe, les grands magasins Mitsukoshi, qui ont fondé leur fortune sur le commerce de la soie puis l’importation de biens occidentaux, ont ouvert à Paris un espace dédié à l’art. A l’image de leurs boutiques au Japon qui ont été les premières au monde à développer le concept d’exposition au sein de leurs magasins.

L’espace Mitsukoshi-Etoile s’étend sur trois étages et présente trente-deux oeuvres représentant 32 peintres – sur les 35 membres élus de la Nihon Bijutsu-in (Académie des Beaux-Arts du Japon), dont la doyenne, Me Tamako Kataoka, a le privilège d’exhiber 102 ans!

Ces artistes incarnent l’évolution de la peinture traditionnelle [nihonga,littéralement « peinture (ga) du Japon (nihon)]. Lors de la création de la Nihon Bijutsu-in en 1898 – soit 20 ans après la proclamation de l’ère Meiji (ouverture) – son fondateur Kakuzô Okakura, dit Tenshin, prône une rénovation des techniques ancestrales, délaissées sous l’influence occidentale qui franchissait les ports japonais.

Ainsi, dès la naissance de l’Académie, certains membres – tels Taikan Yokoyama ou Shunsô Ishida – s’ouvrent vers l’extérieur en vendant leurs oeuvres aux Etats-Unis et en Europe, dans une volonté affichée de promouvoir leur art dans le monde entier.

Cette exposition prouve la réussite de la conversion de l’art millénaire japonais des estampes en un art moderne. Des matériaux traditionnels – papier washi (papier japonais marouflé, en fibres de chanvre), soie, pigments minéraux (poudres de pierres semi-précieuses) mélangés à de la colle animale (arrêtes de poisson, os d’animaux, peau de lapin, etc.) parfois réhaussés d’or – reflètent pourtant une esthétique occidentale, notamment l’Impressionnisme et ses rendus de lumière. Oomuta et le Mont Ubayama: souvenirs du pays natal (1997) de Hôji Itô (né en 1938) par exemple rappelle instantanément G. Seurat par des tâches de couleur qui évoquent l’émotion du peintre à l’évocation de son village natal.

D’autres oeuvres, encore plus modernes dans leur représentation – telle Prière (1999) de Shun’ei Nishida (né en 1953) avec son intérieur d’église de pierre baignée de lumière sacrée, ou Le Berger (2006) de Shigetomo Kurashima (né en 1944), créé après les attentats du 11 septembre 2001 – s’ancrent indéniablement dans l’actualité tout en aspirant à un monde plus serein, plus simple, tourné vers la Nature, comme autrefois.

Grands admirateurs de Dame Nature habitée par de nombreuses déités, les artistes japonais nous incitent à observer et à vivre en harmonie avec le cosmos. Leurs oeuvres reflètent un appel à la spiritualité, qui semble se dégager du glissement de l’eau (cf. Clair de Lune sur Itsukushima de Ikuo Hirayama), du froufroutement du vent ou du filet de poisson (cf. Feu d’artifice sur l’eau de Masaaki Miyasako), du battement d’aile du papillon (cf. Le Banquet de Hideo Kamakura).

L’art pictural japonais rappelle l’éphémérité de la vie, la grandeur du cosmos face à l’infiniment petit que sont les êtres humains. L’homme apparaît d’ailleurs rarement dans ces peintures qui imposent au spectateur de prendre le temps de se poser pour suivre les sentes dissimulées ici et là dans le tableau, voire de s’affranchir hors du cadre (présent ici dans le seul but d’accrocher les paravents) et de s’évader hors du temps présent.

Un parcours émotionnel qui peut vous être richement commenté par Me Dorothée de Boisséon (sur RDV pendant la durée de l’exposition). Fortement recommandé pour découvrir cet art si subtil dans sa représentation et sa symbolique.

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