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Initiation et premier hommage à la sculpture grecque en France

Praxitèle

Jusqu’au 18 juin 2007

Musée du Louvre, Hall Napoléon, rue de Rivoli 75001, 01 40 20 53 17, 9,50€

Après la Liebieghaus de Francfort autour de Polyclète (1990) et le Palazzo delle Esposizioni de Rome sur Sicyone (1996), le musée du Louvre rend hommage à la statuaire grecque avec une exposition phare sur Praxitèle, l’un des plus célèbres artistes de l’Antiquité. Et pour cause: il est le premier sculpteur grec à oser représenter le nu féminin dans son intégralité.


Pour la première fois en France, un musée consacre une exposition monographique à un sculpteur grec, Praxitèle (400 avant J.-C.-330/325 avant J.-C.), à qui l’on doit trois oeuvres majeures qui ont influencé l’histoire de l’art occidental: l’Aphrodite de Cnide, l’Apollon Sauroctone, et le Satyre au repos.

Profitant de la récente restauration d’un grand nombre de marbres et de bronzes, le musée du Louvre offre un état des lieux sur l’avancée des recherches concernant les études praxitéliennes.

Car, toute la difficulté de l’exercice consiste à pouvoir attribuer des milliers d’années après sa création une oeuvre, souvent ébréchée et maintes fois copiée, à son réel auteur.
Une partie des experts, sous la direction d’Adolf Furtwänger, penche pour un Praxitèle prolifique, lui attribuant de nombreux marbres. Tandis que d’autres, guidés par Brunilde Sismondo Ridgway – bien plus sceptique – réduit sérieusement la liste.
Entre ces deux positions, Alain Pasquier, conservateur général, et Jean-Luc Martinez, conservateur en chef, du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines au musée du Louvre, espèrent offrir une voie médiane, explicitant ce qui leur paraît probable ou possible, de ce qui relève de la pure imagination, quant à l’authenticité de ces oeuvres.

A commencer par la copie en bronze de la Vénus du Belvédère, réalisée par Francesco Primaticcio, dit Primatice (1504-1570) pour le château de Fontainebleau, sur l’ordre de François Ier. Longtemps les sceptiques ont refusé – ils ont abdiqué aujourd’hui – d’en attribuer la source originale à Praxitèle. Une oeuvre si célèbre qu’on la retrouve presque identique dans un tableau de Renoir.

Pour découvrir si Praxitèle est bien l’auteur de ces vestiges de sculptures, aux torses décapités, aux nez cassés, aux têtes coupées, sans parler du cas où il ne reste que le socle soutenant la statue (cf. entrée de l’expo), les experts ne peuvent que se référer aux textes des écrivains (Lucien de Samosate, Pseudo-Lucien, Plutarque, etc.) et historiens de l’Antiquité. En particulier, l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien (Ier siècle après J.-C.) consacrée au bronze et à la pierre, et la Périégèse de Pausanias (IIè siècle après J.-C.) qui décrit les sites et les oeuvres du monde grec, tel un guide pour curieux et érudits.

Résultat des courses: l’exposition propose de décrypter des types statuaires – à défaut de pouvoir attribuer de manière certaine les oeuvres à leur auteur – qui regroupent des caractéristiques communes relevant de l’art de Praxitèle.

Premier type statuaire: l’Aphrodite de Cnide

D’après la petite histoire, Praxitèle aurait proposé aux habitants de Cos, à la recherche d’une statue d’Aphrodite, deux modèles. L’un drapé, l’autre nu. Ils auraient choisi la version drapée car « elle était sévère et pudique » (Pline). La seconde version est revenue à la population de Cnide, qui a ainsi assuré la célébrité de sa cité. Car, de tous les horizons du monde grec, des pèlerins sont venus admirer la déesse de l’amour! Le roi Nicomède voulut même l’acquérir contre la suppression de la dette des Cnidiens mais ces derniers refusèrent…
L’Aphrodite de Cnide – l’une des statues de l’Antiquité les plus célèbres, donc, avec le Zeus d’Olympie – représente la déesse de l’amour, debout, nue, hormis des bandeaux qui retiennent sa chevelure et un bracelet garni d’une pierre fine cerclant son bras gauche. Sa main gauche tient un vêtement posé sur un vase (hydrie ou amphore selon les copies), tandis que la main droite cache son sexe. Bien que l’image évoque le bain, la nudité de la déesse n’en est pas le prétexte. Au contraire, « la nudité qui fragilise les mortelles accroît la puissance de la déesse de l’amour. Aussi l’attitude de la main portée au-devant du pubis peut-elle être comprise non pas comme une manoeuvre de protection, mais plutôt comme un geste qui oriente le regard et désigne la source principale de sa souveraineté » (Alain Pasquier).

Deuxième type statuaire: l’Apollon Sauroctone

L’Apollon « tueur de lézard » représente une figure masculine, debout, nue, jeune et imberbe, dont le bras gauche s’appuie sur un tronc sur lequel grimpe un lézard. Une composition complexe qui prétend la nonchalance. La contradiction entre les gestes – le bras droit est replié, prêt à l’action – se traduit aussi par « le pincement des chairs au-dessus de la hanche droite », relève Jean-Luc Martinez.

Troisième type statuaire: le Satyre au repos

Il s’agit du type statuaire le plus copié dans le bassin méditerranéen (de l’Italie à la Lybie, en passant par l’Espagne, la Grèce et la Gaule).
Il représente un jeune satyre – divinité mythologique de la terre – imberbe et nu, aux oreilles pointues, à la peau de panthère portée en écharpe nouée sur l’épaule droite et rejetée en arrière, la main gauche posée sur la hanche, le coude droit plié sur un tronc d’arbre. Là encore, on remarque la posture feinte de l’indolence. En effet, l’action est imminente comme le révèle « la position des orteils pliés du pied droit, [qui] n’est pas celle du repos mais la prise d’appui avant le saut! (Jean-Luc Martinez).

Aux réfractaires de l’art grec, dont il semble ne rester que des copies de statues nues et barbues, et qui, par là même, ne dispose pas de la faveur du grand public, plus enclin à admirer « l’exotisme » de l’art égyptien, le musée du Louvre envoie un message clair: apprenez à regarder de plus près ces Apollons, Vénus et Aphrodites, et leur harmonie majestueuse vous révèlera ses secrets!

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