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L’exposition inaugurale de la Galerie des Gobelins

Trésors dévoilés: 1607-2007

Jusqu’au 30 septembre 2007

Galerie des Gobelins, 42 avenue des Gobelins 75013, 01 44 08 53 49, 6€
Après trente ans de fermeture et une inopportune visibilité publique, la Galerie des Gobelins ouvre ses portes avec une exposition forte présentant les collections du Mobilier national, ancien garde-meuble de la Couronne. Des oeuvres rares et somptueuses.

Dès l’entrée, le ton est donné: la Galerie s’inscrit dans la contemporanéité en exposant des oeuvres modernes, inspirées du patrimoine national. Telle cette tapisserie aux couleurs acidulées de Matali Grasset (né en 1965) qui rend homage aux plans futuristes de Claude Nicolas Ledoux – architecte français du XVIIIè, promoteur du style néoclassique.

Ou cette méridienne de Paul-Armand Gette (né en 1927) recouverte d’un tissu aux
Nymphéas pour « permettre à une nymphe de se reposer », dixit son créateur!

Pourtant, ces objets ne sont guère destinés à un cadre oisif. Ils ont été créés dans l’objectif d’habiller le palais de l’Elysée et autres résidences présidentielles, l’hôtel Matignon, les quinze ministères et les 220 ambassades françaises à travers le monde. Par exemple, le « Fauteuil de haute personnalité » a équipé la tribune présidentielle du 14 juillet 2000. Conçu par Christophe Pillet (né en 1959), membre de l’ARC (Atelier de Recherche et de Création du Mobilier national), ce « repose-fesses » est constitué d’une coque en bois de l’Ouro Petro (Brésil) et d’un superbe cuir ivoire.
Mais il faut monter au second étage pour admirer la maître pièce de l’exposition – la tenture d’Artémise. Première tenture royale – comme l’atteste les armes de France et de Navarre (les lettres H et M entrelacées) -, elle se compose de quinze panneaux, montrés dans leur ensemble pour la première fois depuis 350 ans. Cette tenture a la particularité d’être constituée de fils d’or et d’argent. « Une tenture aristocratique aurait été composée de fils de soie », précise le directeur des Collections, Arnauld Brejon de Lavergnée.

Commandée par Henri II pour Catherine de Médicis, la tenture d’Artémise est devenu le symbole des veuves royales, de l’éducation du Prince et surtout du triomphe de la Reine. . Car après la mort d’Henri II et d’Henri IV, Marie de Médicis hérite du trône et de la tapisserie. Réalisée d’après des dessins d’Antoine Caron – l’artiste français le plus important du XVIè siècle – la tapisserie s’est enrichie de l’inspiration d’Henri Lerambert et des sonnets de Nicolas Houel.

Les historiens pensent que Louis XIV donna huit pièces sur quinze à l’Angleterre entre 1659 et 1666. Les autres servaient à décorer et à réchauffer (au sens propre du terme) les résidences royales, voyageant au gré des déplacements du Roi, entre Versailles, Saint-Germain-en-Laye, et Fontainebleau.
Les panneaux manquant réapparaissent sur le marché de l’art français en 1999 et sont acquis par la galerie Chevalier à Paris. Or, avec son pendant la tenture de Coriolan, la tenture d’Artémise représente l’unique témoignage de la tapisserie française au temps des Valois et le dernier vestige du mobilier d’Henri IV. L’Etat – grâce au mécénat de la banque Natixis – s’est donc empressé de racheter ces pièces précieuses pour la somme de 1.825 millions d’euros.

Au milieu de ces murs de laine qui offrent au regard un cycle narratif aussi riche que celui de la galerie de François Ier au château de Fontainebleau, sont disposés des trésors anciens.
Tels ces vases du XIVè siècle découverts à l’Alhambra de Grenade par le directeur des Manufactures de Sèvres, Alexandre Brongniart. Celui-i décide de produire les mêmes en France grâce au procédé des pâtes incrustées, connu des céramistes arabes. Opérant ainsi la redécouverte des arts islamiques en pleine révolution romantique.
Ou ce bénitier en cristal, présenté à l’Exposition Universelle de 1867, que la Société de Cristallerie de Lyon offrit à l’impératrice Eugénie.

Enfin, en redescendant l’escalier vers le rez-de-chaussée, vous découvrirez deux créations contemporaines. Le diptyque de Raymond Hains (1926-2005) réalisé par la Manufacture de Beauvais qui s’inspire d’une affiche du musée de Grenoble pour l’exposition consacrée à Eustache Le Sueur. Et, le « Mur des Lisses » de Monique Frydman, conçu à partir de fils de couleur, parabole de la tradition ininterrompue du fil de tissage.

La Galerie des Gobelins, construite par Jean-Camille Formigé (1845-1926) – Grand Prix de Rome et architecte du métro aérien – devait initialement ouvrir le 1er août 1914. Pour une raison évidente, la date fut reportée à 1922.
Ce lieu de patrimoine et de création a toujours eu pour vocation de disposer d’un espace d’exposition pour présenter ses collections au public. Il y eut seize expositions successives entre 1922 et 1972. Gageons que cette réouverture qui permet d’apprécier et de découvrir les métiers liés à la tapisserie (Manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie), à la dentelle à l’aiguille (atelier d’Alençon) et la dentelle au fuseau (atelier du Puy).

Un savoir-faire ancestral auquel tout citoyen devrait rendre hommage en visitant ce haut lieu.

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